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BULGARIE

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Quatre ans plus tard, le 21 mars 1245, Innocent IV faisait apporter à Caloman I er, son (ils, une lettre très affectueuse, dans laquelle il lui exposait la primauté des successeurs de Pierre et l’invitait à rentrer dans le giron de l’Église, s’engageant à convoquer dans ce but un concile général et à recevoir ses délégués avec honneur et avec une joie cordiale. ïheiner, op. cit., t. i, p. 196-197 ; Hurmuzaki, op. cit. t. 1, p. 225-227. On ne connaît pas la nature des relations, qui existèrent entre Rome et les tsars Michel Assen, 1246-1257, Caloman II, 1257, et Constantin Assen, 1258-1277. Comme ce dernier avait pris fait et cause avec les Serbes et les Bulgares pour Charles d’Anjou, roi de Sicile, contre Michel VIII Paléologue, l’empereur grec publia en 1272 un chrysobulle qui redonnait à l’archevêché gréco-bulgare d’Ochrida toute l’extension qu’il avait eue sous le tsar Pierre, aux termes mêmes des chrysobulles de Basile II. C’était, par suite, nier l’existence du patriarcat serbe d’Ipek et du patriarcat bulgare de Tirnovo, qui s’étaient constitués aux dépens de l’archevêché d’Ochrida. Michel VIII ne se contenta pas de cette réglementation intérieure et, en somme, assez inofl’ensive : il s’elforça d’obtenir du pape, en 1274, au concile de Lyon, la reconnaissance officielle des anciens droits de Justiniana prima ou Ochrida, tels que les concevaient les Byzantins de l’époque, reconnaissance qui aurait amené l’annulation immédiate des privilèges d’Ipek et de Tirnovo. Sa démarche ne paraît pas avoir abouti. D’ailleurs, Michel VIII ne tarda pas à s’unir d’amitié avec les Bulgares et, en 1277, au concile des Blaquernes tenu par Jean Veccos, le patriarche de Tirnovo, Joachim, accepta l’union qui venait d’être conclue entre l’Église latine et l’Église grecque. Ce fait, d’ailleurs, demeura sans résultat, par suite de l’opposition irréductible de la tsarine Marine, une schismatique obstinée. Le 23 mars 1291, sur les instances de la reine catholique de Serbie, Hélène, le pape Nicolas IV écrivait au tsar Georges Terter et an patriarche de Tirnovo, Joachim. Il rappelait à celui-ci sa présence au concile de 1277 et sa signature, apposée au bas des actes du concile de Lyon, l’engageant à répandre ses anciennes idées dans tout le royaume bulgare. Theiner, Monumenla hislor. Mungarorum, t. i, p. 375-377 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 512-519. Tous ces rappels à l’antique foi restèrent vains, parce que les préoccupations politiques étaient ailleurs et — conséquence toute naturelle en Orient — ailleurs aussi les préoccupations religieuses. L’histoire signale encore une démarche, inutile du reste, en faveur de l’union, tentée en 1337 par le pape Benoit XII auprès du tsar Jean Alexandre. Theiner, op. cit., t. i, p. 617 ; Hurmu zaki, op. cit., t. I, p. 647.

L’Eglise de Tirnovo demeura presque toujours bornée à la principauté actuelle de la Bulgarie, moins la Boumélie orientale, mais avec quelques villes situées au |iied des Balkans. Sous la dernière dynastie, celle des Chichmanides de Viddin, 1323-1393, l’hégémonie politique, qui avait été, jusque-là, disputée entre Grecs et Bulgares, passa définitivement dans la péninsule à la nation serbe. Vers la fin duxive siècle, l’ancien royaume bulgare était émietté en trois parties ; Chichman III régnail à Tirnovo, Sofia et Philippopoli ; son frère, Jean Srazimir à Viddin ; le prinre Dobrotiseh enfin à Varna et dans la Dobroudja, qui lui a emprunté son nom. L’Église de Tirnovo ne dépassait pas alors les limites bien (’truites du royaume de Chichman ; quant à Dobrotisch et à Srazimir, ils s’étaient ralliés, eux et leurs États, au patriarcat grec de Constantinople. Le 17 juillet 1393, Tirnovo tombait aux mains des Turcs, après un siège mémorable, et le dernier patriarche, Euthyme, prenait le chemin de l’exil. L’année suivante, le patriarche byzantin confiai ! au métropolite de Moldavie l’administration de l’Église bulgare, En 1398, Viddin Ouvrait ses portes aux envahisseurs turcs ; c’en était fait, pour près de cinq siècles, de l’indépendance nationale et de l’autonomie ecclésiastique.

C. Jirecek, Geschichte der Bulgare » , p. 223-350 : A. Xénopol, l’empire valacho-bulgare, dans la Revue historique, t. xi.vu (1891), p. 277-308 ; M., L’empire valacho-bulgare, dans l’Histoire des Roumains de la l)<u ie trajane, in-8°, Paris, L896, t. i, p. 172-180 ; Histuire générale du ive siècle à nos jours, de Hambaud et Lavisse, t. ii, p. 829-861 ; L. Lamouche, Le second empire bulgare, dans La Bulgarie dans le passé et dans le présent, in-12, Paris, 1892, p. 08-79 ; J. Markovich, Gli Slavi ed i papi, in-8°, Zagreb, 1897, t. II. p. 530-589 ; Th. Ouspenskij. La formation du second empire bulgare (en russe), Odessa, 1879 ; C. von Hufler, Die Yalachen als Begriinder des zweiten bulgarischen Reiehes, der Assaniden, HSG-1’Jôl, dans Sitzungsberiehte Wien. Akad.. t. xcv (1879), p. 229 sq. ; E. Goloubinski, Précis d’histoire des Églises bulgare, serbe et roumaine (en fusse), Moscou, 1871, p. 78-81, 204-282 ; V. Lah, De unionc liulgarorum cum Fevlesia romana ab anno 120-i-l’J34, dans Archiv finkatholisches Kirchenrecht, t. xciv (1880), p. 193250 ; V. Vasilievskij, Le rétablissement du patriarcat bulgare sous le prince Jean Assen II, en l’année 1235, dans le Journal du ministère de l’Instruction publique (en russe), Saint-Pétersbourg, t. ccxxxviii (1885), p. 1-50, 200-238 ; Rattinger, Die Patriarchat-und Metropolitansprengel von Constantin uni die bulgarisehe Kirelie zur Zeit der Lateinerherschaft in Byzanz, dans Historisches Jalirbuch, t. I, fasc. 1 ; t. ii, fasc. 1, de la Gorres-Gesellschaft, Munster, 1880 ; A. Meliarakis, ’Imofia toj ?< « t ; -V. u’oj t » ; î Nixaia ;, in-8°, Athènes, 1878, passim. Un historien russe, E. Goloubinski, op. cit., p. 82-89, 89-106, a donné la liste des patriarches bulgares <le Tirnovo et celle des métropoles et des évêchés qui relevaient de ce patriarcat. Le dernier des patriarches bulgares de Tirnovo, Euthyme, s’est rendu célèbre dans la science ecclésiastique par ses nombreux ouvrages, qui ont en quelque sorte constitué une école littéraire. Voir sur Euthyme, C. Jirecek, op. cit., p. 444-447. E. Kaluzniacki a publié, en 1901, l’édition critique des œuvres de ce patriarche : Werke des Patriarches von Bulgarien, Kuthymius (1375-139 : 1). nach den besten Handschriften herausgegeben, in-S°, Vienne, et le panégyrique de ce prélat par son disciple, Grégoire Camblak, Aus der panegyrisclten Litteratur der Sudslaven, in-8°, Vienne. 1901. Sur ces deux ouvrages, voir la Revue d’histoire et de littérature religieuses, t. vu (1902), p. 534 sq.

VII. Le patriarcat gréco-bulgare d’Ochrida, 13931767. —

La chute de la Bulgarie indépendante allait modifier complètement la situation politique et religieuse de ce malheureux pays. Tous les territoires bulgares furent englobés par les vainqueurs dans le gouvernement général du Beblegr-beg de Roum-ili, qui résidait à Sofia et étendait son autorité sur presque toute la péninsule balkanique. Cette organisation, plus militaire qu’administrative, subsista, sauf quelques remaniements partiels, jusque dans les premières années du xixe siècle. Elle enserra si bien les indigènes dans ses multiples réseaux que, malgré la lourdeur des impôts et le sans-façon coutumier de les prélever, on ne compte qu’une légère tentative de révolte en 1595, au moment où Sigismond liathory, prince de Transylvanie, (’tait en guerre avec les Ottomans. Les Bulgares privés de tous droits et considérés comme un vil troupeau — d’où le nom de raïa — furent soumis à des impositions énormes, tant au bénéfice de la Porte qu’à celui des seigneurs locaux. Quelques villes seulement obtinrent l’autorisation de s’administrer librement sous l’autorité de leurs chefs ou voiévodes, mais elles payèrent ce privilège d’exemption par la levée et l’entretien à leurs frais d’un certain contingent de troupes à mettre à la disposition des sultans.

L’histoire de l’Eglise oebridéenne durant les xv et xvie siècles est loin d’avoir encore dissipé toute obscurité. Au début du xv siècle, celle Église étendit de nouveau sa juridiction jusqu’au Danube. Un codex grec, décrit dans le Sbornih bulgare, 1901, t. xvinn, p. 132-170, contient de nombreux renseignements sur ce point, avec trois lettres du patriarche de Constantinople, de l’archevêque d’Ochrida et du basileus Manuel Paléologue. Nous y apprenons que le vieil archevêque d’Ochrida, Matthieu, connu déjà par une inscription de 1408, op. cit., p. 155,