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CAJETAN


tombé malade en chemin, Thomas de Vio, cardinal de Saint-Sixte, dut le remplacer. Le 29 avril 1518, Léon X l’autorisa à se substituer un vicaire pour administrer l’ordre jusqu’au chapitre général. Bull. ord. præd., t. iv, p. 360. Le 26 avril, Cajétan avait reçu du pape sa nomination comme légat, et il quitta Rome, avec les cérémonies accoutumées, le 5 mai suivant. A. de Altamura, Bibliotheca dominicana, Rome, 1677, p. 259 ; A. Pieper, Zur Entstehungsgeschickte der stândigen Nuntiaturen, Fribourg-en-Rrisgau, 1894, p. 60 ; M. Armellini, Il diario di Leone X <li l’aride île Grassi, Rome, 1884, p. 67, Cajétan avait pour mission de faire accepter à l’empereur Maximilien et aux électeurs de l’empire le projet <le croisade contre les Turcs patronné par Léon X. Il devait en même temps apporter le chapeau cardinalice à Albert de Brandebourg, électeur et archevêque de Mayence, ainsi que l'épée et le casque bénits par le pape, à l’empereur. Le légat se rendit à Augsbourg, où était réunie la diète de l’empire, et remit, le 1 er août, leurs insignes au cardinal et à l’empereur. Il s’appliqua à l’aire prévaloir les vues du saint-siège et à défendre l'Église romaine contre les violences d’Ulric de Hutten. Mais l’agitaiion religieuse qui travaillait déjà l’Allemagne et la mort de l’empereur, 12 janvier 1519, devaient rendre inefficace le projet de croisade contre Soliman. Raynaldi, Annal, eccles., an. 1518 ; Bzovius, Annal, eccles., an. 1518 ; Cossio. op. cit., p. 269.

Les troubles religieux provoqués en Saxe par Luther, dés la fin de 1517, avaient pris un développement rapide ; et Cajétan allait se trouver le premier face à face avec le novateur, au nom de l'Église romaine.

L’archevêque de Mayence, inculpé par les attaques de Luther contre les instructions officielles qu’il avait publiées pour la prédication des indulgences, avait porté' l’affaire à Rome. Le saint-siège avait constitué pour l’examen des doctrines du moine augustin une commission qui fut défavorable. L'évêque d’Ascoli, Jérôme Ghinuci, auditeur général de la chambre apostolique, avait lancé, le 7 août 1518, un monitum citant Luther à Comparaître en cour de Rome, dans un délai de 60 jours, sous l’inculpation d’hérésie. L'électeur de Saxe, Frédéric, fauteur secret des entreprises de Luther, s'était employé pour que l’affaire suivit son cours en Allemagne. Par ses lettres du 23 août adressées à l'électeur, Léon X déclarait que les doctrines de Luther étaient hérétiques, et il sommait Frédéric de remettre Luther au légat. Le pape écrivait le même jour à Cajétan, le chargeant de traiter cette affaire, de s’assurer de la personne de l’accusé pour qu’il put comparaître devant le saint-siège, en usant, s’il le fallait, des censures ecclésiastiques contre le clergé, et de l’interdit contre l’autorité civile.

Cajétan, qui semble s'être rendu un compte très exact de la situation religieuse en Allemagne, renonça à laire usage de la rigueur et de ses pouvoirs judiciaires. Il consentit que l’on délivrât un sauf-conduit à Luther et prit le parti de traiter le novateur par voie paternelle. Luther était arrivé à Augsbourg, le 7 octobre, où la diète de l’empire venait d'être close. Dès le 10 du mois, il comparaissait devant le légat, Contrairement aux prétentions de Luther, Cajétan lui déclara qu’il n’avait pas mission de disputer, mais de recevoir sa rétractation et de ! ' réconcilier avec l'Église. Luther, malgré ses déclarations publiques contraires, était résolu à ne pas se soumettre à l’autorité ecclésiastique, et ne cherchait que des faux-fuyants pour gagner du temps. Le cardinal, par condescendance, se laissa aller à discuter quelques points avec lui, mais en maintenant qu’il attendait sa soumission. Il ne put rien obtenir de Luther. Les amis de ce derniers 'employèrent auprès du légat pour qu’il lui permit de remettre un mémoire justificatif. Le cardinal y consentit encore, et le mémoire lui fut présenté le 14 octobre. Cajétan, qui ne se luisait pas d’illusion sur

l'état d’esprit de Luther, lui montra l’inanité de sa prétendue justification. Luther ne voulut rien entendre. Il écrivait d’ailleurs le même jour à un de ses amis qu’il ne révoquerait pas une syllabe et qu’il préparait son appel. Le soir du même jour, le légat lit appeler Jean Staupitz, le supérieur de Luther, pour lui demander d’intervenir auprès de son subordonné. Le résultat de cette intervention fut une lettre écrite, le 17 octobre, par Luther au légat, et dans laquelle il témoigne tout son respect pour le cardinal, reconnaît qu’il a dépassé la mesure dans ses critiques contre le pape, mais déclare qu’il ne peut rien retirer ; il prie en outre le légat de porter cette cause à Léon X pour que l'Église, qu’il désire entendre et suivre, détermine les doutes doctrinaux. Mais dès la veille il avait fait rédiger un appel notarié de tout ce qui avait été fait contre lui. Le 18 octobre, Luther écrivait une fois encore au légat pour lui annoncer qu’il quittait Augsbourg et qu’il en appelait du pape mal informé au pape mieux informé. Le 25 octobre, voyant que tout espoir d’aboutir avait disparu, le légat écrivit à l'électeur de Saxe, pour lui faire un bref récit de ce qui s'était passé, et lui déclarer qu’il dégageait sa responsabilité.

Quelques auteurs, mal renseignés ou imbus de préjugés, ont cru pouvoir accuser Cajétan d’avoir manqué de souplesse dans cette affaire. Si un grief pouvait être articulé contre le légat, ce serait d’avoir porté à l'égard de Luther une extrême condescendance, car il resta bien en deçà des instructions pontificales. Mais la vérité est que Cajétan se rendait parfaitement compte que la seule chance de succès en traitant avec Luther était l’indulgence et la bonté. Malheureusement, le plan de Luther était dès lors arrêté dans son esprit, et son obstination et ses subterfuges devaient tenir en échec la bonne volonté du légat. N. Paulus, Johann Tetzel der Ablassprediger, Mayence, 1899, p. 30 sq. ; W. de Wette, Dr. Martin Luthers Briefe, Berlin, 1825, t. I, p. 142 sq. ; C. Burkhardt, Dr. Martin Luther Briefwechsel, Leipzig, 1866, p. 11 ; Lutheri opéra lalina, Iéna, 1556, t. I, fol. 187 sq. ; Bzo vius et Raynaldi, Ann. ceci., an. 1518 ; G. G. Evers, Martin Luther, Mayence, 1883, t. I, p. 365 sq. ; t. II, p. 3 sq. ; Hergenrœther, Uist. de l'Église, Paris, 1880, t. v, p. 202 ; Cossio, op. cit., p. 291 sq.

Une affaire de première importance sollicita encore l’attention et les soins de Cajétan pendant sa légation : l'élection de l’empereur. Au milieu des compétitions passionnées que soulevait la succession de Maximilien, Cajétan eut à faire prévaloir près des électeurs les vues de Léon X. L’indécision du pape d’abord, puis sa ferme adhésion à la candidature du jeune Charles-Quint trouvèrent un fidèle interprète dans son légal près de la diète de Francfort, et peut-être les conseils de Cajétan, en lace des affaires intérieures de l’Allemagne, furent-ils prépondérants dans les résolutions finales du pape. Le légat eut à subir la mauvaise humeur et les colères des partis qui l’estimaient contraire à leurs ambitions. Le

28 juin 1519, Charles était élu empereur à l’unanimité. Le nouveau souverain, conscient des services que Cajétan avait rendus à sa cause, lui adressait de Barcelone, le

29 juillet, une lettre de très vifs remerciements. [Ruscelli, ] Letlere di principi, Venise, 1581, t. i, p. 60 sq. ; Flavius, op. cit., p. 905 ; Bzovius et Raynaldi, Ann. eccles., an. 1519 ; Bull. ord. pnvd., t. IV, p. 381 ; G. de Leva, Storia documentata di Carlo V, Venise, 1864, 1. 1, p. 391- '125 ; t. il, c. i, passim ; Cossio, op. cit., p. 373 sq.

5° Cajétan, évêque de Gaète (13 avril 1519). Retour d’Allemagne et séjour à Rome. — Cajétan revint d’Allemagne à la fin de l'été' de 151 !) et fui reçu solennellement à Rome par Léon X au consistoire du 5 septembre. Le pape l’accueillit avec une extrême bonté et lui donna pour sa résidence le palais de Sainte-Marie in Via Lohi. Cajétan avait accepté en commende l’archevêché de l’alerme, le 8 février 1518, et il le résigna entre les mains