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BALE (CONCILE DE)


taine, cinq ou six cents docteurs, théologiens étroits et orgueilleux qui prétendaient imposer leurs opinions, votaient pèle-méle et n’étaient pas toujours respectables même dans leur conduite privée. Les hommes illustres qui avaient fait la gloire du concile de Constance étaient tous morts. On vit cependant quelques hommes éminents à Bàle : d’abord le cardinal Julien Césarini, de qui Vespasiano da Bisticci a pu dire : « J’ai connu beaucoup de saints hommes, mais pas un qui fût comparable au cardinal Césarini ; depuis cinquante ans, l’Église n’a pas eu son pareil, » Vite di uomini illustri del secolo xv, dans Mai, Spicilegium romanum, Rome, 1839, t. i ; puis Nicolas deCusa, également remarquable comme théologien, comme géomètre et comme écrivain politique ; enfin, les deux cardinaux qui conduisirent avec bonne foi, mais avec passion, la campagne contre Eugène IV, l’Espagnol Jean Cervantes, cardinal de Saint-Pierre-aux-Liens, et l’archevêque d’Arles, Louis d’Aleman, à qui ses vertus et les miracles accomplis sur son tombeau méritèrent une réputation de sainteté que l’Eglise a consacrée. (Il fut béatifié en 1527, sous Clément VII, en même temps que Pierre de Luxembourg. Gallia christiania, Eccl. Arelat., t. i, col. 584.) Par le fait même de sa composition, le concile de Bàle avait un caractère démocratique très prononcé et fort peu conforme à la tradition de l’Eglise : ce caractère se manitesta encore par le mode antitraditionnel adopté pour les délibérations, une fois que le concile fut assez nombreux, c’est-à-dire à partir d’octobre 1132. Déjà à Constance, on avait rompu avec les usages en délibérant par nations. A Bàle, ce fut bien autre chose. On se partagea en quatre députations ou commissions, renouvelables tous les trois mois, chargées : la première, des affaires de la foi, la seconde, de la paix de l’Église ; la troisième, de la réforme ; la quatrième, des affaires générales. Chaque députât ion devait contenir un nombre à peu près égal de représentants de chaque nation et de chaque ordre de clergé : cardinaux, évêques, abbés, docteurs ; on y admit même des laïques. On se réunissait ensuite en sessions générales et on votait par députations. La majorité était ainsi assurée aux clercs inférieurs.

III. Les débuts du concile de Bale et son premier

CONFLIT AVEC LE PAPE TOUCHANT L’EXISTENCE MÊME DU CONCILE ; RAPPEL ET CONFIRMATION DES DÉCRETS DU CON-CILE de Constance sur les rapports du pape et du concile général quillet 1431 -avril 1434). — Dès le début, le concile, bien que ridiculement peu nombreux (quatorze évêques et abbés), se déclara œcuménique, et manifesta, avec la prétention de gouverner l’Église, la plus mauvaise volonté à l’égard d’Eugène IV. Dès la première séance, il rappela le décret Frequens du concile de Constance, sur la convocation périodique des conciles généraux ; puis il invita les chefs hussites à se rendre à Bàle (la lettre d’invitation est datée du 15 octobre 1431) ; enfin, tout en acceptant de conférer sur l’union avec les grecs, il refusa de se transporter en Italie.

Le 9 septembre, le cardinal Césarini arriva à Bàle, et le 11, il confirma ce qu’avaient fait ses représentants, spécialement inslatuendo et firmando concilium ; le 19, il envoya une circulaire énergique aux évêques pour les inviter à prendre part au concile. Au même moment, la 17, partait pour Rome, en ambassadeur du concile et du légat, le chanoine Jean Beaupère, de Besançon. Celui-ci faisait au pape un tableau fort exagéré de la situation du concile et de l’insécurité de Bàle. Eugène IV profitait de ce rapport pour adresser à Césarini une lettre, datée du 12 novembre, où il lui donnait plein pouvoir de dissoudre le concile et d’en indiquer un autre, à Bologne, pour l’été de 1133, auquel les grecs prendraient part et que le pape présiderait. Par une bulle du 18 décembre 1431, Eugène IV prononça lui-même la

dissolution du concile de Bàle. Mansi, t. xxix, col. 564.

Or, Césarini en avait précisément régularisé la situation jusqu’alors indécise et en avait proclamé l’existence selon toutes les formes de droit ; il en avait célébré la première séance solennelle, dans la cathédrale de Bàle, le 14 décembre 1431.

Arrivant en un pareil moment, l’acte du saint-père, qui eût été accepté quelques semaines plus tôt, exaspéra les Pères réunis à Bàle et provoqua un mouvement d’opinion contre Eugène IV qu’on accusa de vouloir empêcher la réforme. C’est alors que Césarini écrivit au pontife la célèbre lettre du 13 janvier 1432, où, le suppliant de retirer la bulle de dissolution, il prophétisa, en quelque sorte, la terrible révolution qui devait, quatrevingts ans plus tard, naître en Allemagne et déchirer la chrétienté.

Il montra avec une admirable clairvoyance et une éloquence incomparable que, si la réforme n’était pas faite par l’Eglise romaine elle-même et dès maintenant, elle serait faite contre elle et peut-être bientôt : Jam, ut video, securis ad radicem posila est. lnclinata est arbor ut cadat, nec potest diulitis persislere. El cerle, cum per se slare possit, nos ipsam ad terrant precinilamtts. Monum. gêner, conc. sœculi xv, t. ii, p. 97. Césarini abandonna pour un temps la présidence à l’évêque de Coutances.

Quant au concile, il demanda l’assistance de l’empereur Sigismond, réclama du pape la révocation de la bulle et, en attendant, loin de se dissoudre, proclama de nouveau, paraissant même en étendre le sens, les décrets des IIP, IVe et Ve sessions du concile de Constance (IIe session du concile de Bàle, 15 février 1432) : « Le très saint concile de Bàle, représentant l’Eglise militante, assemblé légitimementau nom du Saint-Esprit, pour la gloire de Dieu, l’extirpation des hérésies et des erreurs, la réformation de l’Église dans son chef et dans ses membres, la pacification des princes chrétiens, déclare, définit et ordonne ce qui suit. Premièrement, que ce saint concile, suivant les décrets faits à Constance et à Sienne, et conformément aux bulles du saint-siège, est légitimement et dûment assemblé dans la ville de Bàle ; et, afin qu’on ne doute point de son autorité, on insère ici les deux décrets du concile de Constance : le premier, où il est dit que le concile général, assemblé légitimement dans le Saint-Esprit, et représentant l’Église militante, tient immédiatement son pouvoir de Jésus-Christ, et que toute personne de quelque état et dignité qu’elle soit, même papale, doit lui obéir, en ce qui concerne la foi, l’extirpation du schisme et la réformalion de l’Eglise dans son chef et dans ses membres. Le second, portant que toute personne, même de dignité papale, qui refuserait d’obéir aux décrets de ce saint concile et de tout attire concile légitimement assemblé sera punie comme il convient, en in vaquant contre elle les moyens de droit s’il est nécessaire.

En conséquence, ajoutent les Pères de Bàle, ce concile actuellement assemblé légitimement au nom du Saint-Esprit, pour les causes ci-dessus exprimées, déclare qu’il ne peut être dissous, ni transféré, ni différé par qui que ce soit, pas même par le pape, sans la délibération et le consentement du concile même ; qu’aucun de ceux qui sont au concile ou qui y seront dans la suite, ne peut en être rappelé, ni empêché d’il venir par qui que ce soit, pas même par le pape, sous aucun prétexte, et quand ce serait pour aller en cour de Rome, à moins que le saint concile n’y donne son approbation ; que toutes les censures, privations ou autres voies de contrainte qu’on pourrait employer pour séparer du concile ceux qui y sont déjà présents, ou pour empêcher les autres de s’y rendre, seront nulles ; que le concile les déclare telles et les met à néant ; faisant défense très expresse à quiconque de s’éloigner de la ville de Bàle avant la fin du concile, si