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1873

CORPORATIONS

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Il y a, dans cet enseignement, une inspiration thomiste et une application au temps présent : deux traits constants de la méthode sociale de Léon XIII ; elle est également traditionnelle et observatrice des faits nouveaux. Le principe traditionnel est toujours un de ces principes de justice et de droit naturel que la révélation n’apporte pas elle-même, mais que la charité et la vie chrétiennes postulent ; c’est à ce titre que le droit d’association intéresse l’Église et la conscience catholique. Elles l’affirment toutes deux, en termes généraux, mais vigoureux, qui sont d’une grande portée pour limiter honnêtement les zones respectives de la puissance publique et des initiatives particulières.

2° L’application de ce principe aux syndicats ou corporations. — Au temps où l’encyclique paraissait (1891), des catholiques, nombreux encore, s’effrayaient des tentatives d’association ouvrière ; l’approbation de ces tentatives par des chrétiens scandalisait ces elfrayés. Parmi ceux-ci, se trouvaient des patrons de la grande industrie, généralement peu disposés à traiter de puissance à puissance avec leurs salariés. A vrai dire, l’inexpérience de ces derniers, maintes revendications irréfléchies, extrêmes, violentes, paraissaient justifier les répugnances patronales. Même pour des chefs d’atelier, personnellement humains et chrétiens, l’autocratie chez eux se présentait sous apparence de nécessité. La bourgeoisie et les fonctionnaires partageaient cette mentalité. Elle se justifiait légalement, en France, par les art. 291 et 292 du Code pénal, interdisant le droit de réunion pour tout groupe supérieur à plus de vingt personnes ; la loi du 10 avril 1834 étendait ces interdictions à toute fraction de groupe inférieure à la vingtaine, avec ou sans réunions périodiques. Même lorsque la loi du 21 mars 1884 eut reconnu le droit syndical, ce ne fut pas sans le limiter étroitement au point de vue de la propriété collective, cette grande force des associations. Le légiste français ne donne jamais une liberté sans la reprendre au moins à demi, en quoi d’ailleurs il ressemble à ceux de l’Autriche, de l’Allemagne ou de l’Italie.

Tels sont les préjugés contre lesquels l’encyclique établit le droit des corporations, non pas comme un octroi de l’État, mais comme un droit naturel : « De ce que les sociétés privées n’ont d’existence qu’au sein de la société civile, dont elles sont comme autant de parties, il ne suffit pas, à ne parler qu’en gén rai el à M considérer que leur nature, qu’il soit au pouvoir de l’Étal de leur dénier l’existence. Le droit à l’existence leur a été octroyé »ar la nature elle-même et la société civile a été’instituée pour protéger le droit naturel, non pour l’anéantir » (§ Privata atltem sonelas).

un di saurait plus nettement répudier l’omnipotence il I i ir ce qui est à César, » ne lui

permet jamais de confisquer ce qui est aux citoyens.

Naturellement, Léon XIII reconnaît aussi, dans le tirant, Incidunt "iiquando temparc, le légitime d’existence aux sociétés immorales ou anarchiques ; les pouvoirs publics doivent, en justice, les entier de ii litre ou les dissoudre. « Mais encore faut-il qu’en toul cela iln’agissent qu’avec unitrès grande circonspection, pour éviter d’empiéter sur les droits de* citoyens 1 1 de statuer, « -ou s couleur d’utilité publique, quelque chose qui sérail dés a v ou é par la raison, car une loi ne mérite obéissance qu’autant qu’elle est conoe à la droite raison et à la loi éternelle de Ifieu. » Contre fi-s droits des particuliers à se réunir, le droit

ii ri.i m iipi - i. ;

A ce point de vue, la doctrine catholique engage une

sorte de particularitm* tocial, nettement opposé à la conception jacobine de l’État. L’Église réclame les droits issociations libres à se former et à se constituer. IV. Pi ii ir.inx DMCOHPOn viiio

ELUJ — ] n Mil le réclame

d’abord à titre de préservation (§ Profecto consociationum). De nombreux indices le confirment, dit-il, dans l’opinion que beaucoup d’associations ouvrières obéissent à un mot d’ordre occulte, également antisocial et antireligieux. Ces sociétés influencées tâchent d’accaparer le monopole des engagements et de réduire à la misère les ouvriers indépendants. De là une alternative : ou s’agréger à des sociétés dont la religion doit tout craindre, ou bien s’organiser entre ouvriers chrétiens.

Il y a là, moins une doctrine qu’une conclusion prudentielle, fondée sur un certain jugement de la situation ouvrière. Sans doute, Léon XIII faisait-il allusion aux tentatives des ouvriers allemands vers 1890. « Ils voulaient travailler eux-mêmes à l’amélioration de leur situation économique ; mais comme l’orientation dominante parmi les organisations syndicales en Allemagne était socialiste, et que les opinions politiques et religieuses des non-socialistes n’étaient pas suffisamment respectées, des conflits surgirent entre ouvriers chrétiens et ouvriers socialistes. C’était surtout le cas dans la Province Rhénane et dans la Westphalie, en majorité catholiques. D’abord les conflits se produisirent chez les mineurs. Après plusieurs essais infructueux d’unir les ouvriers chrétiens et les socialistes dans une organisation de tous les mineurs, les ouvriers chrétiens se résolurent à fonder une organisation professionnelle qui leur fût propre. De là naquit en 1894 le syndicat des mineurs chrétiens de l’Allemagne. » J. Giesberts, Les syndicats chrétiens en Allemagne, dans l’Association catholique, 15 mars 1904, p. 214.

Depuis l’encylique de Léon XIII, les mêmes raisons prudenticlles ont inspiré l’organisation syndicale des catholiques belges. Le R. P. Rutten, 0. P., secrétaire général des unions professionnelles, constate ce fait : « La propagande socialiste, facile et fructueuse partout où les agitateurs n’ont en face d’eux que des ouvriers isolés et éparpillés, échoue presque toujours complètement là où les catholiques sont parvenus à grouper solidement les paysans, les ouvriers ou les petits artisans. » A raison de ce fait le P. Rutten observe combien juste est le dilemme de Léon XIII : Ou bien des syndicats pénétrés de christianisme, ou bien des syndicats menés par des socialistes irréligieux.

Un fait économique et social d’une très grande portée aggrave encore la portée de ce dilemme, chez les lielges. C’est le R. P. Rutten qui le constate : « La découverte « lu bassin houillier du Nord de la Belgique menace le Limbourg et la Province d’Anvers d’une invasion d’éléments étrangers ; ils y propageront avec succès les doctrines socialistes, s’ils ne rencontrent, dès le début, des organisations déjà constituées, préparées et ani pour la lutte, t Cité par V. de Clercq, Note » sur fa gique, dans l’Association catholique, 15 août 1904, p. 140, 141.

I.n second lieu, Léon XIII réclame le christianisme des corporations en vertu d’un principe organique de la morahte chrétienne (§ Ett profecto lemperalio… Peripicuum vero est). I II faut viser avant tout au perfectionnement moral et religieux ; c’eit surtout cette lin qui doit régit mie des corporations, i

On ne saurait contrecarrer plus absolument l’esprit d’indifférence ou de neutralité religieuse, dont beaucoup de contemporains se font comme un dogme social ; m. us l’Église possède son dogme de la tin dernii re,

il nu se Conclut la sulnirdinat mil normale de touti s les

lins intermédiaires et temporelles. C’etl ce que Léon Mil considère avant tout. De même que, le 1° novem bre 1885, son encyclique ImmortoÀe Dei définit Il tal comme tenu d’être chrétien, de même l’encyclique >>i novarum professe que les ouvriers chrétiens doivent chrétienm ment se grouper, au point de u<> professionin I.