Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.2.djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
2011
2012
CRAINTE


selon l’Écriture, nous renvoyons à l’article tic M. VigourouN dans lu Dictionnaire de la llible, t. ii, col. 1099-1100. Un coup d’a-il sur une concordance aux mois tinior et melvs renseignera sur les autres acceptions bibliques dont nous mentionnerons, à l’occasion, les emplois et applications théologiques. Cf. Merz, Thésaurus biblicus, Paris, 1883, p. 613-620.

3° Les éléments de la doctrine de saint Thomas sur la crainte sont empruntés principalement à Aristote, Rhelorices, l.II, c. v, édit. Didol, t. I, p. 353 ; Ethic. ad Nicom., 1. III, c. ni ; 1. VI, c. ii, etc., édit. Didot, t. n ; Problemala, sect. xxvii, édit. Didot, t. iv, p. 259 ; à Cicéron, Tusculanes, 1. IV, c. IV, VI, vin ; à Neniesius, De natura hominis, c. xx, P. G., t. xl, col. 687 ; à saint Jean Damascéne, De /ide orthodoxa, ]. II, c. xv ; 1. III, c. xxiii, P. G., t. xciv, col. 932, 1088 ; à Pierre Lombard qui, dans la dist. XXXIVe du 1. III des Sentences, cite saint Bède, Super Parab. Salom., P.L., t. xci, col.939 ; à saint Augustin, In Epist. I Joa., tr. IX, P. L., t. xxxv, col. 2015sq. ; Liber lxxxii quæst., q. xxxiii, P. L., t. xl, col. 22.

IL Psychologie. — La passion de crainte. —1° Préliminaires. — Nous supposons connue la psychologie générale des passions de saint Thomas la seule qui soit entrée jusqu’ici dans le domaine théologique. Voir Passions et Sum. theol., I a II æ, q. xxii-xxv. En voici le résumé : La passion est un mouvement de l’appétit sensible. Ce mouvement a pour cause la perception par les sens de ce qui convient ou ne convient pas au sujet. Il comporte une modification corporelle. Les mouvements passionnels sont de deux sortes : se rapprocher de l’objet qui les suscite ; s’en éloigner. Si l’objet n’offre rien d’ardu, nous avons les passions du concupiscible ; s’il est difficile à conquérir ou à éloigner, les passions de l’irascible. A la série des passions du concupiscible appartiennent l’amour et la haine, le désir et l’aversion, la joie et la tristesse ; des passions de l’irascible relèvent : vis-à-vis des biens difficiles à conquérir, l’espérance et la désespérance ; visà-vis des maux difficiles à éloigner, si ces maux nous envahissent déjà, la colère ; si ces maux sont seulement menaçants, l’audace pour les repousser, et la crainte pour les fuir. Voir Appétit, t. i, col. 1695.

Définition.

La passion de crainte est le mouvement

de l’appétit irascible par lequel nous nous dérobons aux maux qui nous menacent. Elle agit donc dans un sens contraire à l’objet ; elle le fuit. Cet objet est pour nous un mal, un mal déjà menaçant, arduum, mais encore futur, futurum. Le bien ne peut être craint à proprement parler qu’autant qu’il est en sa puissance de nous nuire. C’est à ce titre qu’un homme et Dieu lui-même sont craints. Sum. theol., Ia-IIæ, q. XLii, a. 1, et lieux parallèles.

En précisant davantage, 1. au premier rang des objets de crainte sont les maux naturels imminents, ou regardés comme tels, pourvu qu’il y ait encore chance d’y échapper ; autrement il ne resterait plus place qu’à la colère. Aristote avait remarqué que ceux qui sont en passe d’être décapités ne craignent plus. Cette considération sera applicable aux damnés. — 2. Le péché, comme acte mauvais, n’est pas objet de crainte, car on est toujours libre de ne pas le commettre ; mais, s’il a pour complice des occasions, des passions subjectives puissantes, on peut redouter d’y tomber, el dès lors c’est cette violence, plutôt que le péché, que l’on craint. — 3. Peut-on craindre d’avoir peur ? non, car avoir peur dépend de nous. Mais on craint que le péril ne soit tel que la volonté ne faiblisse. — 4. Les maux qui nous menacent subitement ont un titre spécial à causer la crainte : tels, dit Aristote, les hommes doucereux et en dessous dont l’inimitié éclate tout à coup. Il en est de même des maux sans remède, Ibid., a. 2-6. 3° Diverses espèces de crainte.

Il est une crainte

eu quelque sorte physique, qui correspond à l’amour naturel que tout être a pour sa conservation dans l’existence et dans de bonnes conditions. L’âme redoute d’être séparée de son corps, dit Damascéne. Cette crainte est naturelle ; et son motif est le mal destructeur, malum corruptivum. La crainte psychologique a pour objet les maux moindres, de nature à nous affliger et à nous attrister, non à nous détruire, malum conlristativum. De tels maux contrarient nos désirs, mais non la nature elle-même. Ibid., q. xi.i.a. 3. Saint Jean Damascéne, d’après Nemesius, De natura hominis, c. xx, P. G., t. XL, col. 887, énuinère six espèces de crainte : la paresse, ô’xvoc, segnities, crainte du labeur ; la pudeur, txi&ùt ;, erubescentia, causée par la simple approche d’un acte mauvais ; la honte, a’.T/vv/j, verecundia, qui accompagne et suit l’acte mauvais lui-même ; la stupéfaction, v.x-i-’/rl :  ;. admiralio, dont le motif est un mal si grand qu’on n’en peut mesurer l’étendue ; la terreur, ïxitXijÇiç, slupor, produite par l’apparition subite du péril ; l’anxiété, àyiivia, agonia, dont la modalité a pour raison d’être à l’inconnu des dangers qui menacent. S. Jean Damascène, De fide orthodoxa, 1. II, c. xv, P. G., t. xciv, col. 932 ; S. Thomas, loc. cit., a. 2.

Cause de la crainte.

C’est l’amour, dit saint Augustin,

Lib. LXXX1II qusest., q. xxxiii. P. L., t. XL, col. 22. Tout ce qui est un obstacle à la conquête ou à la conservation de ce que nous aimons est par le fait même un objet de crainte. Dans un autre ordre d’idées, et comme motif accessoire, signalons la faiblesse de celui qui craint : la faiblesse multiplie et grossit les obstacles ; aussi les faibles sont naturellement timides. S. Thomas, ibid., q. xliii.

Les effets de la crainte.

1. Conconntants, physiques,

se rapportant à l’acte élicite. — Le premier est la contraction, o-jo-toàti. Damascéne, De fide orthodoxa, 1. III, c. xxui, P. L., t. xciv, col. 1088. Cf. S. Thomas, ibid., q. xliv, a. 1. A ce premier effet, très finement analysé par Damascéne et par saint Thomas, se rattachent des phénomènes physiques divers, tremblements, pâleur, perte de la voix, paralysie momentanée des membres, soif, et d’autres encore mentionnés par le philosophe au livre des Problèmes, sect. xxvii, probl. 11, édit. Didot, t. iv, p. 258. S. Thomas, ibid., a. 3, ad l um.

2. Actes impérés principaux.

Au point de vue psychologique, la crainte, lorsqu’elle ne dépasse pas certaines bornes, rend prudent, consilativum, en faisant sentir les difficultés des entreprises : c’est un adjuvant de la sollicitude, cet élément du conseil ; par contre. comme toute passion, elle peut surprendre le jugement, le troubler, le fausser, et même, si elle est violente, supprimer pour un temps la faculté de juger, et nous mettre par suite dans l’impossibilité de poser un acte moral. Ibid., a. 2, 4.

3. Influence de la crainte conséquente.

Enfin, comme toutes les passions, la crainte est soumise dans l’homme à l’empire de la raison et de la volonté. La crainte, en ce cas, renforce l’intensité du volontaire, et peut même devenir la matière et l’instrument desservant certains actes spécifiquement vertueux ou vicieux. Sum. theol., [ II’. q. lxxvii, a. 6.

D’où, la distinction, au point de vue de leur rôle moral, de la crainte dite antécédente, qui prévient le jugement rationnel, et de la crainte dite conséquente, qui est sous l’empire de ce même jugement par l’intermédiaire de la volonté.

III. Influence de la crainte antécédente sur la responsaiulité. — 1 er cas. — La crainte antécédente laisse l’usage de la raison. — 1. La solution de ce cas est donnée par cette célèbre distinction inspirée d’Aristote, Ethic, 1. 111, c. i, n. 6. 10 ; Comment. S. Thomx, lect. I, n : de Neniesius. De nat. homir