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CONSTANTINOPLE (EGLISE DE)

prêtres et moines dans les questions de droit civil et criminel, de sorte que toutes ces personnes, qui demeuraient à Constantinople ou devaient y venir, seraient citées en justice et jugées seulement devant le tribunal du patriarche ou d’autres ecclésiastiques désignés par lui. Pour toutes les personnes d’église, en effet, il existe une juridiction spéciale. L’évêque seul est leur juge et le tribunal laïque ne peut connaître de causes où elles sont intéressées. Tout au contraire, ce sont les chefs de l’Église qui exercent un contrôle constant sur l’administration civile et la loi confère aux évoques des privilèges particuliers.

Ce tableau de la société ecclésiastique de Byzance serait incomplet, si l’on n’y voyait figurer l’empereur. Héritier de l’empereur romain, le basileus avait reçu de lui deux prérogatives spéciales : le pontificat suprême et le magistrat revêtu de l’imperium. Si, à partir du Ve siècle, le titre de pontifex maximus ne figure plus sur les monuments publics, pour tous les sujets de l’empire, du moins en Orient, le basileus est encore resté le chef du culte officiel ; le gouvernement des âmes ne saurait appartenir à un autre qu’au dépositaire du pouvoir. L’empereur, du reste, est l’élu de Dieu, qui l’a élevé au-dessus des hommes afin de le rapprocher de lui. Comme le dit Eusèbe : « C’est par la communication qu’il a reçue de la sagesse de Dieu qu’il est sage, de sa bonté qu’il est bon, de sa justice qu’il est juste. Son intelligence est un reflet de l’intelligence divine ; il partage la puissance du Très-Haut. » Le moine Agapet reproduit sous une autre forme ces idées en cours à Byzance dans son monitoire au très divin Justinien : « C’est un signe de Dieu qui a désigné le basileus pour l’empire. Il est prédestiné dans les desseins de Dieu pour gouverner le monde, comme l’œil est inné au corps pour le diriger. Dieu n’a besoin de personne, l’empereur a besoin de Dieu seul. Entre la divinité et lui il n’y a pas d’intermédiaire. » P. G., t. lxxxvi, col. 1177. Dès lors, l’appel de Dieu revêt l’empereur d’un caractère sacré ; l’onction, signe du sacerdoce, lui revient de droit divin. Attenter à la vie du basileus ou à son autorité, c’est donc attenter à la volonté du ciel et se souiller d’un sacrilège, à moins que le révolté ne soit lui-même, comme autrefois David, l’élu et l’oint du Seigneur. Cette onction et ce sacerdoce confèrent à l’empereur une place de choix parmi les ministres de l’autel, car il est l’isapostole, l’égal des apôtres, ou même le treizième apôtre. De ce chef, il occupe un rang à part entre la société laïque et la société ecclésiastique ; il les domine toutes les deux et fait partie de l’une et de l’autre, conciliant en lui les deux principes et les unissant en sa personne.

Le sacerdoce spécial réservé à l’empereur lui met en mains des droits et un pouvoir particulier. « Je suis aussi évêque, disait Constantin aux prélats de son temps, mais vous êtes les évêques affectés aux choses intérieures de l’Église. Je suis de par Dieu constitué l’évêque du dehors. » Et Léon l’Isaurien écrivait au pape Grégoire : « Ne sais-tu pas que je suis prêtre et roi ? « Prêtre, évêque, égal des apôtres, apôtre lui-même, l’empereur veille sur la pureté du dogme, il donne force de loi aux décisions conciliaires et insère les canons dans le droit public. Il convoque les conciles généraux, assiste aux séances ou s’y fait représenter par ses délégués, dirige les discussions, mate les volontés récalcitrantes et ne congédie les évêques que lorsqu’ils ont défini et légiféré suivant la foi et les canons ou conformément à ses désirs. S’il choisit les patriarches et parfois les évêques, l’empereur n’hésite aucunement à les déposer, dès qu’ils viennent à lui déplaire. Les patriarches orthodoxes ou vertueux sont les victimes des mauvais empereurs, les vicieux ou les hérétiques tombent sous les coups des empereurs orthodoxes, mais c’est toujours la même politique qui se poursuit et l’Église n’est qu’un instrument avili entre les mains despotiques de l’État.

VIII. Étendue de la juridiction du patriarcat byzantin, Ve-ixe siècles.

Parthey avait publié, Hieroclis Synecdemus et notitiæ græcae episcopatuum, Berlin, 1866, p. 150-161, une notice épiscopale, attribuée faussement à saint Épiphane de Chypre, mais que l’on savait être très ancienne. Par malheur, cette Notitia VII, contenue dans un seul manuscrit de Leipzig du xe ou du XIe siècle, était incomplète : il y manquait une partie des villes de la Lydie, les trois provinces de Bithynie, les provinces de Pamphylie, Arménie IIa, Hellénopont, Arménie Ia, Cappadoce IIa, Paphlagonie, Honoriade, Pont polémoniaque, Galatie IIa, Lycie, Carie, Phrygie pacatienne et une partie de la Phrygie salutaire. M. Gelzer a eu le bonheur de retrouver, dans un manuscrit grec de Constantinople, le texte complet de cette Ecthesis et, au moyen de diverses comparaisons avec les pièces similaires d’époque plus tardive ou avec les signatures épiscopales conservées dans les actes conciliaires, il a pu dater ce document du viie siècle, probablement de la fin du règne d’Héraclius (610-61l). Ungedruckte und ungenügend veroffentlichte Texte der Noliliae episcopatuum, dans Abhandl. der K. bayer. Akademie der Wissenschaften, Ire classe, t. xxi, part. III, Munich, 1900, p. 531-519. Cette Ecthesis se rapporte tout entière à l’Église de Constantinople. Nous avons d’abord, par ordre de préséance, la liste de trente-trois métropoles, puis celle de trente-quatre archevêchés autocéphales, c’est-à-dire relevant directement de Constantinople, enfin la liste des simples évêchés suffragants, classés par ordre de dignité dans la province et sous la métropole dont ils dépendaient. Comme c’est là le tableau le plus ancien qui nous ait été conservé de la hiérarchie ecclésiastique dans le patriarcat byzantin, nous allons le citer in extenso, au moins pour ce qui concerne les provinces, les métropoles et le nombre d’évêchés suffragants.

PATRIARCAT DE CONSTANTINOPLE
vers l’année 650.
ÉPARCHIES. MÉTROPOLES. NOMBRE D’ÉVÊCHÉS.
1.
Cappadoce I 
Césarée.  5 
2.
Asie 
Éphèse. 36
3.
Europe 
Héraclée. 5
4.
Galatie 
Ancyre. 7
5.
Hellespont 
Cyzique. 12
6.
Lydie 
Sardes. 26
7.
Bithynie 
Nicomédie. 8
8.
Bithynie 
Nicée. 3
9.
Bithynie 
Chalcédoine. 0
10.
Pamphylie 
Sidé. 16
11.
Arménie ii 
Sébaste. 5
12.
Hellénopont 
Amasée. 6
13.
Arménie i 
Mélitène. 5
14.
Cappadoce ii 
Tyane. 3
15.
Paphlagonie 
Gangres. 4
16.
Honoriade 
Claudioupolis. 5
17.
Pont polémoniaque 
Néocésarée. 4
18.
Galatie ii 
Pessinonte. 7
19.
Lycie 
Myre. 36
20.
Carie 
Stavroupolis. 28
21.
Phrygie pacatienne 
Laodicée. 17
22.
Phrygie salutaire 
Synnades. 24
23.
Lycaonie 
Iconium. 14
24.
Pisidie 
Antioche. 19
25.
Pamphylie 
Pergé. 18
26.
Cappadoce ii 
Mokéssos. 4
27.
Lazie 
Phasis. 4
28.
Thrace 
Philippopolis. 3
29.
Europe ou Rhodope 
Trajanopolis. 2
30.
Îles ou Cyclades 
Rhodes. 11
31.
Hémimont 
Adrianoupolis. 5
32.
Hémimont 
Marcianoupolis. 5
33.
Phrygie pacatienne 
Hiérapolis. 5