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CREATION


une aisance étonnante. Telles les spéculations de Benan sur « le nisus… qui sera peut-être un jour conscient, omniscient, omnipotent… » . Feuilles détachées, examen </, > (unscience philosophique, p. 429, 430. — Est-il seulement équivalent, il reste au moins la difficulté suivante :

Dire mouvement, c’est affirmer quantité et limite, car un changement, fùt-il infinitésimal, ou d’équivalent à équivalent, prouve que l’être qui le subit n’est pas infini. Dire mouvement nécessaire, c’est donc affirmer que le même principe par lequel l’absolu est nécessairement existant est le même par lequel il est nécessairement limité, en d’autres termes qu’il est, en vertu de la même perfection, parfait et imparfait, et même, car ces deux caractères sont essentiels au même titre, qu’il ne peut être qu’à la condition d’être limité et de changer, et que ces deux imperfections, limite et mouvement, sont une raison positive de son existence : la raison de l’être, c’est pour une part au moins le nonêtre.

De ce qu’c il y a plus dans la transition… plus dans le mouvement que la série des positions, c’est-à-dire des coupes possibles » , Bergson, L’évolution créatrice, in-8°, Paris, 1907, c. IV, p. 339 sq., de ce que le devenir est la forme sous laquelle l’être nous apparaît, il ne s’ensuit pas que le mouvement soit la forme essentielle et première de l’être. Si l’on réclame à l’origine du mouvement l’immuable et l’immobile, ce n’est pas « parce que le devenir choque les habitudes de la penet s’insère mal dans les cadres du langage » , ibid., p. 310, c’est parce que tout mouvement impliquant limite et changement réclame de ce chef hors de lui un autre être pour expliquer qu’il est lui-même fini et toujours autre, c’est parce que la nature une de l’Un peut bien être la raison suffisante de l’exister qui est puissance, mais non de la limite qui est impuissance, île la durée immobile qui est identité, mais non du changement qui est diversité. C’est donc faute de pouvoir expliquer l’imperfection dans l’Absolu qu’on rejette un absolu limité et en mouvement.

Enfin, et ces considérations frapperont davantage certains esprits, cette théorie du mouvement nécessaire, loin d’être appuyée sur les faits, semble bien plutôt les contredire.

On hésitera sans doute à appuyer une preuve de la création sur les lois de l’entropie spécialement mises en lumière par les travaux de Clausius. Cf. Folie, Clausius, sa vie, ses travaux, leur portée scientifique, dans la Revue det questions scientifiques, 1890, t. i, p. 419 ; D. Cochin, Le monde extérieur, l’énergie, la théorie de Clausius sur la création, dans les Annales de philosophie chrétienne, 1895, p. 519. Une expression mathématique chiffrant à titre provisoire une loi physique approximative ne saurait fournir un argument péremptoire.

Par aillenrs, Biichner et son école ont beau répéter que force et matière sont même chose, c’est là une assertion gratuite. Sans doute on ne peut guère concevoir de matière qui ne soit douée d’une force sinon actuellement agissante du moins capable d’agir. On peut dire que tout être fini a ce pouvoir par cela seul qu’il est, comme tout corps doué d’une certaine masse est apte à exercer une pesée, tout mouvement à influer sur un autre mouvement ; mais ce n’est pas cela qui importe. — Le mouvement local est-il essentiel à la matière ? — Non. Ce que l’expérience nous apprend bien au contraire c’est l’inertie de la matière, c’est-à-dire son indifférence au mouvement ou au repos, son inaptitude à sortir par elle-même de l’un ou de l’autre de ces états : elle ne passe au mouvement que sous l’action d’une force ; elle retourne au repos dès qu’elle a transformé en travail sa force utilisable. De plus les énergies se transforment les unes dans les autres et

produisent du travail en se dégradant. Des actions et réactions réciproques de toutes les parties de l’univers les unes sur les autres, il résulte ainsi comme un nivellement générai des énergies, une tendance générale à l’équilibre et au repos. De là, ce semble, une double conséquence : puisque la matière est par elle-même indifférente au mouvement et au repos, quelque cause en dehors d’elle a dû lever cette indétermination et provoquer la première mise en train ; puisque le mouvement dure encore, il n’existe donc pas de toute éternité. Cf. Le matérialisme contemporain dansVAnn’lu Clergé, 1903, p.938sq. ; P. Schanz, Apologie des Cltrislentums, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1895, t. i, p. 156, n. 5 ; A. Stôckl, Der Mater ialismus, in-8°, Mavence, 1877, p. 36-51.

On souhaiterait de M. Hœckel autre chose que les affirmations de sa « foi rnonisle » , de sa « conception moniste et rigoureusement logique du processus cosmogénétique éternel » . Les énigmes de l’univers, p. 284. L’hypothèse de Laplace, la réduction de toutes les forces physiques à des modes du mouvement n’ont rien encore qui établisse l’éternité de la matière ou son identité essentielle avec la force. Seule sa « foi moniste ) a besoin de ces déformations de la science et de ces postulats.

On objectera sans doute avec plus de fondement les théories récentes des mouvements browniens, qui nous montrent la matière dans une agitation continue et comme essentielle, ou ce dynamisme nouveau qui ramène la notion de masse à celle de charge électrique, celle d’inertie à celle de résistance du milieu, qui « dématérialise la matière » et la réduit en dernière analyse « au jeu des forces centrales attractives ou répulsives appelées électrons » . Voir l’intéressant travail de M. Véronnet, La matière, les ions et les électrons, dan< la Revue de philosophie, Paris, 1907, p. 156 ; cꝟ. 1906, 1907, trois articles. Est-il besoin de faire remarquer qu’il manque peut-être à ces théories d’être définitivement constituées. De cela les hommes de science ont à juger. Seraient-elles indéniables, il leur resterait à prouver qu’elles excluent du même coup non seulement la physique aristotélicienne, dès longtemps démodée, mais les vieilles thèses métaphysiques.

La science, en tant que telle, se borne à enregistrer des rapports, et c’est prudence ; mais il y a lieu de remarquer que la philosophie dans ce qu’elle a de plus solide raisonne aussi sur des rapports, accusant de plus en plus des réserves prudentes sur l’explication intime des substances. Qu’elle abandonne ou garde la « matière prime » scolastique, c’est une thèse cosmologique discutable ; quand elle raisonne sur les relations de moteur, de mobile, de mouvement, la position est plus stable. En effet, quelle que soit la nature dernière du moteur ou du mobile (substance ou non), il restera que le mouvement implique diversité, passage du même à l’autre, potentialité, contingence, et qu’à moins de nier le principe d’identité, il faut bien donner quelque raison de cette modification. La matière ne fut-elle qu’une « charge électrique » , il resterait à dire pourquoi il y a des charges individuelles et non « ne électricité, pourquoi il y a rupture et variation dans l’équilibre électrique, mouvement et non repos. Toutefois ce n’est pas de la difficulté d’une explication que nous arguons, mais de l’impossibilité d’expliquer le mouvement par lui-même et par sa nécessité. Il semble aussi contradictoire dans les termes d’admettre un mouvement nécessaire, que le mouvement soit subjecté dans un mobile matériel ou qu’il soit lui-même le tout de la matière. Si différent que soit le « dynamisme nouveau » du mécanisme et de l’atomisme anciens, il lui i cet ii’note commune qu’il explique tout par le mouvement. Comme cette affirmation dépasse l’expérience et relève de la philosophie, le philosophe a droit d’objec-