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Cl ; KATION

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personnes ne peut la posséder à la fois en tant qu’elle engendre et en tant gu’elle est engendrée ;

la nature est commune à tous, puisque le Père la donne, le Fils la reçoit, tous deux la communiquent à l’Esprit-Saint, mais la génération, la filiation, la spiration. puisqu’elles s’excluent mutuellement, ne conviennent pas à toutes également. S’il s’agit au contraire d’action transitive, c’est le Père, le Fils et le Saint-Esprit qui produisent l’effet par cette puissance unique qu’ils ont indivise. C’est ce que l’École exprime par cette formule : « Tout est commun en Dieu à moins que n’y mette obstacle quelque opposition de relation ; otnnia sunt unum, ubi non obviât relationis oppositio. » Cf. Décret, pro jacobilis, Denzinger, n. 598.

Cependant les relations d’origine, comme le note saint Thomas, Suni. theol., l a, q. xlv, a. G, font précisément que la même nature ou essence divine n’est pas en chaque personne de la même manière ou du moins au même titre, et cela met quelque différence dans la causalité respective des personnes divines à l’égard des créatures. Si le Fils crée, c’est par cette nature que lui donne le Père, le Saint-Esprit par cette nature qu’il reçoit de l’un et de l’autre. Le mode d’action de chacun, sans aucune différence physique, sans inégalité aucune de perfection, garde cependant, pourrait-on dire, cette marque d’origine. La créature relève de la puissance divine innée dans le Père, engendrée dans le Fils, spirée dans le Saint-Esprit : elle rélève donc de chaque personne à un titre spécial. Tel est le fondement de la théorie des appropriations. Voir Appropriation. C’est ce que l’argument d’Abélard met bien en lumière, en insistant sur ce fait que le Fils dans son concept notionel est la Sagesse, et le Saint-Esprit l’Amour : il est excellent, si on l’entend bien.

Cette différence, non physique mais morale, dans la manière dont la créature dépend de chaque personne, lui crée à l’égard de chacune des devoirs que sa piété peut approfondir. Tout don qui lui est fait, découlant d’une source unique, lui vient de trois personnes distinctes et d’un triple amour.

Petau, De Trinitate, l.IV.c. xv, §3 sq. ; c.xvi, t. n. p. 248sq., 253 sq. ; de Régnon, Études sur la sainte Trinité, Paris, 1892, t. I, étude VI, c. iv, p. 409 sq. ; S. Bonaventure, In IV Sent-, 1. 1, dist. XX, a. 1, Quaracchi, t. i, p. 371, cf. p. 516 ; t. iii, p. 13.

Appropriation de la création au Verbe.

Sans

exposer ici toute la théologie du Logos, il y a lieu d’étudier sommairement : 1. l’intervention spéciale du Verbe dans la création ; 2. la nature du démiurge chrétien ; 3. sa génération temporelle dans l’acte créateur ; 4. le fondement de cette appropriation.

1. Intervention du Yerbedans lacréation.

a) L Ecriture, semble-t-il, insinue la pluralité des personnes divines dans Gen., i, 26, faciamus liominem… D’après Fritz Hommel, Expository Times, 1900, t. xiv, p. 341345 ; 1902, p. 103 sq., il y aurait aussi dans la liste chaldéenne des patriarches rapportée par Bérose deux formes divines et comme des associés de Dieu dans la création. Le trait est à peine marqué dans Gen., i, 26.

C’est en raison de son rôle dans la production du monde, et non de ses rapports avec la vie intime de l’Être divin, que le Verbe entre lentement dans la spéculation juive : la théorie des intermédiaires favorise cette évolution.

Tandis qu’on insistait avant l’exil sur la proximité de Dieu, sa paternité, et comme son immanence, après l’exil on paraît surtout frappé de sa transcendance. Dieu n’est plus mis en rapport direct avec l’univers, mais seulement par l’entremise de ses attributs personnifiés, Sagesse, Parole, Esprit. Hackspill, Etude sur le milieu religieux et intellectuel du Nouveau Testament, dans la Revue biblique, 1900, p. 570 sq. ; 1901, p. 201 sq. Vers l’époque grecque, le rôle de la Sagesse se dessine de plus en plus net dans les Livres sapientiaux.

D’abord pure personnification poétique, Job, xxviii, 12-28, elle apparaît danleProw rbes, iii, 19-20 ; viii, 22-32, et l’Ecclésiastique, xxiv. xxv, comme intermédiaire entre Dieu et l’univers. Sous l’influence alexandrine une terminologie plus abstraite amené une précision croissante, « en tout cas ni essence, ni filiation divines n’y sont enseignées. « Loc. cit., p. 215.

Entre la spéculation profane et la théologie biblique s’il est facile de multiplier les rapprochements, une connaissance plus approfondie des multiples théories qui se cachent sous le même nom de Logos met en garde contre des conclusions hâtives et superficielles.

Dans le panthéisme d’Heraclite, le Logos est le feu immanent, raison et loi du monde. Il est chez Platon intermédiaire dans la formation du cosmos ; encore ne trouve-t-on pas, à proprement parler, chez ce philosophe, une théorie du Logos : ou la lui prête plus tard sous l’influence de documents apocryphes et d’idées néoplatoniciennes et chrétiennes. Aal. Geschichte der Logosidee in der griechischen Philosophie, Leipzig, 1896, p. 69. Le Logos du panthéisme stoïcien est le principe actif et la force de la nature ; celui de Philon, comme celui de Plutarque, quoique fortement imprégné de stoïcisme, est transcendant. Le travail érudit de M. Lebreton est des plus précieux pour distinguer ces nuances et démêler ces influences, Les théories du Logos au début de l’ère chrétienne, dans les Études, 1906, t. evi, p. oi sq.. 320 sq.

Le Logos philonien mérite de nous arrêter quelques instants. Principe de force et de détermination. Quia rer. div. lier., 118, 119 ; De opific. mundi, 43, soutien et lien du monde, De plantât. Xoe, 8, 9 ; De fuga, 112 ; Quisrer.div. lier., 188, destin et loi morale selon l’occurrence, à tous ces titres il relève de Chrysippe ; lieu des idées, De opif. mundi, 20. 24 : Leg. alleg., il, 86, extérieur au monde, In Exod., n. 68, intermédiaire de sa production, De cherub., 125 sq.. principe de spécification, ), ôyo ; Tou.eû ;, Quis rer. div. lier., 130-140. 166, 215, il accuse une origine platonicienne. Sous tous ces rapports, il est plus apparenté à la philosophie grecque qu’aux théories bibliques. Lebreton, loc. cit., p. 775-7 s 7. Est-il personne distincte ou attribut personnifié ? Après une critique minutieuse, M. Drumrnond conclut : « Le Logos n’est pas un démiurge qui agisse pour Dieu ou à la place de Dieu, mais c’est l’énergie propre de Dieu, énergie rationnelle agissant sur la matière. » P/iilo Judseus, Londres, 1888, t. il, p. 192 ; cf. p. 119-151. Il pourrait être l’aspect relatif de Dieu, dont l’essence absolue est inconnaissable et nous dépasse : ce serait l’action et l’éclat qui le mettent en rapport avec la créature. Lebreton, loc. cit., p. 787-794.

Vers le 1 er siècle après Jésus-Christ, la doctrine biblique de la « Sagesse » est remplacée à Alexandrie par celle du « Logos » , en Palestine par celle de la « Parole » . Au lieu d’être qualité intellectuelle abstraite, la Sagesse est par là conçue comme un acte divin : c’était un progrès très appréciable vers la théorie du Logos personnel et démiurge. Cependant l’influence helléniste faisait courir au dogme un grave danger. En accentuant sa transcendance, on isolait Dieu de l’humanité ; on risquait par ailleurs de faire de la Sagesse, comme du voC ; d’Anaxagore ou de Platon, l’àme du monde ou quelque émanation gnostique ou quelque divinité secondaire. La mission du Verbe prévint ces déviations : la révélation trinitaire, d’une part, profitait d’un terrain tout préparé par la théorie des intermédiaires, de l’autre, elle corrigeait, elle complétait les spéculations antérieures.

On comprend facilement la richesse des faits évangéliques et tout ce qu’ils fournissaient de documents nouveaux soit en paroles soit en actions : tôt ou tard la théorie du Logos devait profiter de cet apport. Les vues profondes de saint Paul sur le rôle du Christ dans