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CRÉMATION


pratique, introduite par quelques fidèles, nonnulli fidèle » , de faire bouillir, oqnis immersa exponunt ignibus decoquenda, les cadavres, surtout de personnages élevés en dignité ou de noble race, quisquam ex eis génère miliilis vel dignilatis titulo insignilus, pour les transporter plus commodément dans leur propre sépulture. Mais le souverain pontife a voulu user de son autorité apostolique, aposlolica aitcloritale stalttimus, d’une manière générale contre ceux qui, au lieu de leur donner aussitôt la sépulture cbrétienne, infligeront quelque traitement impie et cruel aux corps des (idoles défunts, par exemple en les faisant bouillir pour séparer les os d’avec les chairs, ou en se livrant à leur égard à d’autres abus du même genre, y compris sans doute la pratique de la crémation. Ordinamus ut circa corpora defunctorum liujusmodi abusits vel similis nullatenus observelur… sed ut sic impie ac crudeliler non traclentur.

Il faut arriver aux temps inaugurés par la Révolution de 1789 pour assister à une nouvelle tentative de la part des sectateurs de la crémation. Encore doit on avouer que le rapport présenté en faveur de la crémation, le 21 brumaire an V (Il novembre 1796), au conseil des Cinq-Cents, resta presque sans écho. Voici ce que disait ce rapport : « Le champ du repos se trouverait à Montmartre ; dix hectares de terre seraient acquis, autour desquels on élèverait un mur de 81 centimètres d’épaisseur ; dans la construction de ce mur on pratiquerait des voussures dans lesquelles on déposerait des urnes cinéraires. Quatre grandes portes dédiées à l’Enfance, à la Jeunesse, à la Virilité, à la Vieillesse serviraient d’entrées, etc. »

Ce ne fut toutefois que dans le dernier quart du XIXe siècle que l’idée de la crémation prit quelque consistance en Europe, lorsque les sociétés maçonniques obtinrent des gouvernements la reconnaissance officielle de ce rite. C’est en Italie que s’ouvrit la campagne. Les premières expériences furent faites en 1872 par Brunetti à Padoue. Au mois d’avril 1873, le Sénat autorisa les familles à recourir pour leurs morts aux pratiques de la crémation. La première crémation eut lieu à Milan, le 22 janvier 1876. De nombreuses sociétés se fondèrent à Dresde, à Zurich, à Gotha, à Londres et à Paris pour la propagation de l’idée. Un congrès fut tenu en 1876, à Dresde, ville où lady Dilke avait subi la crémation en 1874. La législation allemande avait rendu cette pratique facultative. En France, la Chambre des députés adopta, au mois de mars 1886, un amendement à un projet de loi sur la liberté des funérailles d’après lequel tout majeur ou mineur émancipé pouvait choisir librement le mode de sa sépulture, l’inhumation ou l’incinération. On établit au Père-Lachaise, à Paris, un four crématoire. Cette loi fut votée le 15 novembre 1887 et rendue exécutoire par décret, le 27 avril 1889. « La crémation est aussi autorisée en Allemagne, en Angleterre, en Suisse, en Suède et Norvège, en Danemark, et dans les États-Unis d’Amérique. Il y a 27 établissements crématoires en Italie, 20 aux Etats-Unis, 6 en Allemagne. La France en possède 3, un a Paris au cimetière du Père-Lachaise, un à Rouen, un à Reims. L’usage de la crémation ne fait pas de progrès ; l’ensemble des fours crématoires existants dans le monde (le Japon excepté, car on incinère, parait-il, volontiers en ce pays) ne brûle pas plus de quelques centaines de corps par an, défalcation faitede ce que les amphithéâtres d’analomie font brûler, entre autres à Paris. » Û r G. Arnould, Nouveaux éléments d’hygiène, part. II, p. 662.

II. Discipline ecclésiastique.

La crémation, considérée en elle-même, ne contient rien sans doute qui répugne intrinsèquement à aucun dogme catholique, pas même à celui de la résurrection des corps qui n’est pas rendue plus diflicile, en regard de la toute puissance divine, que dans l’hypothèse de l’inhumation ; d’autre part, il n’existe point de loi divine qui la défende formellement. Cependant on ne saurait nier que ce rite ne soit en opposition avec la discipline pratique constamment adoptée par l’Église depuis les prei. temps de sa fondation. C’est pourquoi, en face de la recrudescence des idées favorables à la crémation, que patronnaient surtout les sectes, ennemies de la foi chrétienne, l’Église s’est prononcée dans trois décrets mémorables, par l’organe du Saint-Office.

Dans le 1 er décret, du 19 mai 1886, sont d’abord expliquées les circonstances qui ont amené le Saint-Office à se prononcer sur cette question de la crémation. En présence des tentatives auxquelles se livraient certains hommes, recrutés spécialement parmi les membres des sectes maçonniques, pour remettre en honneur les pratiques païennes de la crémation, allant même jusqu’à former dans ce but des sociétés particulières ; dans la crainte que des âmes ne se laissassent séduire par leurs artifices, et qu’ainsi peu à peu ne vint à s’ébranler le respect qui est dû à la coutume chrétienne de l’inhumation toujours observée dans l’Église et consacrée par elle en des rites solennels ; un grand nombre d’évêques et de pieux fidèles, afin de posséder une règle précise qui pût les guider en cette matière, portèrent devant le Saint-Office les doutes suivants :

1* An licitum sit nomen dare societatibus, quibus proposition est promovere usum comburendi hominum cadavera ?

2° An licitum sit mandare ut sua aliorumve corpora comburantui " ?

Ad 1°™, négative : et, si agatur de societatibus massonica ? seclas filiabus, incurri peenas contra banc latas.

Ad 2° m. négative.

1* Est-il permis de donner son nom à des sociétés qui se proposent de promouvoir l’usage de brûler les corps des défunts ?

2 » Est-il permis de laisser pour soi ou pour d’autres un mandat de crémation ?

A lai" question, négativement ; et, s’il s’agit de sociétés affiliées à la secte maçonnique, on encourt les peines canoniques portées contre celle-ci.

A la 2-, négativement.

De ces décisions relation fut faite à Léon XIII qui les approuva et les confirma, en donnant l’ordre de les communiquer aux Ordinaires, afin qu’ils pussent mettre en garde leurs fidèles contre le détestable abus de la crémation.

Le 15 décembre 1886, une nouvelle sanction émana du Saint-Office, en vertu de laquelle doivent être privés de la sépulture ecclésiastique ceux qui, de leur propre volonté, ont destiné leur corps à la crémation, et ont persévéré de façon certaine et notoire jusqu’à leur mort dans cette coupable disposition, gui propria voluntate cremalionem elegerunl, et in hac roluntate certo et notorie usque ad mortem perseveraverunt.

Dans le troisième décret, du 27 juillet 1892, plusieurs questions pratiques touchant la crémation furent définitivement résolues par le Saint-Office :

1* l’trum liceat sacramenta morientium ministrare fidelibus qui massonica* seclse non adhserent nec ejus ducti principes, sed aliis rationibus moti, corpora sua post mortem cremanda mandarunt.si hoc mandatum retractare nolint ?

1 i tram liceat pro Bdelibus

quorum corpora DOll sine ipsorum culpa cremata sunt, missse sacriticium publiée offerre vel etiam prtvatun applicare, itemque fundationcs ad bunc lineiii aroeptare ?

i’Est-il permis d’administrer les derniers sacrements

iux fidèles, qui, sans avoir

adhéré à la secte maçonnique, ni s’être inspirés de ses principes, mais mus par d’autres raisons, ont laissé le mandat de brûler leur corps après leur mort, et refusent de revenir sur cette résolution ?

2* Est-il permis d’offrir publiquement le sacrifice de la messe, ou encore de l’appliquer secrètement, de même que d’accepter dans ce but des fondations en faveur des fidèles dont les corps ont été brûlés, non sans une certaine culpabilité de leur part ?