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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)


l’héritier de Baudouin II, l’Angevin devenait une menace terrible pour le repos de Michel VIII. « Il formait de vastes projets sur [’Orient, il avait pris pied en Achaie et en [{pire, il aspirait à restaurer l’empire latin de Constantinople. Aussi, tout en encourageant en apparence ses desseins, les papes redoutaient-ils en fait un succès qui eût fait de lui un voisin trop puissant, et, tout en se servant de lui comme d’une menace suspendue sur Byzance, ils s’efforçaient de réaliser sans lui l’union avec les Grecs et de paralyser ainsi l’extension des ambitions angevines. » Ch. Diehl, Études byzantines, p. 19-2. Les relations commencées par Urbain IV avec le basiletts furent donc continuées par Clément IV. Des ambassades allèrent de Borne à Constantinople et de Constantinople à Borne, sans qu’il soit tout d’abord possible d’en bien préciser le but. Enfin, dans les premiers jours de 1207, une mission byzantine partait pour Borne solliciter le pape de vouloir bien approuver le programme d’union, jadis arrêté par son prédécesseur. La situation politique n’étant plus la même, puisqu’un ami de Borne régnait dans le sud de l’Italie, le pape s’y refusa, 14 mars 1267, pensant que certaines des faveurs accordées étaient par trop favorables aux Grecs et il accentua les exigences premières avec une précision toute juridique. Il menaçait au besoin le Paléologue de le contraindre à l’union par les armes de Charles d’Anjou, s’il résistait encore aux conditions qui lui étaient offertes. Michel VIII sentit son trône chanceler et, renouvelant le stratagème qui lui avait déjà réussi, il s’offrit à prendre la croix et à conduire ses troupes en Terre-Sainte, si, pendant son absence, la cour romaine voulait bien garantir la sécurité de ses Él ; >ts. Sur ces papes du moyen âge, uniquement soucieux de la délivrance du Saint-Sépulcre, de telles offres produisaient toujours leur effet ; néanmoins, celui-ci y mit comme condition la soumission immédiate de l’Église grecque et, tout en continuant à négocier avec Paléologue, il n’opposa que de médiocres résistances aux préparatifs belliqueux de Charles d’Anjou, 17 mai 1267. Il se servit ainsi du roi de Sicile pour peser sur les déterminations de l’empereur grec, de Michel VIII pour forcer l’Angevin à modérer ses exigences, pensant bien qu’au moment voulu il arrêterait l’un et l’autre, en réalisant le but que la curie romaine poursuivait depuis de si longues années, l’union indissoluble et désintéressée des deux Églises. L’opposition du haut clergé à Byzance et la mort de Clément IV, 28 novembre 1268, arrêtèrent les négociations. Charles d’Anjou mit alors tout en œuvre pour obtenir la nomination d’un pape favorable à ses plans de conquête. Comme la curie romaine n’était nullement disposée à passer par tous ses désirs, la vacance du siège apostolique se prolongea près de trois ans, et ce ne fut qu’au mois de septembre 1271 qu’on désigna un nouveau pape, dans la personne de Grégoire X. Ce long interrègne avait été mis à profit par l’Angevin, qui avait contracté dans l’intervalle de nombreuses et solides alliances, alliances avec les rois de Serbie, de Bulgarie et de Hongrie, alliances avec le despote d’Épire, le duc de Thessalie et celui d’Achaïe. De plus, la neutralité de Venise lui était promise pour cinq ans, 1268-1273, et le secours de l’Allemagne presque assuré. L’ouragan s’annonçait donc formidable, si bien que Michel VIII, se croyant perdu et n’ayant pas de pape à qui se confier, s’adressa à saint Louis, janvier 1269, pour qu’il modérât l’ardeur guerrière de son frère et se posât en arbitre des différences religieuses, qui séparaient Grecs et Latins. Saint Louis renvoya les messagers au collège cardinalice réuni à Viterbe, alléguant sa qualité de laïque qui ne lui permettait aucune immixtion dans les aflaires de l’Eglise. Les cardinaux présentèrent aux délégués byzantins les conditions de Clément IV, qui leur avaient paru inacceptables en 1267. L’année suivante, nouvelle ambassade grecque auprès

du roi de France, qu’elle rejoignit à Tunis et dont elle pat admirer la morl édifiante (1270). Ce trépas, joint au traité de paix onéreux que les victoires de Charles d’Anjou imposèrent à l’émir de Tunis et aux progrès des Francs en Kpire, présageai) ut nue ruine proch. pour l’empire grec. Déjà, une double expédition ai vine se préparait à attaquer Constantinople ^>ar terre et par mer, quand l’élection du nouveau pape, septembre

1271, remit tout en question.

En traversant le territoire byzantin. Grégoire X informa le basilcus de ses dispositions favorables à l’union religieuse des deux pays. On pense bien que sa lettre ne resta pas sans réponse. Pendant l’été de 1272, arrivait à Borne une mission grecque, conduite par Ji an Parastron, religieux franciscain, qui possédait bien les deux langues et jouissait d’un grand crédit sur l’en reur. Le pape, touché des regrets que Michel VIIl lui exprimait de n’avoir pu le saluer à son passage, l’invita aussitôt, au même titre que les souverains chrétiens, au concile œcuménique qui devait se tenir deux ans après. Quatre frères mineurs, parmi lesquels le frère Jérôme, le futur Nicolas IV, composaient l’ambassade et portaient les instructions de Grégoire.X. 21 octobre

1272. Registres de Grégoire X, édit. Guiraud. n. 194. Celles-ci ne différaient pas, en somme, de celles que les papes avaient précédemment transmises à l’empereur. D’après les déclarations expresses de Grégoire X, la soumission immédiate de l’Église grecque procurerait à Michel VIII l’appui de Borne, tandis que, dans le cas contraire, la papauté serait contrainte de céder à la pression de l’Angevin. Comme Charles d’Anjou n’attendait qu’un mot pour passer des menaces à l’attaque, la décision du pape devenait ainsi grosse de dangers. Aussi, le pape, qui s’attendait à l’effet de sa réponse, proposait-il au Paléologue deux solutions pour se tirer de ce mauvais pas : ou bien lui. son clergé et son peuple feraient leur soumission à Borne, en présence des quatre légats pontificaux qui avaient tout pouvoir de la recevoir ; ou bien, l’union religieuse serait faite par des délégués, devant le pape, avant ou après le concile œcuménique, aussitôt que la paix serait conclue par l’intermédiaire de Borne entre Michel VIII et Charles d’Anjou. Si cette dernière solution était acceptée, l’empereur, son patriarche et le haut clergé de Byzance devaient donner aux envoyés du pape l’assurance formelle et par écrit qu’ils avaient l’intention de reconnaître la foi et la primauté de l’Église romaine. Il n’y avait plus de tergiversation possible, on devait se prononcer pour l’une ou l’autre de ces deux solutions. Ce fut naturellement la seconde que Michel Paléologue adopta. Mais pour y parvenir, sa bonne volonté n’était pas suffisante, il lui fallait aussi obtenir l’adhésion de son clergé. Et, de ce côté, les difficultés étaient considérables, tant était grande l’hostilité que les prêtres de Byzance nourrissaient envers les Latins. Pour vaincre cette opposition, Michel VIII convoqua une réunion plénière et là, il annonça que le salut de Byzance dépendait de l’union étroite avec la papauté. Or, que demandait-on en retour ? Trois choses insignifiantes : la reconnaissance de la primauté romaine, alors qu’il était bien certain qu’un pape ne viendrait pas de longtemps se faire acclamer à Constantinople chef de l’Eglise byzantine ; le droit d’appel à Home, dont personne n’userait à cause du grand éloignement de cette ville : enfin, la mention du pape dans les prières liturgiques, un usage que l’on observait partout autrefois. Pour tout le reste, l’Église byzantine resterait ce qu’elle était. Si habilement que fût présentée cette thèse, le clergé- ne fut pas convaincu ; il cria bien haut que, au lieu de mêler les choses du ciel à celles de la terre, l’empereur aurait mieux fait de recourir aux prières de tous et d’attaquer ensuite les Francs. Puis, il protesta contre l’abandon de l’orthodoxie et ne voulut r as se rendre-