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CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU)

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et l’Église probablement ne tardera pas à l’élever sur les autels. Elle a raconté elle-même à son fils comment Dieu lui inspira, vers 1630, une pratique spéciale de djvotion au Sacré-Cœur. Un jour que Dieu semblait sourd à ses prières, elle entendit une voix intérieure qui lui disait : « Demande-moi par le Cœur de mon Fils. « Aussitôt « tout mon intérieur se trouva dans une communication intime avec cet adorable Cœur, en sorle que je ne pouvais plus parler au Père éternel que par lui » . Depuis elle fut toujours fidèle à cette pratique. « Voici, dit-elle, à peu près comme je m’y comporte, lorsque je suis libre, en parlant au Père éternel : C’est par le Cœur de mon Jésus, ma voie, ma vérilé et ma vie, que je m’approche de vous, ô Père éternel. Par ce divin Cœur, je vous adore pour tous ceux qui ne vous adorent pas, » etc. Lettre du 16 septembre 1661. Dès

1649, elle écrivait à son fils : « Vivons en notre Jésus, que les approches de son Sacré-Cœur fassent découler dans les nôtres la vraie sainteté. » Voir Letierce, loc. cit., t. i, p. "9 sq. En Belgique, la mère Delelot est aussi très dévote au Sacré-Cœur. B. Destrée. Une mystique inconnue du xvii’siècle, Bruges, 1905.

Ainsi la dévotion au Sacré-Cœur est partout. Mais le culte public est dû au P. Eudes.

7° Le P. £Wes(lu01-1680). Le culte public du Cœur de Jésus et de Marie. — On regarde généralement la B. Marguerite-Marie, non pas comme la première dévote du Sacré-Cœur, mais comme l’apôtre et l’évangéliste de la dévotion, choisie spécialement par Notre-Seigneur pour la propager et en obtenir la reconnaissance publique par l’Église. Comment concilier ce fait avec ce que nous savons maintenant du P. Eudes, de ses écrits et de son apostolat ? Il y a là un problème intéressant sur lequel le B. P. Le Doré appelait l’attention dès 1870, par son ouvrage sur Le P. Eudes, premier apôtre des SS. Cœurs de Jésus et de Marie, Paris, 1870.

Né à Cæn, en 1601, le P. Eudes eut dès l’enfance le plus tendre amour pour Notre-Seigneur et pour sa sainte mère ; dans ses vingt ans de séjour à l’Oratoire, sa piété se nuança quelque peu d’après celle de Bérulle et de Condren. Il lut aussi sainte Mechtilde et sainte Gertrude. Est-ce là qu’il puisa sa dévotion au Cœur de Marie et de Jésus ? On ne sait rien de précis à ce sujet.

A partir de 1640 environ, nous le voyons tout dévoué au saint Cœur de Jésus et de Marie ; il lui consacre les deux congrégations qu’il fonde, 1641 et 1613 ; il le leur donne comme écusson, sous l’influence, semble-t-il, du texte de saint François de Sales que nous avons cité. Voir Le Doré’, op. cit., p. 17. Il leur prescrit des exercices spéciaux en l’honneur de ce très saint Cœur, notamment la salutation célèbre : Ave Cor sanctissimum…, Ave Cor amanlissimum Jesu et Mariai. Op. cit., p. 18. Dès liiiti, il leur fait célébrer solennellement la fêle du Saint-Cœur de Marie — on verra tout à l’heure que poulie P. Eudes, le Ca-ur de Marie ne va pas sans le Cœur de Jésus — d’abord le 20 octobre, qu’il consacrera plus tard au Cœur de Jésus, puis le 8 février, qui restera réserve au Cœur de Marie ; il composa pour cette fête un office, qui est approuvé des 1648 par quelques évoques. La fêle ne reste pas dans l’intérieur des communautés. En I618, le P. Eudes la célèbre solennellement dans la cathédrale d’Autun. Le mouvement se propagea dans plusieurs diocèses, en Bourgogne notamment et en Normandie, sous l’influence du P. Eudes et de ses congrégations. L’ne sorle de fiers-ordre qu’il fonde vers

1650, les confréries du Saint-Cœur qu’il établit en maint endroit contribuent à répandre et à l’aire connaître la

dévotion. Le livre se joint à la parole et à l’action. Di 1648, le P. Eudes publie à Aulun son ouvrage de Lu dévotion du très suint Cœur et du très saint Nom l la 11. Vierge Morte ; il le réédite à Cæn, en 1650. I n I651, les ludistes, établissent dans leur collège de Lisieux une congrégation de la sainte Vierge, sous

l’invocation de son saint Cœur, avec petit office, Op. cit., p. 58. En 1655, ils inauguraient, dans leur séminaire de Coutances, la première église bâtie en l’honneur du Cœur de Jésus et Marie, ou, comme on disait plus souvent, du Cœur de Marie. Op. cit., p. 60. La dévotion se répandit aussi à Paris, dans quelques groupes choisis, toujours sous l’influence et la parole ardente du P. Eudes. Malgré les obstacles de toute sorte et les calomnies, beaucoup d’évêques établirent la fête ; le livre recevait des approbations, les églises se bâtissaient, les confréries se multipliaient, 1650-1668. Op. cit., c. iv, v. Tout cela se faisait en dehors de Borne ; mais Borne tolérait ces initiatives épiscopales. En 1668, on obtint une approbation du cardinal de Vendôme, légat a latere. Il est vrai que Borne, en 1669, refusait la sienne. Op. cit., p. 117. Mais le culte n’en continuait pas moins de se répandre en France.

Il reçut, à partir de 1670, un développement intérieur considérable. Jusque-là, le P. Eudes n’avait proposé qu’une fêle, n’avait composé qu’un office. Le Cœur de Jésus y était honoré da71s et avec le Cœur de Marie, et l’office mentionnait souvent le Cœur de Jésus. A partir de 1660 environ, ces mentions du Cœur de Jésus tiennent moins de place, et l’office est plus exclusivement celui du Cœur de Marie. Le P. Eudes pensait dès lors à fêter à part et par un office spécial le Cœur de Jésus. En 1670, il publiait La dévotion au Cœur adorable de Jésus, avec, à la fin, messe et office propres. La même année, les évêques de Bennes, de Coutances, d’Evreux, approuvent messe et office, et permettent de célébrer la fête. Celle-ci fut d’abord placée au 31 août ; mafs à partir de 1672, elle fut fixée au 20 octobre. Les considérants de quelques-uns des actes épiscopaux sont fort intéressants : c’est la première fois que l’Église enseignante parle du Sacré-Cœur. L’évêque de Coutances, Ma r de Loménie de Brienne, écrit dans sa lettre du 29 juillet 1670 : « Le Cœur adorable de notre rédempteur étant le premier objet de la dileclion et complaisance du Père des miséricordes et étant réciproquement tout embrasé du saint amour vers ce Dieu de consolation, comme aussi étant tout enflammé de charité vers nous, tout brûlant du zèle de notre salut, tout plein de miséricorde vers les pécheurs, tout rempli de compassion vers les misérables, et le principe de toutes les gloires et félicités du ciel et de toutes les grâces et bénédictions de la terre, et une source inépuisable de toutes sortes de faveurs pour ceux qui l’honorent : tous les chrétiens doivent s’efforcer de lui rendre toutes les vénérations et adorations possibles. » Le Doré, op. cit., p. 129. L’évêque d’Evreux, Mu r de Maupas du Tour, exprime des idées semblables, dans sa lettre du 8 octobre 1670 : « Le Cœur adorable de Notre-Seigneur étant une fournaise d’amour vers son Père et de charité vers nous, et une source d’une infinité de grâces et de faveurs au regard de tout le genre humain, tous les hommes, spécialement tous les chrétiens, ont des obligations infinies de l’honorer, louer et glorifier enfouies les manières possibles. » Op. cit., p. 131. En 1671, l’archevêque de Bouen, les évêques de Bayeux et de Lisieux, l’ancien évéque de Bodez, Abelly, se joignaient aux trois autres pour approuver la fête et l’office. Enfin, le 29 juillet 1672, 1e P. laides adressait aux six maisons de sa Société une circulaire imprimée pour leur enjoindre de célébrer désormais comme fêle patronale, le 20 octobre, la solennité du Sacré-Cour de Jésus, Elle commence ainsi : « C’est une grâce inexplicable que noire très aimable Sauveur nous a taile, de nous avoir donné dans notre congrégation le Cœur admirable de sa très sainte Mère ; mais sa bonté qui est sans bornes, ne s’arrêtant pas là, a passé bien plus outre en nous donnant son propre Cœur, pour être, avec le Cœur de sa glorieuse Mère, le principe et la liii, le coure ! la vie de cette congrégation… Quoique jusqu’ici nous