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COLÈRE


de l’homme, sont par cela même plus disposés à se laisser aller à celle passion. Chez cette dernière particulièrement, l’irritabilité parfois est extrême, surtout, au dire des physiologistes, pendant toute la durée des règles. Cf. J. Antonelli, Medicina pastoralis, part. I, c. iii, n. 98, Rome, 1905, t. i, p. 67. Aussi le sage déclare qu’« il n’y a point de colère qui surpasse celle de la femme » , Eccli., xxv, 23, et le poète païen disait plaisamment :

Omnis mulier ira : habet autem bonas horas duas, Unam in thalamo, unain in morte.

Telemach, Epigram., 1. II.

b. Le tempérament. — - Personne n’ignore que les sujets bilieux, règle générale, s’irritent facilement. Le sanguin est plutôt impatient. S. Thomas, Sum. theol., q. XLVi, a. 5 ; q. XLViit.a. 2. — c. Lamaladie. — C’est un l’ait d’expérience que la souffrance rend ordinairement morose et irascible. — d. Le climat. — Dans les pays chauds où le sang circule avec plus de force et de vitesse, les hommes sont portés plus facilement à la colère. Qu’on se rappelle la vendetta des Corses ou des Italiens.

Effets.

1. Effets psychologiques. — Saint Grégoire,

Moral, in Job, 1. V, c. xlv, P. L., t. lxxv, col. 724, les a décrits : Un violent outrage est fait à un homme, il en ressent l’amertume et veut s’en venger. Son cœur palpite, il tremble, sa langue s’embarrasse, sa figure devient de feu, son œil s’égare, sa bouche profère des sons inintelligibles. Il s’élance sur son adversaire et le frappe aveuglément. Sa raison est muette. Il frappe encore, et il savoure à longs traits la joie de la vengeance. Trouble excessif des sens, obscurcissement de la raison, joie de la passion assouvie, tels sont les trois elîets psychologiques que produit la colère. Sur la joie de la vengeance, voir S. Thomas, ibid., q. xlviii, a. 1, et sur le trouble de la raison, a. 3. — 2. Effets physiologiques.

La colère fréquente, qu’elle ait été comprimée ou assouvie, produit souvent des effets morbides. Cf. Surbled, Vie affective, c. xv, Paris, 1900 ; Belouino, Des passions, 1. IV, c. viii, Lyon, 1852, t. ii, p. 227.

II. Considérée dans l’ordre moral. — La colère, comme toute passion, de sa nature, en tant que simple mouvement de l’appétit irraisonnable, ne présente ni bien ni mal moral. Il en va autrement lorsqu’elle entre en relation avec la volonté, ou, selon le mot de saint Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. xxiv, a. 4, lorsqu’elle participe de la volonté et de la raison. Elle peut ainsi être bonne ou mauvaise, vertu ou vice, et en ce dernier cas elle entraînera souvent d’autres péchés à sa suite. C’est ce qui se produit pour la colère.

Elle peut être acte de vertu.

C’est le désir raisonnable

de la vengeance. La colère est bonne, dit le docteur angélique, In Eph., IV, 26, lect. viii, Opéra omnia, Parme, 1862, t. xiii, p. 485, « quand elle tend à une vengeance légitime, c’est-à-dire lorsqu’on se livre à la colère quand il convient, contre qui il convient et dans la mesure voulue. » Un père de famille, irrité par la désobéissance de son lils, inflige à celui-ci une forte correction pour le faire rentrer en lui-même. Un supérieur de communauté, pour remplir sa charge, châtie publiquement une infraction à la règle. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ q, clviii, a. 3. Ou encore c’est le zèle, appelant la colère à son secours pour surmonter les diflicultés qu’il rencontre, Itxc ira est bonaquxdicitur per zelum. S. Thomas, ibid., ad 2um.

Ainsi entendue, la colère est un acte de vertu. —1. La raison le dit : Tout mouvement de passion, qui obéit à la raison, est nécessairement un bien moral. Or la colère est le désir raisonnable de la vengeance. Si aliquis irascitur secundum rationem rectam, tune irasci est laudabilc. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ , q. clviii, a. 1. — 2. L’Écriture tantôt nous montre des saints

comme Moïse, Exod., xxxii, 19, Élie, IV Reg., I, 12, Elisée, IV Reg., Il, 23, se livrer à des transports de colère, tantôt reproche à un père coupable sa lâche complaisance pour ses enfants, I Reg., ni, 13, tantôt même fait l’éloge de cette passion quand elle est employée pour le bien, c’est, du moins, le sens très probable que nous offrent l’Ecclésiaste, vii, 4, et saint Paul, Eph., iv, 26. L’apôtre, en effet, dit : « Mettez-vous en colère, mais dans cette colère ne laissez s’introduire aucun élément de péché. » La colère est une juste passion que, sous certaines conditions, il faut cultiver. Ce qu’il faut bannir du cœur, ce qui ne doit pas durer après le coucher du soleil, c’est le Ttapopvtup.ô ;, l’irritation, l’exaspération, sentiment coupable qui peut s’attacher même à une juste colère. — 3. L’Écriture, d’ailleurs, parle encore de la colère de Dieu et de celle de Jésus-Christ. Dieu s’irrite contre les pécheurs. Ps. cv, 40. Ira non dicitur de Deo secundum passionem animi, sed secundum judicium justitise, prout vult vindictam facere de peccato. S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. xl vii, a. 1, ad l nm. L’homme peut s’irriter justement comme son Dieu. De son côté, l’Ilomme-Dieu, avant de guérir le paralytique à la main desséchée, regarda avec colère les pharisiens qui l’observaient pour voir s’il guérirait un jour de sabbat, afin de l’accuser. Marc, iii, 5. Comme en Jésus les passions ne pouvaient entendre que l’appel de la raison, sa colère a été noble et sainte, un acte de vertu que les chrétiens peuvent et doivent parfois imiter. Le défaut d’une juste colère serait même un vice et un péché. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. clviii, a. 8. Mais rien n’est plus difficile que d’employer modérément la colère. « Il advient très souvent, dit saint François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, 1. X, c. xv, Œuvres complètes, Paris, 1862, t. ii, p. 349, que la cholère estant une fois esmeue et ne se pouvant contenir dedans les limites de la rayson emporte le cœur dans le désordre, en sorte que le zèle est par ce moyen exercé indiscrètement et desrèglement. » Et le saint conclut en disant : « Comme on n’applique pas le fer et le feu aux malades que lorsqu’on ne peut faire autrement, aussi le saint zèle n’emploie la cholère qu’es extrêmes nécessités, s Ibid., p. 354.

Elle est le plus souvent péché.

Les passions humaines

semblent plus portées au mal qu’au bien. Et cela est si vrai, en particulier de la colère, qu’elle est presque toujours prise en mauvaise part et considérée uniquement comme péché.

1. Définition.

Ainsi envisagée, la colère est le désir déréglé de la vengeance, appetitus inordinatus vindictes. Ira in hoc solum déficit quod non obedit rationis prœcepto in ulciscendo. S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q.XLVi, a. 6. Ce dérèglement peut se produire de deux manières : a) La colère peut être déréglée dans son objet, si elle porte à une vengeance injuste, et la vengeance sera injuste dans un de ces trois cas : ou bien elle portera à punir un innocent ou celui qui aura nui involontairement ; or pour que la vengeance soit juste, il faut qu’il y ait injure réelle et injure coupable ; ou bien on désirera punir un coupable plus que de raison ; or c’est là encore agir contre la justice, requiritur ad justiliam vindicativam sequalitas inter pwnam et culpam, dit Ferraris, Bibliotheca canonica, juridica, moralis, etc., Vira, Paris, 1858, t. IV, col. 797 ; ou bien enfin, et c’est le cas le plus fréquent, on cherchera à se venger soi-même, à rencontre de la loi civile, qui réserve la vengeance aux tribunaux. — b) La colère peut excéder la mesure, quand elle se laisse aller à un emportement excessif, soit au dedans de l’Ame, soit au dehors. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. clviii, a. 2.

2. Preuves que cette colère est un péché, — a) Cela résulte de la définition donnée. La colère est un désir déréglé de la vengeance. Donc, il y a désordre moral et péché. Si aliquis appelai quod fiât vindicta qualiter-