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COMMISSION (PÉCHÉ DE) — COMMODAT


commission le nom de transgression qu’il oppose à omission. De fait, ce nom répond peut-être le mieux à sa nature. Ce mot, en effet, ’selon l’explication du saint docteur, est emprunté à l’ordre physique. Il y a transgression dans un mouvement corporel, quand on dépasse (graditur trans) le terme fixé. En morale, le terme est fixé par le précepte négatif. Quiconque, par conséquent, enfreint un de ces préceptes passe les bornes du licite, transgrcditur.

On voit donc facilement pourquoi un grand nombre de théologiens disent que le péché de commission se caractérise per tendenliam in objectum dissonum, qu’il renferme une malice positive en tant qu’il est essentiellement subversif de l’ordre moral, surtout quand il s’agit de la loi naturelle ; tandis que l’omission consiste purement et simplement dans la privation d’un bien qui devrait se faire. Cf. Salmanticenses, Cursus l/ieol. moral., tr. XX, c. x, p. i.

Voilà pourquoi aussi saint Thomas, ibid., a. 4, enseigne que le péché de transgression est en soi plus grave que le péché d’omission. La principale raison qu’il en donne est celle-ci : un péché est d’autant plus grave qu’il s’éloigne davantage de la vertu. Or il faut bien avouer que rien n’est plus à l’antipode d’une vertu que le vice qui lui est opposé. Être seulement privé de cette vertu est beaucoup moins en comparaison, sicut nigrum plus dislat ab albo tjuam simpliciter non album. Or précisément la transgression est le contraire d’un acte de vertu, au lieu que l’omission en est seulement la privation. D’où il faut conclure que le péché de commission diffère en gravité du péché d’omission.

Mais on peut pécher contre une seule et même vertu, soit par commission, soit par omission. Ces péchés sont-ils spécifiquement différents’? Les moralistes répondent, Marc, Insliluliones alplionsianse, n. 324, reg. 2 a, Rome, 1904, 1. 1, p. 203 ; Konings, Theol. mor., n. 212, Boston, 1874, t. i, p. 88 ; Noldin, De principiis, n. 276, Inspruck, 1905, p. 315 : si ces péchés se ramènent matériellement au même point in ordine virtutisIsesæ, il n’y a pas de différence entre les deux ; voler quelqu’un, par exemple, ou ne pas lui payer les dettes qu’on a contractées envers lui ne sont pas deux espèces différentes d’injustice. En dehors de ces cas, les théologiens font des péchés de commission et d’omission deux espèces différentes, quando lœdunt diversa ejusdem virtutis bona scu officia. Ainsi le désespoir et l’omission des actes d’espérance prescrits, la haine de Dieu et l’omission des actes de charité obligatoires, sont tout autant de péchés spécifiquement distincts.

S. Thomas, Sum. theol., II* II", q. lxxix ; Noël Alexandre, De peccatis, c. i, a. 6, dans Migne, Cursus theoloyise, t. XI, col. 691, 692 ; Les cotifereners d’Angers, Sur les péchés, 4*conf., q. iv, a. 1, Besançon, 1823, t. ii, p. 260 ; Marc, Institut, alplionsianse, n. 316, 324, nome, 1904, t. i, p. 195, 203, et, en général, les auteurs de théologie morale, dans le traité De peccutis.

G. Blanc.

    1. COMMODAT##


COMMODAT. — I. Définition. II. Historique. III. Obligations.

I. Définition.

Le commodat, ou prêt à usage, est un contrat par lequel l’une des parties procure gratuitement à l’autre l’usage d’une chose, à la charge par cette dernière de rendre la chose après en avoir retiré l’usage déterminé par la convention des parties.

De cette définition découlent les conditions requises pour qu’il y ait commodat.

1° Il faut qu’il y ait remise de la chose, autrement, comment l’emprunteur acquerrait-il le droit de s’en servir ? Une simple remise matérielle suffit, et il n’est point nécessaire que le préteur soit propriétaire de la chose, puisqu’il n’en transfère à l’emprunteur ni la propriété, ni la possession proprement dite, mais seulement la simple détention. La convention de prêter, sans la re mise de la chose, serait obligatoire, mais, par elle-même, elle ne constilue pas le contrat réel de prêt, le commodat, avec les ell’ets qui lui sont propres.

2° La chose doit être remise à l’emprunteur avec la faculté de s’en servir. Il est évident que si la chose était principalement ou uniquement confiée à sa garde, ce ne serait plus un prêt à usage, mais un dépôt.

3° Il faut que l’emprunteur soit tenu de rendre l’objet même qu’il reçoit. S’il lui suffisait de rendre un objet pareil, il y aurait prêt de consommation et non prêt à usage. Par conséquent les choses qui se consomment par le premier usage ne peuvent pas, en général, faire l’objet d’un commodat ; à moins que l’usage auquel on les destine ne comporte pas la consommation. Cela a lieu, par exemple, lorsqu’elles sont prêtées ad pompam et ostentationem. En dehors de cette restriction, tout ce qui est dans le commerce peut être matière d’un prêt à usage. Code civil, a. 1818.

4° Il faut qu’aucun prix ne soit exigé par le prêteur. Le commodat est, en efi’et, essentiellement gratuit. Si donc, en vous remettant une chose pour vous en servir, j’exige de vous une rétribution quelconque, le contrat formé entre nous n’est pas un commodat, mais un louage, ou toute autre convention.

II. Historique.

Droit grec.

Le commodat

était pratiqué en Grèce sous le nom de yprpic ;. Ce qui le distingue du prêt ordinaire ( SavEtijuo ;), c’est que l’emprunteur ne devient pas propriétaire de la chose prêtée ; il a seulement le droit de s’en servir ; c’est aussi que ce contrat est essentiellement gratuit, tandis que, dans le prêt ordinaire, le prêteur transfère à l’emprunteur la propriété de la chose et stipule habituellement des intérêts.

Droit romain.

Tel que nous l’avons décrit plus

haut, le commodat dans l’histoire du droit romain remonte à une époque relativement récente. La remise d’une chose avec convention de restitution ne fut pas dans le principe suffisante pour faire naître une obligation à la charge de Vaccipiens. Toutefois, si celui-ci venait à manquer à ses engagements, on considérait qu’il avait commis un délit et on donnait contre lui une action ex deliclo, remplacée plus tard par une aclior in factum.

Un autre procédé postérieur en date à celui qui vient d’être indiqué consistait à transmettre la chose par un mode solennel, mancipatio ou in jure cessio, auquel on adjoignait un pactum fiduciec par lequel l’acquéreur s’engageait, sous sa foi, à retransférer à l’époque convenue la propriété de la chose au tradens. Ce pacte, sanctionné sans doute dans le principe par l’action ex delicto, ne tarda pas à devenir un acte juridique, donnant naissance à une action propre, l’aclio fiduciæ. La nécessité de recourir à un mode solennel pouvait être un obstacle à la convention, lorsqu’une des parties était un pérégrin. On admit alors que la convention de restitution accompagnée de la remise de la chose, res, suffirait pour donner naissance au contrat. Telle est, suivant l’opinion généralement admise, l’origine des contrats re.

Droit français.

Sous la dénomination générale de

prêt à usage, le code civil comprend non seulement le prêt à usage proprement dit, le commodat du droit romain, mais encore une autre convention qui avait reçu dans cette législation le nom particulier de prédire, precarium. Le précaire (’tait une espèce de commodat dans lequel l’emprunteur (’tait tenu de restituer la chose dès qu’il plairait au propriétaire d’en exiger la restitution. Dans le commodat, au contraire, la restitution ne pouvait être exigée qu’après le temps ou l’usage convenu.

III. Obligations.

1° Obligations de l’emprunteur.

— 1. L’emprunteur doit rendre, à l’époque et aux lieux convenus, la chose qui lui a été prêtée, telle qu’il l’a