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COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GÉNÉRALE)


/ tention. Il n’est pas nécessaire que cette intention soit actuelle ni même virtuelle au moment où le sacrement est reçu ; l’intention dite habituelle suffit. Les aliénés peuvent donc recevoir l’eucharistie avec fruit, s’ils en ont eu l’intention alors qu’ils jouissaient de leur raison. Quant aux aliénés de naissance, chez qui la raison ne s’est jamais éveillée, il est naturel de les assimiler aux enfants et, conséquemment, de les regarder comme capables de la grâce sacramentelle. De Lugo, De eucharistie sacramento, disp. XIII, sect. il, n. 23.

2° Conditions de licéité d’administration de l’eucharistie. — Le rituel romain, De sanct. euch. sacramento, interdit de donner la communion : 1. à ceux qui en sont indignes, ainsi qu’il a été expliqué plus haut ; 2. à ceux qui n’ont pas l’usage de la raison ; 3. dans tous les cas où il y a lieu de craindre quelque irrévérence, même simplement matérielle, envers le sacrement. Les deux dernières conditions concernent : a) les enfants ; b) les sujets atteints d’aliénation mentale ; c) certaines circonstances spéciales.

1. Communion des enfants.

a) Il est rigoureusement interdit, dans l’Église latine, de communier les enfants avant qu’ils aient l’âge de discrétion ou, comme s’exprime le rituel, loc. cit., n. 11, avant qu’ils aient la connaissance et le goût de l’eucharistie. Pourtant, bien que la communion ne soit pas nécessaire au salut des enfants, l’Église ne devrait-elle pas la leur donner, comme autrefois, après leur baptême ? En la leur refusant à présent, ne les prive-t-elle pas de la grâce insigne d’une première communion faite avec toute la pureté baptismale ? Si cette objection était fondée, il faudrait également condamner l’Église pour la défense qu’elle fait à tous de communier plusieurs fois par jour, malgré le profit que les âmes saintes tireraient de communions répétées. Les règles, prescrites par l’Eglise dans la plénitude de son droit de dispensatrice des choses saintes et guidée par son intelligence infaillible des institutions divines, sont pleinement justifiées par le respect dû à l’auguste sacrement. Du reste, le changement de discipline, en ce qui concerne les enfants, est une conséquence logique de la suppression de l’usage du calice, pour la communion des adultes. En effet, les enfants nouveaux baptisés ne communiaient autrefois que sous l’espèce du vin. Voir Communion sous les deux espèces.

— 6) En soi, l’âge de discrétion est tout simplement l’âge de raison, c’est-â-dire celui où l’on discerne le bien du mal. Néanmoins, quoique le concile de Latran indique cet âge aussi bien pour la communion que pour la confession annuelle, l’époque où les enfants commencent à être tenus de communier retarde notablement sur celle où ils sont déjà obligés de se confesser. En effet, l’eucharistie, dit le rituel romain, De sanctissimo euc/t. sacramento, n. 11, ne doit pas être administrée à ceux qui. en raison de leur âge, n’ont pas la connaissance et le goût de ce sacrement ; or ces dispositions ne se rencontrent généralement pas chez les enfants à l’âge où ils commencent à discerner le bien du mal. Mais ici plusieurs questions se posent. — a. Quel est le minimum de discrétion requis pour que les enfants puissent être admis à la communion ? D’après saint Thomas, Sum. theol., III » , q. i.xxx, a. 9, ad 3um, il suffit d’un commencement de dévotion envers l’eucharistie, ou, comme il s’exprime ailleurs. In IV Sent., dist. IX, a. 4, ad 4 unl, que les enfants sachent distinguer le pain matériel du pain sacramentel. Cette disposition peut se constater, dii de Lugo, disp. XIII, n. 36, par exemple, lorsqu’on voit 1rs enfants assister pieusement à la messe et y adorer l’eucharistie. C’est, naturellement, au eonur qu’il appartient de décider en dernier ressort si l’enf.inl peu I communier ou non. — /*. Les enfants sonl ils obligés de communier dés qu’ils peuvent être admis à le faire’.' Selon saint Alphonse, I. VI. n. 301, l’opinion négative est liés commune et la mieux fondée en raison.

Elle soutient que l’usage général a interprété le décret de Latran en ce sens que la première communion peut èlre retardée pour être faite avec plus de respect et plus de fruit. Il faut cependant excepter le cas du viatique. Alors, en effet, vu l’urgence d’accomplir le précepte divin, l’enfant est tenu de communier dès qu’il peut le faire avec fruit. — c. Peut-on fixer un âge minimum où les enfants sont obligés de s’approcher de la sainte table ? D’après saint Alphonse, loc. cit., les docteurs disent communément qu’en général les enfants ne sont pas obligés de communier avant l’âge de neuf ou dix ans, et qu’on ne doit pas les remettre au delà de leur 12e ou 14e année, mais qu’en tout cela il faut tenir compte de la précocité de certains enfants. Ainsi, l’âge où la première communion doit se faire, suivant les sujets, varie entre des limites assez étendues. Voir la doctrine de saint Charles, t. il, col. 2269-2270.

c) En France et en Belgique, la première communion des enfants est le couronnement solennel, à un âge fixé’par les statuts diocésains (généralement douze ans), d’une longue préparation catéchétique et morale. Les avantages de premier ordre qui résultent de cette pratique sont assez évidents. Ainsi accomplie, la première communion laisse chez les enfants une impression presque ineffaçable ; puis, elle assure à beaucoup le bienfait d’une instruction religieuse aussi complète que possible, car, pour beaucoup, la première communion marque la fin de la fréquentation du catéchisme. Toutefois l’on peut se demander s’il est légitime de refuser la communion, uniquement parce qu’ils n’auraient pas l’âge statutaire, aux enfants que l’on trouverait suffisamment disposés. La S. C. du Concile fut saisie de cette question en 1888 au sujet d’une ordonnance rendue par l’évêque d’Annecy. Aucun enfant ne devait être admis, dans ce diocèse, à faire la première communion avant d’avoir accompli sa 12e année et suivi pendant deux ans le catéchisme ; en outre, à partir de 1885, la premièie communion ne pouvait pas être fixée plus tôt que le 20 mai ; par suite, elle était reculée jusqu’après la fermeture de l’époque d’accomplissement du devoir pascal pour l’année courante. Cette ordonnance devait-elle être maintenue ou annulée ? La S. C. répondit, le 21 juillet 1888, que, vu les circonstances spéciales de temps et de lieu, l’ordonnance devait être maintenue, mais sous la réserve suivante : l’évêque ne devait pas empêcher l’admission à la première communion des enfants qui seraient certainement arrivés à l’âge de discrétion requis par les conciles de Latran et de Trente. Le 23 juillet, Léon XIII approuvait cette déclaration et expliquait que la première communion, permise dans ce cas, était une communion absolument privée et non la première communion solennelle, laquelle restait régie par l’ordonnance épiscopale. Par conséquent, ce que Rome vise ici, c’est le caractère trop impératif d’un certain règlement épiscopal ; ce qu’elle réclame, c’est la liberté pour le prêtre de faire communier tel ou tel enfant ; il constatera, exigera la discrétion voulue ; mais elle ne l’oblige point à les admettre à la communion dès ce moment, et l’on aurait tort de regarder la réponse romaine comme une condamnation de la pratique, toujours générale en France, de ne pas admettre les enfants à la communion avant le jour où ils la font solennellement vers l’âge de onze ou douze ans. En effet, d’après l’opinion très commune rapportée ci-dessus et que le décret romain ne contredit pas, les enfants ne sont pas soumis au précepte do Latran dès l’instant où ils ont la discrétion voulue pour communier avec fruit ; la coutume autorise un certain délai qui peut aller, en certains cas, jusqu’à la IV’année des entants ; le piètre est donc en droit de reculer notablement la première communion des enfants si de graves raisons, si, surtout, l’intérêt même des enfants lui conseillent d’agir ainsi. Cf. Génicot, Théologies moralis instituliones, t. ii, n. 210. Or