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COMMUNION EUCHARISTIQUE (SOUS LES DEUX ESPÈCES) 570

2. Les justes et graves raisons qui décidèrent l’Église à ce changement dans sa discipline furent celles que nous avons vues déjà mentionnées par les théologiens des siècles précédents. S. Thomas, Sum. theol., III a, q. lxxx, a. 12 ; S. Bonaventure, In IV Sent., dist. XI, punct. il, a. 1, q. il, Quarrachi, 1889, t. IV, p. 257. Elles sont résumées par le catéchisme du concile de Trente, part. II,

c. LXXI.

/II. PRÉSENCE INTÉGRALE DE JÉSUS-CHRIST SOUS UNE SEULE ESPÈCE ET PRODUCTION RÉELLE DE LA GRACE DU SACREMENT.

TEXTE DU CONCILE

C. m. Insuper déclarât,

quamvis Redemptor noster, ut

antea dictum est, in suprema

illa cæna hoc sacramentum in

duabus speciebus instituent, et

apostolis tradiderit ; tamen fa tendum esse etiam sub altéra

tantum specie totum atque in tegrum Christum verumque sa cramentum sumi ; ac propterea,

quod ad fructum attinet, nulla

gratia necessaria ad salutem

eos defraudari, qui unam spe ciem solam accipiunt.

TRADUCTION

Le concile déclare en outre

que bien que notre Rédempteur

ait, comme on l’a déjà dit, éta bli ce sacrement à la dernière

cène sous les deux espèces et

l’y ait ainsi distribué à ses

apôtres, on doit cependant re connaître que, même sous une

seule espèce, l’on reçoit à la l’ois le Christ tout entier et la réalité du sacrement, et que par con séquent, pour ce qui concerne le

fruit du sacrement, ceux qui ne

reçoivent qu’une seule espèce ne

sont privés d’aucune grâce né cessaire au salut.

1. Présence intégrale de Jésus-Christ sous une seule espèce. — Dans la pensée du concile, d’après la session XIII, c. ni, Jésus-Christ tout entier, totum atque integrum Christum, c’est son corps, son sang, son âme, sa divinité. Leur mode respectif de présence sous une seule espèce ayant été défini à la même session XIII, c. iii, le concile n’avait point à y revenir ici. Le concile avait expliqué comment, par la force effective des paroles de la consécration, la seule substance du corps est présente sous l’espèce du pain, et par concomitance, en vertu de l’indissolubilité de l’union hypostatique et de la glorieuse et perpétuelle résurrection du Christ, son sang, son âme et sa divinité sont inséparablement unis à son corps. Cet enseignement déjà formulé par Martin V dans les articles de foi sur lesquels il avait ordonné d’interroger ceux qui étaient suspects d’attache aux erreurs de Wicleff et de Jean Hus, a. 17, Denzinger, Enchiriclion, n. 561, était l’enseignement commun des théologiens depuis saint Thomas. Sum. theol., III a, q. LXXX VI, a. 1 sq.

2. Production réelle de la grâce du sacrement. — Deux opinions avaient été émises dans la consultalion des théologiens du concile et dans la discussion conciliaire. Theiner, op. cit., t. II, p. 35 sq. Les uns soutenaient la production intégrale de la grâce sacramentelle, dans la communion sous la seule espèce du pain, surtout à cause de la réception intégrale du corps et du sang de Jésus-Christ, de fait toujours réalisée dans cette communion. D’autres affirmaient seulement la production de la grâce sacramentelle strictement correspondante à l’imparfaite signification sacramentelle. Ils croyaient d’ailleurs que la grâce absente étant du même ordre, sa perle ne constituait point pour l’âme un grave préjudice, d’autant plus qu’elle pouvait être facilement compensée par la fréquentation de la communion sous l’espèce du pain. Le concile ne se prononce point sur cette controverse. Yerum sacramentum affirme simplement l’existence de la causalité sacramentelle,

exprimer nécessairement son intégrité. Nulla gratia necessaria ad salutem eos defraudari réprouve l’assertion contraire des protestants, sans exprimer nécessairement l’absence d’une grâce sacramentelle non

isaire au salut. D’ailleurs, puisque l’on peut obtenir dans la communion du calice un accroissement de grâce sacramentelle, provenant d’une disposition plus

, parfaite, l’expression conciliaire peut simplement désigner l’absence de cette grâce. L’aulorité du concile ne peut donc résoudre cette controverse purement théologique que l’on devra juger uniquement d’après les arguments que nous allons exposer.

II. Opinions théologiques sur la nature de la causalité SACRAMENTELLE DANS L’UN ET L’AUTRE MODE DE communion. — i re opinion, admettant une seule causalité sacramentelle produisant à dispositions égales la même grâce spécifique et intensive. — On s’appuie principalement sur l’unité de la réfection spirituelle signifiée par les espèces sacramentelles. La nourriture et le breuvage n’ayant point de signification distincte au point de vue spirituel, la chose signifiée, spiritualis refectio animse, est unique, bien qu’elle soit exprimée par deux espèces matériellement distinctes. Qu’une de ces espèces soit absente, la chose signifiée reste identique. La causalité sacramentelle toujours proportionnée, non au mode de signification, mais à ce qu’il signifie, est donc identique. D’ailleurs, les espèces eucharistiques sont cause sacramentelle, non par elles-mêmes, mais à raison du corps et du sang de Jésus qu’elles contiennent. Or ce principe sanctificateur existe intégralement sous une seule espèce comme sous les deux, sinon en vertu de la consécration elle-même, du moins concomitamment, ce qui ne modifie aucunement la vertu sanctificatrice communiquée aux espèces. Cf. disciple de Hugues de Saint-Viclor, Summa Sent., tr. VI, c. vi, P. L., t. clxxvi, col. 142-143.

On ne peut objecter qu’en cette hypothèse la distinction des espèces perd toute raison d’être. Sa véritable raison d’être n’est point la causalité sacramentelle, mais la réalité du sacrifice eucharistique auquel elle est indispensable. Rien d’irrationnel non plus dans le fait de la non-productivité sacramentelle de la communion du calice, en dehors de la circonstance accidentelle d’une nouvelle disposition plus fervente. La causalité sacramentelle ayant déjà produit tout l’effet correspondant aux dispositions ne peut avoir présentement aucune autre actualisation. C’est d’ailleurs ce qui se produit quand on reçoit successivement, avec les mêmes dispositions, plusieurs hosties consacrées, ou que l’on prend, à diverses reprises, le précieux sang. Aucune difficulté non plus du côté de la pratique de l’Église. La communion sous les deux espèces a été longtemps usitée dans l’Église, bien que d’une manière non exclusive, à cause des grands avantages qu’on peut en retirer au moins accidentellement. Mais ces avantages n’étant plus obtenus qu’au prix de notables inconvénients et pouvant d’ailleurs être amplement compensés par une fréquente pratique de la communion, l’Église put supprimer cet usage sans imposer aux fidèles aucune privation injustifiable ou irréparable. Cette opinion revendique justement pour elle saint Thomas et saint Bonaventure. Saint Thomas enseigne que les fidèles peuvent prendre le corps de Jésus-Christ sans son sang et qu’il n’en résulte aucun détriment ni du côté du sacrifice ni du côté du sacrement. Le sacrifice reste intègre par l’action du prêtre qui, au nom de tous, oll’re et consomme le sang. Le sacrement a toute sa causalité, parce que Jésus-Christ est intégralement présent sous l’une et l’autre espèce. Sum. theol., Ill a, q. lxxx, a. 12, ad 3° m. Saint Honaventure distingue, dans la perfection du sacrement, la perfection de l’efficacité et celle de la signification. La perfection de l’efficacité existe dans la communion des fidèles sous la seule espèce du pain, parce que Jésus-Christ tout entier y est contenu. La perfection de la signification n’existe point dans une seule espèce, parce que in naîtra)>fr se exprimitur res hujus sacramenti Mil m utraque simul, car perfecta refectio non est in jiane tantum nec in vino tantum sed m utroque. Mais comment la perfection de l’efficacité peut-elle se concilier avec l’imperfection de la signification à rencontre