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CONCILES

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niées plus haut. Elles montrent que, presque toujours, la réunion d’un nombre considérable d’évêques, surtout d’évêques orientaux, eût été, pour les chefs du pouvoir spirituel, chose pratiquement irréalisable. On conçoit dés lors qu’ils aient complètement abandonné aux mains du pouvoir séculier ce pour quoi ils se sentaient en fait impuissants, et qu’ils se soient bornés à cette part d’intervention qui ne pouvait venir que d’eux et que résume l’expression de convocation formelle.

VII. Présidence des conciles œcuméniques.

Il faut distinguer trois sortes de présidence : il y a une présidence effective et d’autorité (auctoritativa) qui consiste à gouverner les débats en leur imprimant, en leur imposant même une direction et une forme déterminées ; elle ne se conçoit pas, surtout dans une société monarchiquement constituée, sans une certaine appréciation et une certaine influence du président sur le fond même des discussions. Il y a une présidence de protection, qui, sans ingérence dans les matières à discuter, se borne à assurer la possibilité et le fruit des délibérations communes, en maintenant la tranquillité au dehors et l’ordre au dedans : c’est le droit de police extérieure et intérieure. La présidence d’honneur vaut simplement à celui qui l’exerce des égards et des attentions de pure forme, par exemple le privilège d’occuper la première place.

Ces notions posées, il est clair que la présidence d’autorité, dans les conciles œcuméniques, appartient exclusivement au pape ; car, d’une part, l’Église seule a qualité pour réglementer des débats d’ordre spirituel, et, d’autre part, dans l’Église, le pape seul peut commander à tous les évêques, soit dispersés, soit réunis. Il serait d’ailleurs incompréhensible qu’ayant seul autorité pour les convoquer formellement, pour les investir de la dignité de concile œcuménique, il ne conservât pas le droit exclusif de diriger impérativement leurs délibérations. Cette présidence, les papes peuvent l’exercer par eux-mêmes ou par leurs envoyés.

Ici, l’histoire, même celle des conciles œcuméniques de l’Orient, vient appuyer clairement les principes. Dans la célébration de ces conciles, les empereurs ont, personnellement ou par leurs représentants, joué un rôle qu’il est permis d’appeler présidence d’honneur et de protection, mais qui ne s’est jamais confondu avec la présidence d’autorité. La distinction a été respectée et nettement formulée, tant par les empereurs eux-mêmes que par les conciles et les papes. On en jugera par un court aperçu historique, où figureront aussi des textes établissant directement que souvent les pontifes romains ont prescrit obligatoirement aux conciles des décrets à adopter. Le droit de commander quant au fond implique évidemment celui de diriger les débats avec autorité.

Je ne parlerai pas du I er concile œcuménique, parce que ses actes sont perdus. Je ne parlerai pas non plus du IIIe ni du Ve, parce qu’ils ne sont pas œcuméniques du fait de leur célébration.

1 » Concile d’Éphèse. — Nous avons déjà constaté que les empereurs ne s’arrogeaient nul droit d’intervenir dans le fond des discussions ni, par conséquent, aucune présidence d’autorité. En revanche, le pape Célestin 1°, répondant à Cyrille d’Alexandrie, avait déjà condamné, de sa propre autorité’et sans condition, le nestorianisme, et ordonné en outre de déposer Nestorius, s’il n’abjurait son erreur dans les dix jours. En envoyant ensuite ses représentants au concile, il leur remit des instructions écrites et précises, où il était dit, P. L., t. l, col. 503 : Auctoritatem sedis aposto-Vicie custnihri debere mandanms… Ad disceptationenx m ftterit ventum, rus de eorum sententiis judicare lanien. La consigne fut stricte ment compri : i strictement exécutée par l’assemblée,

comme il ressort des termes de la condamnation fulminée dans la I™ session, Ilardouin, t. I, col. 1121 : (.

per sacros canones et epistolam sanctissimi Patris nostri et comministri Romanæ urbis episcopi, ad lugubrem hanc contra eiim sententiam venimus. Dans la IIe session, Firmus, évêque de Césarée, parla absolument dans le même sens : Célestin, dit-il, nous avait à l’avance prescrit une sentence et une règle, que nous avons suivies et mises à exécution. Enfin, la relation conciliaire adressée à l’empereur concernant la déposition de Nestorius atteste également que l’assemblée n’a fait que se conformer à l’exemple et au jugement de Célestin.

Concile de Chalcédoine.

Dans une lettre au concile

de Chalcédoine, le pape saint Léon remarque que Marcien, en convoquant le concile et en l’y invitant lui-même, a rendu au siège de Pierre l’honneur et le droit qui lui revenaient : Beatissimi Pétri jure atque honore servato. Ce droit et cet honneur semblent bien, d’après le contexte, consister dans le pouvoir d’assister au concile en y excerçant la présidence d’autorité. En tout cas, Léon entend exercer cette présidence, car il indique impérativement les décisions qu’on devra prendre. Epist., xcvii, P. L., t. liv, col. 937. Il écrit : « Que Votre Fraternité en soit persuadée, je présiderai votre concile dans la personne de mes frères les évêques Paschasinus et Lucentius et les prêtres Boniface et Basile. Ma présence ne vous est donc pas refusée, puisque je suis au milieu de vous par mes remplaçants et que, depuis longtemps, je ne manque pas de vous assister dans la prédication de la foi. Ainsi, ne pouvant ignorer ce que nous croyons conformément à l’antique tradition, vous ne pouvez non plus douter de ce que nous désirons. C’est pourquoi, Frères bien-aimés, qu’on rejette loin de soi l’audace de contester la foi divinement inspirée, et que les vaines erreurs de l’infidélité disparaissent. Il n’est pas permis de soutenir ce qu’il n’est pas permis de croire ; et en conformité avec l’autorité des Evangiles, en conformité avec les enseignements des prophètes et avec la doctrine apostolique, la lettre que nous avons adressée à l’eveque Flavien de bienheureuse mémoire, a expliqué très longuement et très clairement qtielle est la vraie et pure croyance touchant le mystère de l’incarnation de N.-S. Jésus-Christ. » Dans la I re session, comme l’orthodoxie du patriarche Flavien était en cause, le légat Paschasinus fit remarquer qu’il n’y avait pas lieu de la suspecter, « car, ajoutait-il, sa profession de foi concorde avec la lettre du pontife romain. » Dans la IIe, on refusa d’adopter un nouvel exposé du dogme ; et voici la raison qu’en donnait un évêque, appuyé par les acclamations de tous les autres : <c Contre Eulychès une formule a été indiquée par le très saint archevêque de la ville de Rome ; nous y adhérons et nous souscrivons tous à sa lettre. » Mais le rôle véritable du pape est mieux précisé encore dans ce que les Pères du concile écrivent à saint Léon, Epist., xcvii, P. L., t. liv, col. 951 sq. : « Par ceux que votre bonté a envoyés pour tenir votre place, vous gouverniez les évêques à la façon dont la tète gouverne les membres (tôç xEcpaX-r, |j.e).<ov £|YE[i.6veuei) ; quant aux empereurs fidèles, ils présidaient pour le bon ordre (71pô ; eùxoirpiav é£ï|py w ov), et, coiiiiik 1 d’autres Zorobabels, ils exhortaient à la reconstruction dogmatique de l’Église, qui est comme une autre Jérusalem. » Voilà bien les deux formes de présidence clairement distinguées : l’une qui est celle de la tête à l’égard des membres, qui comporte donc une inlluence réelle à laquelle les membres ne sauraient se soustraire pour les actes propres du corps ; la seconde qui ne va qu’à assurer le bon ordre et par la la possibilité des délibérations.

Ce témoignage si nel e( si précis nous dispense soit d’en citer beaucoup d’autres soit de les analyser longuement. Notons seule ut en quelques mois que, dans

chacun des conciles subséquents, nous rencontrons de