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CONCLAVE


tants de Viterbe d’enfermer étroitement les cardinaux au palais épiscopal, afin que, séparés de toute influence étrangère, ils se déterminassent à en fiuir. On voit encore, dans la plu ^ grande salle du palais épiscopal de Viterbe, les trous creusés pour recevoir les traverses de bois, auxquelles furent suspendues les tentures qui formaient les cellules des cardinaux. Cf. Jousset, L’Italie illustrée, in-4°, Paris, 1905, p. 320. Un demi-siècle auparavant, les habitants de Pérouse avaient recouru au même moyen, pour forcer les cardinaux à donner, sans retard, un successeur à Innocent III (16 juillet 1216). Cf. Moroni, Dizionario di erudizione storico-ccclesiaslica, v° Sede vacante, t. Lxiir, p. 184. Les Romains, à la mort du B. Grégoire IX (22 août 1241), avaient enfermé les cardinaux dans le Septizonium de Septime Sévère, sur les pentes du Palatin. Cf. Moroni, Dizionario, v° Settizonio, t. lxiv, p. 321 sq. Ce moyen toutefois ne réussit pas à Viterbe : malgré la clôture forcée, l’élection ne marchait guère plus vite. Impalientés de tant de retards, Albert de Montebono, podestat de Viterbe, et Raniero Galli, chef des milices de la ville, gardiens de ce conclave improvisé, firent enlever la toiture du palais, et ne laissèrent plus parvenir aux cardinaux que du pain et de l’eau. Cf. Moroni, op. cit., v° Conclave, t. xv, p. 260. Les cardinaux envoyèrent alors deux d’entre eux offrir le pontificat à saint Philippe Beniti, général des servîtes. Le saint refusa, et, pour éviter de nouvelles instances, alla se cacher dans les montagnes. Les cardinaux remirent enfin à six d’entre eux le soin de choisir le pontife. Ceux-ci élurent rapidement Théobald Visconti, de Plaisance, archidiacre de Liège, qui n’était pas cardinal, mais remplissait les fonctions de légat apostolique en Syrie. Il prit le nom de Grégoire X (1271-1276). Cet épisode donna à Jean de Tolède, évêque de Porto, l’occasion de composer les deux vers suivants :

Papatus munus tulit archidiaconus unus, Quem Patrem patrum fecit discordia fratrum.

Cf. Moroni, op. cit., t. xv, p. 261.

2° Lois fondamentales du conclave (1274). — Le pape Grégoire X, considérant combien longue avait été la vacance qui précéda son élection, voulut prévenir le retour de pareils retards si préjudiciables aux intérêts de l’Eglise. Ayant convoqué le IIe concile œcuménique de Lyon, il y promulgua, dans la session Ve, le 7 juillet 1274, la bulle Vbi periculum, dans laquelle il donna une sanction juridique au moyen, un peu étrange, qu’avaient pris les habitants de Viterbe, pour hâter l’élection. Mansi, Concil., t. xxiv, col. 81. Cette bulle si importante fut insérée in extenso au Corpus juris canonici, 1. I, Décrétai., tit. VI, Deelectione, c. iii, Ubi periculum, in 6°. Elle se trouve aussi dans les collections des conciles et dans une foule d’auteurs qui l’ont reproduite, entre autres Oldoini, Vitse et res gestæ pontifuum romanorum, 4 in-fol., Rome, 1677, t. ii, p. 180 ; Cvcremoniale conlinens ritus electio’nis romani ponti/icis, Grcgorii l’apse XV jussu edilum, t. I, p. 6-10.

Voici les règles formulées en vue des futurs conclaves, par Grégoire X, avec l’approbation des Pères du concile :

1. A la mort du pape, les cardinaux présents dans la ville où le pontife défunt a expiré, sont tenus, pendant dix jours seulement, d’attendre leurs collègues absents. Ce terme écoulé, que les absents soient arrivés ou non, les cardinaux se réuniront sans retard, pour procéder à l’élection, dans le palais qu’habitait le pontife. Chacun d’eux ne gardera avec lui qu’un, ou, en cas de nécessité, deux serviteurs, clercs ou laïques, qu’il aura le droit de choisir lui-même. — Dans ces dix jours, selon la déclaration postérieure de Pie IV, bulle In eligendis, du 9 octobre 1562, Hiillar. magnum, t. il, p. 97, est compris le jour même de la mort du pape. Dans le cas où il n’y aurait pas de sécurité pour eux, les cardinaux seraient autorises à différer leur entrée en conclave. Cf. Passerini,

De electione summi pnntificis, q. xix, in-fol., Rome, 1670, p. 81 ; Camarda, De elect. pontifie, in-fol., Rieti, 1732, p. 24, 28.

2. Que dans ce palais soit établi un conclave, dans lequel, sans cloisons intermédiaires, ni sans aucune tenture de séparation, nullo intermedio pariete, seu alio velamine, tous les cardinaux habitent en commun, sauf le libre accès à une salle réservée. Que, de toutes parts, ce conclave soit si bien fermé que nul ne puisse y entrer ou en sortir. — La rigueur de cette prescription fut tempérée par Clément VI, qui, par sa bulle Licet in constilutione, du 6 décembre 1351, Bullar. magn., t. I, p. 258, abolit pour les cardinaux l’obligation du dortoir commun, et leur permit de passer la nuit dans des cellules séparées les unes des autres par de simples rideaux. Cf. Moroni, Dizionario, v° Cella dcl conclave, t. XI, p. 6369. Les clefs du conclave sont gardées, celle de l’intérieur par le cardinal carmerlingue, et celle de l’extérieur par le maréchal du conclave. Cette dignité appartint, pendant près de cinq siècles, à la famille des Savelli (1274-1712) ; puis, à la mort du dernier Savelli, passa aux princes Cbigi. Cf. Moroni, Dizionario, v° Maresciallo del conclave, t. xlii, p. 271-292 ; v° Savelli, t. lxi, p. 294-308 ; v » Chigi, t. xiii, p. 76-80 ; Novæs, Introduzione aile vite de’pontefici, t. i, p. 88.

3. Personne, du dehors, ne doit communiquer avec les cardinaux réunis en conclave, ni de vive voix, ni par écrit, en public ou secrètement, à moins du consentement unanime des cardinaux et pour des affaires concernant l’élection : le tout sous peine d’excommunication ipso facto. Sur la manière dont les ambassadeurs sont reçus à la porte du conclave par les cardinaux réunis à l’intérieur, voir Moroni, Dizionario, v° Conclave, § 7, t. xv, p. 311-315.

4. On doit cependant laisser au conclave une ouverture, en forme de fenêtre, par laquelle on puisse commodément introduire la nourriture des cardinaux ; mais par laquelle personne ne puisse pénétrer jusqu’à eux.

— Cet article donna lieu, dans la suite, aux coutumes les plus curieuses. Les mets étaient portés aux électeurs, en grand apparat, par des domestiques en livrée, depuis le palais de chaque cardinal jusqu’à l’entrée du conclave. Là, des prélats les examinaient avec soin, et recherchaient si on n’y avait pas caché quelque écrit. On examinait de même les lettres envoyées par les cardinaux, ou reçues par eux. Cf. Moroni, Dizionario, v° Conclave, § 7, t. xv, p. 304 sq. ; v° Dapiferi, t. XIX, p. 104-107 ; Scalco, t. LXII, p. 92 sq. ; Lucius Leclor, Le conclave, in-8°, Paris, 1894, p. 119, 377-386.

5. Si, trois jours après l’entrée en conclave, l’élection n’est pas faite, les prélats et les autres officiers, députés à la garde extérieure du conclave, devront empêcher que, pendant les cinq jours suivants, il soit servi plus d’un plat à la table des cardinaux, soit au dîner, soit au repas du soir, tam in prandio quam in c, Tna, U710 ferculo ; à l’expiration de ces cinq jours, ils ne laisseront plus passer autre chose que du pain, du vin et de l’eau, lantummodopanis, vinumctaquaministrcnlureisdem, jusqu’à ce que l’élection soit terminée. — Clément VI, considérant que cette sévérité de régime pouvait nuire à la santé des cardinaux, qui, pour la plupart, sont âgés et atteints d’infirmités, la modéra en partie par sa bulle Licet in constitutions, du 6 décembre 1351. Il leur permit, à chaque repas, un plat de viande ou de poisson, ou d’o’ufs, avec un potage, des hors-d’eeuvre et du dessert. Unum dumtaxat ferculum, carnium, unit » speciei lantummodo, aul piscium, seu ovorum, cum uno potagio de camibus, vcl piscibus prindpaliter non confectis, et decentibus salsamciitis liabcre valcaut, ultra carnes salitas et herbas crudas, ac caseton, / ructus, sive electuaria ; ex quibus lamen nullum specialitrr ferculum conficiatur, nisiad condimentum /icret, vel saporem. Il était défendu, en outre, à tout cardinal,