en vint pou à peu à être considéré, par quelques souverains, comme un droit strict de leur couronne. Ils crurent qu’il leur suffirait de manifester officiellement leur intention d’exclure un sujet, pour qu’il ne pût être élu, obtint-il cependant la majorité des deux tiers.
Aucune loi, ni constitution apostolique, ne sanctionna jamais cette prétention. Les premières fois qu’elle se manifesta, elle souleva des protestations unanimes, au sein de l’assemblée électorale. Mais, au cours des temps, on s’habitua progressivement à ce qui avait tant déplu au premier abord. Les protestations des cardinaux se firent moins fréquentes ; par contre, les affirmations des souverains devinrent de -plus en plus formelles ; de sorte que, par suite d’une tradition plusieurs fois séculaire, dont il serait difficile de fixer au juste l’origine, les trois grandes puissances catholiques, la France, l’Espagne et l’Autriche, se trouvèrent, à peu près sans conteste, en possession du droit de veto. A défaut de bulle ou de document consacrant ce droit, dès qu’il ne fut plus sérieusement contesté, on y vit une sorte de concession tacite autorisée par la coutume, en vue du bien général. Ce privilège ne fut jamais reconnu à d’autres puissances, même catholiques, telles que les couronnes de Portugal et de Naples. Le royaume d’Italie ne saurait y prétendre ; ni l’empire allemand, qui est officiellement luthérien.
Depuis le commencement du xviil siècle, ce droit d’exclusive est regardé comme acquis aux trois couronnes indiquées. Ce modus vivendi, examiné en lui-même, est moins embarrassant pour l’Église qu’il ne semblerait, de prime abord. Il procura, en outre, de réels avantages. A mesure que l’Église sembla l’accepter, par un consentement tacite et par amour de la paix, elle l’entoura de précautions et de restrictions prudentes, qui le rendirent très souvent inolfensif. La jurisprudence traditionnelle sur ce point se précisa de bonne heureIl fut établi, par la coutume, que chaque couronne ne pourrait exercer le droit d’exclusion qu’une seule fois par conclave, et contre un seul sujet. Pour avoir son effet, une exclusion devait être notifiée au Sacré-Collège par un cardinal à qui le souverain confiait spécialement cette mission. En outre, la communication officielle devait être faite, avant que le sujet exclu eût atteint la majorité des deux tiers, car, l’élection accomplie, le droit de veto s’évanouissait. Les cardinaux consentaient à ne pas élever nu pontificat quelqu’un qui déplaisait au chef d’une des grandes puissances catholiques ; mais ils ne reconnaissaient à aucun souverain, si puissant fût-il, le droit de déposer du pontificat celui qui aurait été légitimement élu.
Contenu dans ces limites, le droit de veto était d’un emploi si délicat que les gouvernements pouvaient hésiter plus d’une fois à y recourir. En attendant le moment le plus opportun, ils laissèrent souvent échapper l’occasion d’en user. Ils en étaient empêchés par les surprises du scrutin qui les mettait en face du fait accompli. Dans l’hypothèse la plus défavorable, les trois souverains useraient-ils de leur droit au même conclave, et chacun pour un sujet différent, il n’en résulterait, au plus, que l’écart de trois candidats. Si les souverains renonçaient à user de leur privilège, ou ne trouvaient pas le moyen de s’en servir, la liberté de l’élection restait entière. D’autre part, ils ne pourraient pas raisonnablement refuser de reconnaître l’élu, puisqu’ils n’avaient fait aucune opposition à son élection, alors qu’ils en avaient la faculté. Le droit de veto,
exprimé mê sous forme de désir, a été supprimé par
Pie X dans la const. CowiMn’ssîini nobis, du 20 janvier 1 00 i-.
2° Exercice du veto pendant le xixe siècle. — 1. Depuis cent ans. c’est l’Autriche qui a le plus souvent cherché à user de ce droit d’exclusive. Pendant le dernier siècle, aucun conclave n’eu ! lieu sans qu’elle n’essayât d’y intervenir de cette façon. Au conclave qui
suivit la mort de Pie VII (1823), elle chargea le cardinal Albani, son ambassadeur extraordinaire auprès du Sacré-Collège, de prononcer l’exclusion contre le cardinal Severoli, ancien nonce à Vienne, mais qui ne plaisait pas à M. de Melternich, et qui, en outre, était au nombre des cardinaux noirs, ayant refusé d’assister au mariage de l’archiduchesse Marie-Louise avec Napoléon I^r. Dès le premier tour de scrutin, Severoli obtint 26 voix. Il ne lui en manquait que sept pour atteindre la majorité des deux tiers. Probablement il les aurait eues, le soir. Mais, à l’ouverture de la séance suivante, Albani notifia officiellement le veto de l’Autriche. Le nombre des voix données au cardinal Severoli diminua, dès lors, à chaque nouveau tour de scrutin. Les suffrages se portèrent sur le cardinal délia Genga, en faveur duquel Severoli s’était désisté, et qui fut élu, après un conclave de 26 jours. Ce fut Léon XII. Cf. Moroni, Dizionario, v » Esclusiva, t. xxir, p. 90 ; Sagro Collegio, t. lx, p. 214 ; Severoli, t. lxv, p. 53 sq. ; Leone XI 1, t. xxxviii, p. 5153 ; Artaud, Vie de Léon XII, c. vi, 2 in-8o, Paris, 1837 ; Album di Roma, t. xx, p. 108 sq. ; Wahrmund, Ausschliessitngsrecht, p. 232.
Six ans plus tard, à la mort de Léon XII (10 février 1829), l’Autriche chargea encore ce même cardinal Albani de prononcer, en son nom, le veto contre le cardinal di Gregorio. Elle lui donna la même mission, pour le conclave qui suivit la mort de Pie VIII (30 novembre 1830) ; mais, avant toute manifestation de la volonté impériale, le cardinal di Gregorio se désista en faveur du cardinal Capellari, le futur Grégoire XVI. Albani fit croire qu’il avait aussi le mandat d’exclure celui-ci, et, par ce moyen, il en retarda longtemps l’élection. Il ne se pressa pas toutefois de prononcer officiellement l’exclusion contre lui ; il eût, dès lors, été désarmé contre le cardinal di Gregorio que les électeurs auraient pu nommer. Après 53 jours de conclave, le 1er février 1831, il ne manquait au cardinal Capellari que six voix pour avoir les deux tiers exigés par les constitutions apostoliques. Albani, hésitant, crut bon de différer encore. Mais, le lendemain, la majorité était atteinte, et même dépassée. Il était trop tard pour mettre obstacle à l’élection accomplie. Cf. Cipoletta, Memorie poliliche sui conclavi da Pio VII a Pio IX, Milan, 1863 ; Ortolan, Diplomate et soldat. Mgr Casaiwlli d’Istria, t. I, p. 198-206 ; Arcltiv für katlt. Kirchenrecht, t. lxi, p. 362.
Malgré cet insuccès, l’Autriche essaya encore au conclave suivant, en 1846, d’exercer son influence. Elle voulait exclure le cardinal Jean Mastaï, archevêque d’Imola. Mais l’archevêque de Milan, Ma r Gaisruck, chargé de porter le vélo, arriva cinq jours trop lard ; Mastaï était élu et avait pris le nom de Pie IX.
L’élection de Léon XIII (20 février 1878) fut trop rapide pour que l’Autriche, pendant ce conclave qui ne dura que deux jours, eût le temps de recourir à l’exclusive. Mais, pendant le pontificat de Léon XIII, l’Autriche se prépara à en user au prochain conclave, pour exclure tout candidat qui paraîtrait favorable à la France, et ouvertement hostile au nouveau royaume d’Italie. Ce dessein fut révélé par les feuilles officielles, entre autres par la Gazelle de Francfort, qui, le 3 février 1892, disait : « Le pape est toujours une grande puissance politique, un facteur avec lequel il faut compter. Les Etats de la Triple-Alliance h’savent fort bien. L’Autriche aura à se servir de son droit de veto, et l’on prendra des mesures pour que le cardinal, chargé de cette mission, n’arrive pas trop lard au conclave. » Le 2 août 1903, au matin du deuxième joui’du conclave, par conséquent après le troisième scrutin, le cardinal Rampolla, qui, des le premier scrutin, avait obtenu 24 voix, en avait eu 29, lorsque le cardinal Jean Puzyna de Kosielsko, évêque de Cracovie, déclara, au nom de François-Joseph, l’opposition de la couronne d’Autriche à l’élec-