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CONCORDAT DE 1801


gallicane, par crainte de l’opinion, dans le désir de préparer les fameux articles organiques qui devaient lui permettre une série d’usurpations, Bonaparte fit ajouter cette restriction : « en se conformant aux règlements de police que le gouvernement jugera nécessaires. » C’est à propos de ce point qu’eut lieu la crise finale du 12 au 15 juillet. Reconnaissant le droit de police de l’Etat et la nécessité de limiter le zèle de quelques-uns dans une société encore troublée, Consalvi voulut du moins restreindre une formule qu’il jugeait dangereuse dans sa généralité. Il obtint de Bernier dans les négociations antérieures au 12 juillet et de Joseph Bonaparte dans les négociations des 13 et 14, l’insertion du mot « vu les circonstances » . Il sauvegardait l’avenir et limitait dans le présent. De ce mot le Premier Consul ne voulut à aucun prix. Dans les négociations du 14, Consalvi arracha péniblement l’adjonction des mots « pour la tranquillité publique » . C’était une victoire, mais elle n’eut pas de conséquence, comme le prouvent les articles organiques.

Art. 2. Il sera fait par le Saint-Siège, de concert avec le gouvernement, une nouvelle circonscription des diocèses français. — Art. 3. Sa Sainteté déclarera aux titulaires des évëchés français qu’elle attend d’eux, avec une ferme confiance, pour le bien de la paix et de l’unité, toute espèce de sacrifices, même celui de leurs sièges. Après cette exhortation, s’ils se refusaient à ce sacrifice commandé par le bien de l’Église (refus néanmoins auquel Sa Sainteté ne s’attend pas), il sera pourvu par de nouveaux titulaires au gouvernement des évèchés de la circonscription nouvelle, de la manière suivante…

Ces articles répondent à une exigence formulée par Bonaparte à Verceil même. Des deux épiscopats qui se disputaient alors la France il ne pouvait vouloir, en effet. Il ne pouvait songer à l’épiscopat constitutionnel : les fidèles ne l’eussent pas accepté ; lui-même ne l’aimait pas, « quia réputé républicain, » dit Grégoire ; surtout le pape eût été intraitable. Le retour de l’épiscopat émigré eût été funeste à la cause même de l’Église : c’eût été certainement faire échouer le concordat auprès des assemblées et des classes élevées ; quant aux masses, sauf en Vendée, elles étaient profondément hostiles à l’émigration. Il fallait donc que « table rase » fût faite. La démission forcée des constitutionnels ne pouvait que plaire au pape. Il refusa néanmoins de voir leur nom figurer dans le concordat, afin de ne pas leur reconnaître la qualité d’évêques. Bonaparte, qui les avait assimilés aux légitimes dans les premiers projets, consentit à ce qu’ils fussent simplement Tobjet d’un bref. Quant à l’épiscopat légitime, c’était une chose sans précédent que sa démission ou sa déposition en masse. Le pape hésita à y consentir, bien qu’il comprît les nécessités du temps et quelle victoire la papauté avait l’occasion de remporter sur le gallicanisme. Il suggéra un moyen terme : les évêques garderaient le titre, mais perdraient la juridiction ; Bonaparte ne voulut rien entendre. Il fallut céder. La procédure fut réglée, en termes parfois vagues, de façon à ne pas blesser des évêques qui avaient bien mérité’de l’Église : le pape leur demanderait leur démission volontaire par une exhortation générale et passerait outre, sans autre avertissement, si la démission volontaire ne se produisait pas.

Pour mieux en finir avec ces deux épiscopats, Bonaparte demandait une nouvelle circonscription des diocèses. La suppression de l’ancien épiscopat convenue, cette demande ne soulevait pas de sérieuses difficultés. Le changement devait se faire par réduction, comme le demandait l’économie. Les premiers projets mentionnaient le nombre (1rs archevêchés et évèchés, la réunion des titres supprimés aux titres conservés, etc. Mais le texte définitif se t ; > i t sur ces points que régleront des iations ultérieures et une bulle de circonscription. Comme l’ancien régime, en effet, le concordat reconnaît au pape le droit d’érection : « Il sera fait par le

saint-siège ; » mais tandis que précédemment le pape n’avait besoin que du consentement du roi, ici l’entente antérieure est requise : « de concert avec le gouvernement français. »

Art. 4. Le premier consul de la République nommera dans les trois mois qui suivront la publication de la bulle… de la circonscription nouvelle ; Sa Sainteté conférera l’institution canonique suivant les formes établies par rapport à la France avant le changement de gouvernement. — Art. 5. Les nominations aux évèchés qui vaqueront dans la suite seront également faites par le premier consul, et l’institution canonique leur sera donnée par le saint-siège en conformité de l’article précédent.

Ces articles précisent les règles à observer par les deux puissances, afin de pourvoir les nouveaux évèchés de titulaires, immédiatement et dans l’avenir. Le système de la Constitution civile est abandonné : il n’y a plus d’élections. On revient, mais dans l’ensemble seulement, au système établi par le concordat de 1516. D’après cet acte, le roi était « tenu de présenter et nommer » au saint-siège, dans les six mois « un grave ou scientifique maître ou licencié en théologie, ou docteur ou licencié en tous ou l’un des droits » . Le pape donnait l’institu-’tion canonique, mais il se réservait le droit de la refuser si le candidat désigné ne lui paraissait pas « tellement qualifié » . Trois mois devaient ensuite être laissés au roi pour faire un nouveau choix. Passé ce délai, ou le nouveau choix ne valant pas mieux que le précédent, le droit de nomination revenait au pape aussi bien que dans le cas du décès de l’évêque titulaire en cour romaine. Le saint-siège eût bien voulu que le concordat de 1801 renvoyât simplement à ces clauses si précises du concordat de 1516. Bonaparte s’y refusa. A force de ténacité et de menaces, il se fit reconnaître sans aucune limitation ce droit de nomination que Borne ne concède guère qu’aux gouvernements officiellement catholiques et qu’elle venait de refuser aux souverains d’Angleterre, de Russie et de Prusse. Il l’obtint bien qu’il eût refusé de faire du catholicisme la religion de l’État et qu’il fût imprudent de la part de l’Église de concéder un pouvoir d’une telle importance à un gouvernement électif où l’intrigue et le hasard peuvent porter au premier rang les pires ennemis de l’Église. Le pape qui cédait à la force sauvegarda, comme il put, devant sa conscience, le présent en faisant mention dans le préambule du catholicisme personnel des consuls et l’avenirpar l’art. 17. Il est vrai aussi qu’il pensait, fort des saints canons, du concordat de 1516 et de toutes les conventions analogues, que le droit de nomination concédé ne dépassait pas le droit de désignation et que, en se réservant l’institution canonique, le pape se réservait le droit de refuser le candidat désigné et en fin de compte faisait « l’évêque et le pasteur » . Cette interprétation n’a pas toujours été celle du gouvernement français qui lui a opposé la théorie gallicane du pape « collateur forcé » . Cf. le Livre blanc pontifical sur les affaires de France, 1906, c. vii, et documents. Quoi qu’il en soit, Pie VII i. - tarda pas à sentir les inconvénients de ce partage des pouvoirs : s’il y trouva un moyen de faire échec à Napoléon, il y trouva aussi une source d’amertume. De 1814 à la fin du second Empire, il n’y eut pas cependant de sérieux conflits sur ce point entre le saint-siège et le gouvernement français. Mais les conflits surgirent de nouveau vers la fin du second Empire, et quand survint le 4 septembre, deux sièges épiscopaux étaient vacants depuis de longs mois. Pie IX refusant d’agréer les candidats obstinément maintenus par Napoléon III. Pour éviter le retour de semblables inconvénients, le gouvernement de M. Thiers inaugura le système de « l’entente préalable » , maintenu jusqu’à l’avènement du ministère Combes quin 1902), qui prétendit faire revivre la doctrine du pape « collateur forcé » et nommer d’une façon définitive les évêques de son choix, non seulement sans tenter l’entente préalable, mais sans s’inquiéter du ju-