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CONCORDAT DE 1801


bref daté du 18 décembre, adressé à l’abbé d’Astros, vicaire capitulaire de Paris, et enlevant à Maury tout pouvoir et toute juridiction, fut intercepté par la police, mais les deux premiers étaient connus du public et Napoléon se mit en quête d’une autre solution ; celle-là, il la voulait définitive.

Le conseil ecclésiastique de iSii.

L’empereur

rappela alors sous la présidence de Fesch les mêmes prélats qu’en 1809 ainsi que M. Émery et il leur adjoignit les cardinaux Caselli et Maury avec l’archevêque nommé de Malines, de Pradt. Ce « conseil ecclésiastique de 1811 » tint sa première séance le 9 février et sa dernière le 4 avril. Deux questions lui furent posées par le ministre des cultes : 1° Toute communication étant interrompue quant à présent entre le pape et les sujets de l’empereur, à qui faut-il s’adresser pour obtenir les dispenses qu’accordait le saint-siège ? 2° L’empereur ayant résolu de ne plus faire dépendre l’existence de l’épiscopat de l’institution canonique, quel est le moyen légitime de donner aux évêques cette institution en dehors du pape ? Fesch et Émery soutenaient les prérogatives du pape, mais la majorité répondit à la première question que l’on devait s’adresser aux évêques ; à la seconde, après une sorte de blâme au pape à propos des brefs de Savone, que la solution était une revision de l’art. 4 du concordat. Il y a, disaient les prélats raisonnant d’après le concordat de 1516 plutôt que d’après la convention du 15 juillet 1801, une inégalité entre la condition de l’empereur obligé de nommer les évêques dans un délai donné, sous peine de perdre son droit de nomination, et la condition du pape pouvant refuser indéfiniment l’institution. Il faut établir que le pape donnera l’institution dans un délai fixé, à moins de motifs canoniques, faute de quoi le droit d’instituer serait dévolu de plein droit au concile de la province. Si le pape se refusait à cette très légitime revision de l’art. 4, il notifierait au monde l’entière abolition du concordat, et alors il faudrait recourir à un autre moyen, revenir, par exemple, au régime de la Pragmatique. Un concile national seul pourrait d’ailleurs décider sur une question aussi grave. Avant tout, cependant, demandaient les évêques, que l’empereur autorise une démarche auprès du pape.

Alors s’ouvrirent les négociations de Savone. Au nom de leurs collègues, non pas au nom de l’empereur, de Barrai, Mannay et Duvoisin, à qui s’adjoignit l’évêque de Fænsa, patriarche nommé de Venise, Buonsignori, arrivés à Savone le 9 mai, immédiatement suppliaient le pape, pour éviter à l’Eglise de terribles malheurs d’accepter : 1° la revision indiquée de l’art. 4 du concordat ; 2° la situation qui lui était faite par le sénatusconsulte du 17 février 1810 avec toutes ses exigences. Le pape, quoique affaibli par sa longue réclusion et toujours isolé, refusa net de discuter la seconde proposition. Sur la première il accepta de discuter cette proposition que l’on fixa par écrit le 19 mai : en cas de refus permit du saint-siège, l’institution pourra être donnée par les métropolitains au bout de six mois. Une fois munis de ce papier, les négociateurs se hâtèrent de quitter Savone, comme si tout était fini, comme s’il s’agissait d’un texte accepté et non d’un simple projet ! Pour plus de sûreté, cependant, dès le 20, le pape protestait auprès du préfet de Montenotte, Chabrol, qu’il n’avait pas signé la note et que rien n’était fait. Alors Napoléon réunit le concile demandé par le conseil de 18Il et que le 16 mai il avait convoqué pour le 9 juin, afin d’intimider le pape pendant les négociations de Savone.

(i Le concile de lxtl. — Il se réunit le 17 juin, liii évêques, c’est-à-dire tous ceux de l’empire français i italiens seulement, sur plus de 150 avaient été convoqués : on n’avait pas convoqué ceux que l’on savait dévoués au pape ; 95 étaient présents, 53 de l’empire français et 12 italiens. Ce n’était là ni un con cile œcuménique ni un concile national. Napoléon n’attendait pas moins de grands résultats de cette réunion : il opposerait le concile, l’Église groupée autour de lui, au pape isolé ; le pape effrayé céderait sur la question de l’art, i du concordat et sur la question du sénatusconsulte du 17 février 1810. Mais il eut beaucoup de peine à mettre le concile dans sa main. Il avait compté l’entraîner par l’intermédiaire d’hommes intelligents et dévoués comme Duvoisin et sur les ministres des cultes de France et d’Italie, Bigot de Préameneu et Marescalchi, qu’il donna comme assesseurs au président Fesch ; mais les évêques de Troyes, de Gand et de Tournai, de Boulogne, de Broglie et Hirn, entraînèrent dans un sens favorable aux prérogatives pontificales la commission préparatoire dite du message. Ce fut pour Napoléon un échec complet. A cette question : « Le concile est-il compétent pour prononcer sur l’institution canonique sans l’intervention du pape, le concordat étant aboli’? » la commission répondit non par 8 voix contre 3. Et sur cette instance : « Mais en cas d’extrême nécessité, dans le cas par exemple où le pape persisterait dans ses refus arbitraires, le concile ne pourrait-il donner une institution provisoire ? » la commission répondit par 8 voix contre 4 : « Nous ne pouvons rien sans le pape. » Alors Napoléon fit mensongèrement affirmer, en s’appuyant sur la note du 19 mai, que le pape consentait à la revision de l’art. 4. Toujours entraînée par de Broglie, la commission refusa d’accepter la chose sans enquête, demanda qu’une députa tion préalable se rendît auprès du pape et rapportât la preuve, signée par lui, de son consentement. Furieux, Napoléon déclarait dès le lendemain le concile dissous, Il juillet, et dans la nuit faisait enfermer à Vincennes de Broglie, de Boulogne et Hirn.

Nullement résigné à sa défaite, il avait demandé à une commission civile, présidée par le grand-juge Bégnier, le projet d’un décret ramenant les formes de nomination et d’institution de la Pragmatique, lorsque, sur un conseil de Maury, il ourdit l’intrigue de Savone. L’assentiment qu’il n’avait pu obtenir en concile, il l’obtint individuellement des évêques pris de peur ou d’ambition ; puis rappelant le concile, 5 août, il obtint le vote public du décret que chacun avait approuvé en particulier. Ce décret du 5 août comprenait 5 articles :

Art. 1°. Conformément à l’esprit des saints canons, les archevêchés et les évèchés ne pourront rester vacants plus d’un an pour tout délai ; dans cet espace de temps, la nomination, l’institution et la consécration devront avoir lieu.

Art. 2. L’empereur sera supplié de continuer à nommer aux sièges vacants conformément aux concordats, et les évoques nommés par l’empereur s’adresseront à notre Saint-Père le pape pour l’institution canonique.

Art. 3. Dans les six mois qui suivront… le pape donnera l’institution canonique conformément aux saints canons.

Art. 4. Les six mois expirés sans que le pape ait accordé l’institution, le métropolitain ou, à son défaut, le plus ancien évêque de la province ecclésiastique, procédera à l’institution de l’évêque nommé. S’il s’agit d’instituer le métropolitain, le plus ancien évêque conférera l’Institution.

Art. 5. Le présent décret sera soumis à l’approbation de notre Saint-Père le pape et, à cet effet, Sa Majesté sera suppliée de permettre qu’une députation de six évêques se rende auprès de Sa Sainteté pour la prier de confirmer ce décret qui seul peut mettre un terme aux maux des Églises de France et d’Italie.

A ce décret fut mis en séance plénière comme préambule cet article : « Le concile national est compétent pour statuer sur l’institution canonique des évêques en cas de nécessité absolue ; et si le pape refuse de sanctionner le décret suivant, be sera le cas de nécessité. »

Ainsi l’Église entière allait paraître au pape comme approuvant les vins de Napoléon. Deux députalions se rencontrèrent auprès du Saint-l’ère pour solliciter son approbation : l’une dépêchée par le concile et cimprenant 6 Français et 3 Italiens : elle était conduite par les