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CONFESSION DU I or AU XIIP SIÈCLE


tion de la confession y est moins nettement articulée que dans Alcuin.

L’auteur du De vera et falsa pœnitentia, le pseudo-Augustin, s’appropria, vers 1100, la dissertation du grand moine saxon. Voici comment il établit la nécessité de la confession au prêtre : « Dieu, dit-il, remet les péchés à ceux à qui les prêtres les remettent. Quand le Seigneur eut ressuscité Lazare, il chargea ses disciples de le délier, nous montrant ainsi qu’il a donné aux prêtres le pouvoir de délier. Il a dit, en effet : Quodcumque solveritis super terram, erit sohitum et in cœlis, c’est-à-dire : Moi, votre Dieu, les milices célestes et tous les saints du ciel, nous confirmons ce que vous faites. » Liber de vera et falsa pœnitentia, c. xxv, P. L., t. xl, col. 1122. L’auteur attache une si grande importance à la confession qu’il en fait un devoir, même quand on ne trouve pas de prêtre à qui s’adresser : Tanta itaque vis est confessionis ut, si deest sacerdos, confiteatur proximo. lbid., col. 1113.

Malgré les elforts d’Alcuin et du pseudo-Augustin (que l’on prit durant tout le moyen Age pour l’évêque d’Hippone), l’obligation de la confession était encore contestée par certains fidèles au commencement du XIIe siècle. « Prouvez-nous que l’on doit se confesser. Apportez-nous des textes de l’Écriture qui promulguent ce précepte. » Date auctorilatem… Quæ Scriptura hoc prœcipit ut con/iteamur ? C’est en ces termes que Hugues de Saint-Victor rapporte l’objection, De sacramentis, 1. ii, part. XIV, 1, P. L., t. clxxvi, col. 549 ; et il y répond en alléguant surtout le texte de saint Jacques ; il souligne les expressions : alterutrum…, ut salvemini, et montre que l’apôtre parle, non pas d’une confession faite à Dieu, mais d’une confession faite à un homme, au pasteur ecclésiastique, à celui qui a le pouvoir de remettre les péchés : il fait remarquer, en outre, que cette confession est présentée par saint Jacques comme indispensable au salut : « Que signifient, dit-il, ces mots : confitemini ut salvemini" ? Cela veut dire : Vous ne serez pas sauvés, si vous ne vous confessez pas. » lbid., col. 552.

On se heurtait cependant à un texte de saint Ambroise concernant la pénitence de saint Pierre, In Luc., x, 88 : « Je lis bien que saint Pierre a pleuré, mais je ne lis pas qu’il a parlé ; j’apprends qu’il a versé des larmes, et non qu’il a satisfait. » Sum. Sent., vi, 10, P. L., ibid., col. 147. Pour résoudre cette difficulté, le disciple de Hugues, auteur de cette Somme, observe que la confession n’était peut-être pas encore instituée quand saint Pierre fit pénitence et que, du reste, saint Ambroise avait voulu épargner au prince des apôtres l’humiliation d’une confession publique. Abélard et l’auteur de YEpitome, son disciple, avaient rencontré la même objection. Pour la résoudre, ils avaient imaginé que saint l’ierre n’avait pas confessé son péché de peur de scandaliser l’Eglise naissante. Le texte de saint Ambroise prouvait donc qu’en certains cas exceptionnels le pécheur pouvait être dispensé de confesser ses fautes. Ethica, c. xxv, P. L., t. clxxviii, col. 669 ; Epitome, c. xxxvi, ibid., col. 1756.

Bien qu’il ait attaqué, au dire de saint Bernard, le pouvoir des clefs, Abélard était un partisan de l’obligation de la confession aux prêtres : Hujus (Domiui) locum, dit-il, sacerdotes tenent in Ecclesia, quibus tanquam animarum medicis peccata confiteri debemus, etc. Scrm., viii, P. L., t. ci.xxviii, col. 442.

Du rrste, au XIIe siècle, tous les docteurs, sauf un seul, considèrent la confession comme obligatoire. Le dissident est Gratien. Le docteur de Bologne procède à l.i manière d’Abélard dans son Sic et non. Il examine successivement les textes bibliques et patristiques, favorables ou défavorables à la confession, et il en forme deux listes qui se font en quelque sorte équilibre. Dans la première, il cite notamment le passage suivant d’un

sermon de saint Augustin : « Faites la pénitence comme elle est laite dans l’Église, afin que l’Église prie pour vous ; que personne ne dise : J’ai péché en secret, je fais pénitence devant Dieu… Est-ce donc en vain que les clefs ont été remises à l’Église de Dieu ? » Plus loin, il en appelle à saint Léon : « Le pénitent n’a besoin que de se confesser à Dieu et au prêtre qui prie pour les péchés de celui qui s’accuse. » Enfin, parmi d’autres textes, il utilise le traité De vera et falsa pœnitentia, qui se présente sous le couvert de saint Augustin. Et quand il eut achevé d’exposer cette série de témoignages, il termina en ces termes : « Il est absolument évident que, sans la confession laite de vive voix par le coupable, les péchés ne sont pas remis. » Mais cette conclusion n’était que provisoire. L’auteur du Décret continue son enquête et dresse une seconde liste de témoignages qui contredisent la première. Il débute par le texte de saint Ambroise sur la pénitence de saint Pierre et par les mots qui y font suite : Lavent lacrymse delictum, quod pudor est confiteri. On y lit aussi la phrase suivante de saint Jean Chrysostome : « Je ne vous dis pas de vous dénoncer en public, ni de vous accuser devant les autres, je vous dis d’obéir au prophète qui vous demande de révéler votre vie à Dieu ; confessez donc vos péchés devant Dieu, avouez vos fautes au vrai juge, non de bouche, mais de cœur : et vous pourrez alors compter sur sa miséricorde. » Et Gratien, après avoir mis sous les yeux du lecteur ces deux séries parallèles de textes contradictoires, conclut définitivement : « Nous avons exposé brièvement les autorités et les raisons sur lesquelles repose chacune des deux théories de la confession et de la satislaction ; je laisse aux lecteurs le droit de choisir entre les deux. Chacune, en effet, compte parmi ses partisans des hommes sages et religieux. » Décret um, part. II, De pœnitentia, dist. I, P. L., t. CLXXXVH, col. 1519-1563. Comme la discussion de Gratien est assez longue, on en peut voir une analyse succincte et claire dans Tunnel, Histoire de la théologie positive, 1904, p. 455, note 4. Nous avons mis particulièrement cet ouvrage à contribution pour l’étude des premiers scolastiques.

Mais qu’ils dépendent de Hugues de Saint-Victor, d’Abélard ou de Gratien, les théologiens du XIIe siècle se prononcent résolument en faveur de la confession obligatoire. C’est le cas de l’auteur anonyme de YEpitome, c. xxxvi, P. L., t. lxxviii, col. 1756 ; de Pierre de Poitiers, Sent., III, 13, P. L., t. ccxi, col. 1070 ; de Richard de Saint-Victor, De potestate ligandi atque solvendi, P. L., t. cxcvi, col. 1164 ; de Roland, Gietl, Die Sentenzen Rolandi nachmals Papstes Alexander III, Fribourg-en-Brisgau, p. 249 ; d’Ognibene, cf. Gietl, ibid., p. 243. Pierre Lombard puisa largement dans le Decretum et alimenta, à son tour, les docteurs du xiiie siècle. Mais tandis que Gratien se bornait au rôle de rapporteur et alignait tout simplement les textes bibliques et patristiques, Pierre en déduisit la nécessité de la confession. Il prouva, par l’autorité de saint Jacques, qu’il lallait se confesser aux prêtres : Sed quod sacerdolibus confiteri oporteat, non solum Ma auctoritate Jacobi : Confitemini, etc., sed etiam aliorum pluribus testimoniis comprobatur. Sent., 1. IV, dist. XVII, 4, P. L., t. cxcii, col. 882. Les aliorum testimonia sont empruntés à la tradition patristique ; ce sont les témoignages de saint Ambroise, de saint Augustin, de saint Léon, de l’auteur du De vera et falsa pœnitentia. lbid., col. 880-884. Pierre entreprit ensuite de résoudre les difficultés. Il expliqua que saint Jean Chrysostome et les autres Pères qui s’étaient exprimés comme si le prêtre n’avait pas à intervenir dans l’œuvre de la réconciliation des pécheurs, s’étaient simplement opposés à la confession publique, mais non à l’aveu secret fait au prêtre, lbid., n. 6, col. 884. Le cas de saint Pierre lui cause quelque