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CONFIRMATION CHEZ LES PROTESTANTS


de la confirmation primitive. Cf. Confessio Saxonica, c. XJX, et Confessio Wurtembergica, De con/irmatione, dans Corpus et syntagma Confessiomtm fidei, Genève, 1654, p. 11(5, 152. L’entreprise était ardue.

A ces efforts renouvelés par plusieurs chefs de la Réforme pour perpétuer un rite qui gardât de la confirmation anciennement reçue le nom et l’apparence, la plupart des communautés opposèrent une indifférence que rien ne fut capable de vaincre. Il faut en excepter toutefois les Églises de Poméranie et de Brandebourg qui, dès l’origine, adoptèrent cet usage. D’ailleurs, les théologiens continuaient à rendre odieux au peuple ce sacrement des papistes, où ils ne voyaient que magie, incantations et exorcismes, cf. Balthasar Meisner, Doctrina orthodoxa de sacramentis Veteris et Novi Testamenti, disp. VIII, Francfort et Wittenberg, 1708, p. 76 sq., et la plupart des catéchismes en usage dans les Églises rejetaient purement et simplement la confirmation. Cf. Wurtembergische Katecliismen, notamment le catéchisme de Brenz, 1551, dans Reu, Quellen zur Gescliiclite des kirchlichen Unterrichts in den evang élise hen Kirchen Deutschlands zwischen 1530 und 1600, Gûtersloh, 1904, 1. 1, p. 340 ; Bayerische Kalecldsmen, Numberg, 1533, ibid., p. 547. Le peuple s’en tenait naturellement aux termes de ces instructions et considérait avec défiance une institution qui gardait toute l’apparence des vieilles superstitions catholiques.

Le mouvement de rénovation religieuse inauguré par Spener dans les premières années du xviire siècle, sous le nom de piétisme, modifia profondément ces dispositions. Partout où la cérémonie de la confirmation avait réussi à s’introduire, les résultats s’étaient montrés favorables ; les familles accueillaient avec plaisir une fête qui intéressait au plus haut point les enfants, et les pasteurs trouvaient là un moyen profitable de pourvoir de plus près à l’instruction chrétienne de la jeunesse. En Alsace, où la confirmation avait été admise dès 1534, le catéchisme de Butzer ajoutait, dans l’édition de 1543, un long chapitre pour expliquer et recommander cette pratique. Le rite de l’imposition des mains, réservée aux seuls ministres des églises, est donné comme le commencement de la confession de foi : elle signifie que les enfants sont directement placés sous la main bienfaisante du Très-Haut, qui les conduira, les protégera, les bénira. Elsàssische Katechismen, Erklârung-der Bestâtigung in dem christlichen Glauben, dans Reu, op. cit., p. 98. Le même rite, interprété dans le même sens, avait été adopté pour la liesse en 1539, et de plus en plus, comme en Poméranie et en Brandebourg, s’était implanté dans les mœurs. Cf. Hessisc/ie Agende, c. ix, an. 1678 ; W. Diehl, Zur Geschichle der Konfirmation, Giessen, 1897.

Vivement frappé des avantages multiples que présentait cette institution pour la vie religieuse des communautés, l’esprit à la fois mystique et pratique de Spener résolut de promouvoir partout et par tous les moyens une pratique aussi salutaire, d’abord dans les campagnes avoisinant Francfort, puis, par lente infiltration, grâce aux « maisons d’éducation » piétistes, dans toute l’Allemagne. La Prusse, en 1718, le Wurtemberg en 1722, la Saxe en 1773 adoptèrent successivement la cérémonie de la confirmation. R. Kubel, Kalechetik, Berlin, 1897, p. 44 sq.

Mais ce ne fut point sans une résistance assez vive, parfois opiniâtre, de la part du peuple. En maint endroit, cette institution fut imposée de force, par l’autorité civile. L’ordonnance publiée le Il décembre 1722 par le duc de Wurtemberg, Eberhard-Louis, est des plus significatives : elle rend obligatoire « la confirmation solennelle » , en prenant soin de spécifier, pour rassurer les consciences craintives, que le rite prescrit constitue « la vraie confirmation, celle du culte évangélique, fondée sur l’Écriture et sur les témoignages de

l’antiquité » . Karl Pfaff, Geschichte des Fùrsten/iauses und Landes Wurtemberg, Stuttgart, 1839, t. iv, p. 194. Le prince espérait remédier ainsi en partie à « l’état de démoralisation du pays » . Cf. L. Coulon, Élude historique sur l’introduction de la confirmation dans les Églises du pays de Montbcliard, Paris, 1894, p. 27. Mais ses sujets n’étaient point d’humeur à secouer en un jour leurs préjugés confessionnels, même pour obéir à une loi élaborée par les théologiens et imposée par le chef suprême de leur Église ; « plusieurs, par la fuite et l’exil, se dérobèrent à la confirmation, et l’on dut se résoudre, pour acclimater cette cérémonie, non seulement à publier de sévères remontrances, mais encore à édicter des poursuites contre les délinquants. » K. Pfaff, loc. cit. La même défaveur accueillit en d’autres pays cette innovation, dont le peuple finit toutefois par apprécier les avantages. Cf. L. Coulon, op. cit., p. 58.

Il convient de remarquer que les vieux luthériens dirigèrent eux-mêmes une vive opposition contre le rituel établi par Spener, car il apportait à l’ancien usage des modifications profondes, comme une transformation essentielle. Tandis que la confirmation avait gardé fidèlement jusque-là le caractère, qui lui avait été attribué par Luther et par Mélanchthon, d’une confession de la foi ecclésiastique, d’une adhésion publique à la doctrine de l’Église, Spener, entraîné par ses disciples, n’avait point tardé à en faire une simple confession de foi personnelle, un acte indépendant, sans attache avec le baptême, et réduit à une pure déclaralion de la conversion du cœur. Les piétistes jugeaient plus conforme à l’esprit de la Réformation et plus utile aux intérêts de la société, d’accentuer le caractère Subjectif et moral de cette solennité religieuse ; les luthériens se montraient préoccupés surtout d’assurer par ce moyen la cohésion, toujours si fragile, de leurs communautés. L’antagonisme était dans les tendances elles principes ; la lutte qui s’engagea entre les deux partis au sujet du formulaire de la confirmation ne fut que l’expression, parfois très vive, de cette opposition systématique et radicale. Cf. llœfling, Das Sakrament der Taufe, Erlangen, 1846, t. il, p. 431 ; J. Mœhler, Symbolik, Mayence, 1832, p. 428 ; G. von Schéele, Theologische Symbolik, Gotha, 1881, t. il, p. 203 sq.

Aujourd’hui, dans les Églises luthériennes, malgré les attaques fort vives qu’elle a soulevées dans le parti libéral, la confirmation est toujours en usage. Le peuple y tient, comme à une tradition qui se légitime par elle-même et qui est pour les familles une cause toujours bien venue de réjouissances. Son caractère religieux a toujours été, d’ailleurs, nettement affirmé. Le pasteur B. Cuvier la définit assez exactement : « Une cérémonie religieuse dans laquelle celui qui a été baptisé dans son enfance renouvelle et confirme, en présence de l’Église assemblée, la prolession de foi qui a été faite et les engagements qui ont été pris en son nom par ses parents, par ses parrains et marraines. » La confirmation, Paris, 1842, p. 6. Cette solennité est précédée d’un examen sur la doctrine chrétienne, devant un jury composé des pasteurs et, du moins ordinairement, des membres du consistoire. L’âge requis pour la confirmation est fixé généralement à quatorze ans accomplis. Seuls « les pasteurs régulièrement ordonnés et institués » peuvent « donner la confirmation » . Il est difficile de justifier cette dernière expression, à moins de l’expliquer par ce fait que « les pasteurs confirment les catéchumènes dans leur vocation de chrétien et prononcent leur admission solennelle et définitive au nombre des membres de l’Église » . R. Cuvier, op. cit., p. 7. Mais l’expression ne trahit-elle pas la pensée ? Cf. M. Heimbucher, Die heilige Firniung, Augsbourg, 1889, p. 18-51.

III. Églises réformées.

La pensée de Calvin ne connut ni les hésitations ni les fluctuations de la pensée