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CONGRÉGATIONS ROMAINES


de définir, en vertu de. sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine sur la foi ou sur les mœurs doit être tenue par l’Église entière » . Cf. concile du Vatican, const. Pastor œternus, c. iv. Soutenir le contraire, ce serait ériger tout jugement doctrinal du saint-siège en définition dogmatique, ce qui n’a jamais été admis par personne et serait le comble de l’absurdité. Rome approuve cbaque jour des déclarations en matière de foi et de morale qui ont été émises par des évêques ou par des conciles particuliers. Qui s’imaginera que ces déclarations deviennent pour l’univers catholique, par le fait de l’approbation ou de l’intervention papale, des règles infaillibles de croyance ? Quand le pasteur des pasteurs veut, pour affirmer la vérité ou flétrir l’erreur plus efficacement, recourir à sa pleine puissance spirituelle, il se sert le plus souvent d’une bulle, d’une constitution apostolique ou de tout autre document pontifical de forme solennelle, et toujours il précise le point par lui défini et manifeste en termes parfaitement clairs l’obligation universelle d’y donner une adhésion intérieure absolue. C’est d’après ces principes qu’il faut apprécier la valeur des condamnations de propositions ou de livres, prononcées par la S. C. du Saint-Office ou par la S. C. de l’Index, quand même le pape serait intervenu personnellement dans la décision, soit en la provoquant, soit en présidant la séance et en rendant le décret avec la congrégation, soit en approuvant la sentence et en ordonnant qu’elle soit mise à exécution.

Cette doctrine est celle de tous les grands théologiens. Le cardinal Gotti, De lacis theologicis, t. i, q. iii, dub. IX, §2, n. 12, explique la chose en ces termes : « Ni par elles-mêmes ni par suite d’une délégation du souverain pontife les congrégations de cardinaux ne jouissent du privilège de l’infaillibilité… La raison en est que le pouvoir de juger et de définir en matière de foi et de proposer des articles qui soient de croyance obligatoire pour tous les fidèles, est attaché à la dignité de chef suprême, de pasteur et de docteur de l’Eglise. De même donc que le pape ne saurait déléguer à un autre la qualité de chef suprême, de pasteur et de docteur, m transporter sur un autre l’assistance du Saint-Esprit, de même il ne saurait déléguer ou communiquer à autrui la faculté de rendre des décrets de foi. Par conséquent, la S. C. de l’Inquisition peut bien, exerçant l’autorité à elle confiée par le souverain pontife, condamner sans appel (ultima sententia) les articles ou les hommes que l’Eglise a déclarés hérétiques ; mais lorsqu’un point de foi est controversé, elle ne peut pas le trancher de manière à en faire un article de foi ni de telle sorte que les dissidents soient immédiatement hérétiques en vertu précisément du jugement de la S. C. » Le cardinal Eranzelin dit à son tour, Tractatus tir divina tradilione et Scriptura, 2e édit., Rome, 1875, p. 133 : « Une définition e.r cathedra ne résulte pas du fait que le souverain pontife ratifie et confirme de sa suprême autorité la décision d’une congrégation, à moins que lui-même ne fasse sien le décret et ne le publie comme tel, avec des signes qui atfestent suffisamment son intention de définir une doctrine et de l’imposer à toute l’Église ; et dans ce cas, la sentence n’émanera plus de la congrégation comme corps judiciaire ou ayant voix délibérative, mais simplement comme corps consultatif. C’est en ce sens seulement, surtout après la déclaration du concile du Vatican, qu’on peut et qu’on doit admettre avec certains théologiens que les décrets doctrinaux des congrégations, une fois spécialement approuvés par le pape, sont des définitions ex cathedra. » Un peu plus loin, ibid., p. I !.">, le même auteur, appliquant ces principes en particulier aux condamnations de la S. C. de l’Index, écrit : « lie semblables décrets, rendus pour proscrire une erreur. ne deviennent pas des définitions ex cathedra, parce qu’ils sont confirmés et publiés par la suprême autorité

du pape. J’ai consulté sur ce point plusieurs théologiens romains dont l’avis a tant de poids que je n’hésite pas à qualifier mon assertion de doctrine romaine. » C’est donc bien à tort, pour le remarquer en passant, qu’on a prétendu opposer au dogme de l’infaillibilité papale les décrets de l’Index et du Saint-Office (en 1616 et 1633) dans la cause de Galilée. Cf. Vacandard, Etudes de critique et d’histoire religieuse, Paris, 1905, p. 350 sq. ; Grisar, Galileistudien, Ratisbonne, 1882, p. 360. Pour qui a suivi avec un peu d’attention les explications et citations qui précèdent, il est clair qu’elles visent une décision de congrégation restant telle. Il en serait tout autrement d’une sentence rendue par le Saint-Père après consultation préalable d’une ou de plusieurs congrégations : dans celle hypothèse, c’est le pape lui-même qui jugerait, et le jugement d’approbation ou de condamnation, émanant formellement du pape, serait infaillible, s’il était d’ailleurs revêtu de toutes les conditions requises.

VIII. Soumission due a leurs décisions doctrinales.

— Non infaillibles, les décisions doctrinales des congrégations s’imposent cependant d’une certaine façon à la croyance même des fidèles. Ce n’est pas assez, comme quelques-uns l’ont prétendu, de ne rien faire ni dire qui aille visiblement à rencontre, de leur accorder le respect du silence (silentium absequiosum) ; on leur doit de plus la soumission de l’intelligence, un véritable assentiment intérieur, non pas assurément cet assentiment de foi, soit immédiatement soit médiatement divine, qui n’est dû qu’à la parole de Dieu ou aux choses nécessairement connexes avec la révélation ; non pas même un assentiment absolu, qui supposerait une certitude pareillement absolue ; mais un assentiment prudemment et provisoirement ferme, proportionné ainsi au degré de créance que confère à la congrégation la mission qu’elle tient de l’Église et qu’elle exerce sous sa direction et sous l’assistance générale du Saint-Esprit ; un assentiment donc qui dépend en partie de la volonté, d’une volonté décidée à honorer Dieu et à respecter l’Église dans toutes leurs manifestations et émanations ; un assentiment enfin que les théologiens qualifient justement de religieux, parce qu’il s’inspire et résulte partiellement d’un sentiment de religion.

S’il était permis à chacun, en présence d’un acle de l’autorité enseignante, de suspendre son assentiment ou même de douter ou de nier positivement tant que cet acte n’implique pas de définition infaillible, l’action réelle du magistère ecclésiastique en deviendrait presque illusoire, car il est relativement très rare qu’elle se traduise en définitions de ce genre. C’est un principe général qu’on doit obéissance aux ordres d’un supérieur, à moins que, dans un cas concret, l’ordre n’apparaisse manifestement injuste ; pareillement, un catholique est tenu d’adhérer intérieurement aux enseignements de l’autorité légitime, aussi longtemps qu’il ne lui est pas évident qu’une assertion particulière est erronée. Le sentiment de l’Eglise sur ce point n’est pas douteux ; il résulte de nombreux documents officiels, Pie IX. par exemple, dans une lettre du 15 juin 1857 à l’archevêque de Cologne, parle du décret de la S. C. de l’Index par lequel plusieurs volumes de Gùnther avaient été condamnés, et il affirme que ce décret devait suffire pour convaincre tous les catholiques que non seulement il n’était permis à personne de défendre le fond de ces ouvrages, mais que « la doctrine contenue dans les livres de Gûnther ne pouvait être tenue pour pure » . Le concile du Vatican nous semble s’être prononcé également avec une clarté suffisante sur la question qui nous occupe. Sa [™ constitution dogmatique se termine par ce solennel avertissement : « Mais comme il ne suffit pas d’éviter la perversion de l’hérésie, si l’on ne fuit en outre soigneusement les erreurs qui s’en approchent plus ou moins, nous rappelons à tous les chrétiens le devoir d’observer aussi les constitutions