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CONSEILS ÉVANGÉLIQUES

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ou monastique, écartant à jamais le grand obstacle de la volonté propre. — 2. Ainsi les facilités plus grandes de perfection proviennent principalement de l’éloignement définitif des principaux obstacles à la perfection, possession et administration des biens temporels, affections et affaires de famille, préoccupations et entraînements de ]a volonté personnelle. S. Thomas, Sum. tlicol., I a II æ, q.cvm, a. 4 ; II a II æ, q. clxxxiv, a. 3 ; q. clxxxvi, a. 3-5.

— 3. Les conseils évangéliques considérés en eux-mêmes restent pleinement facultatifs, puisque la perfection qu’ils aident à acquérir n’est point elle-même strictement requise et qu’elle peut être atteinte en dehors de leur accomplissement. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. clxxxiv, a. 3. Cependant il peut y avoir obligation accidentelle ou indirecte de les pratiquer. Obligation accidentelle, si leur omission plaçait certainement l’individu dans un danger inévitable de damnation éternelle, S. Alphonse de Liguori, Theologia moralis, I. IV, n. 78 ; danger dont l’existence concrète et indiscutable est difficilement démontrable. L’obligation indirecte provient surtout de quelque vœu auquel on s’est astreint librement d’une manière temporaire ou d’une manière permanente. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. lxxxviii, a. 3. — 4. Nous avons montré précédemment, t. ii, col. 2323, que ce concept théologique des conseils évangéliques d’abord esquissé par saint Ambroise, De vidais, c. XII, P. L., t. xvi, col. 256, puis nettement défini par saint Augustin, De sancta virginitate, c. xiv, P. L., t. XL, col. 402 ; Epist., CL VII, n. 39, P. L., t. xxxiii, col. 692, fut pleinement élucidé par saint Thomas, Sum, theol., II* II*, q. clxxxiv, a. 3 ; q. clxxxvi, a. 3 sq. ; Cont. gent., 1. III, c. cxxx sq. ; Opusc., xviii, Contra pestiferam doctrinam retrahentem homines a religionis ingressu, c. vi sq. ; Opusc., xix, Contra impugnantes Dei cultum etreligionem, c. I sq., dont la doctrine fut communément suivie par les théologiens subséquents. — 5. Il n’est point vrai que le concept catholique du conseil évangélique abaisse le niveau moral en réduisant nécessairement le précepte divin à un slrictminimum auquelon habitue les consciences. La fixation de ce minimum n’est point une résultante du conseil lui-même ; elle est une conséquence de la fin du précepte toujours proportionné par la sagesse divine au buta atteindre. D’ailleurs, la détermination de l’obligation minima n’empêche nullement l’élan de la volonté vers une plus grande perfection. Il est également vrai que le précepte positif de la charité n’ayant aucun minimum nettement déterminé, les actes les plus parfaits de charité, y compris l’observance des conseils évangéliques, ne sont nullement exclus de sa sphère intégrale ou y sont même contenus implicitement. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. clxxxiv, a. 3. IL Existence et excellence. — 1° Enseignement scripluraire. — L’existence et l’excellence du conseil évangélique de chasteté ont déjà été démontrées, t. ii, col. 2321 sq. L’enseignement évangélique n’est pas moins formel sur les conseils de pauvreté volontaire et de parfaite obéissance. — 1. Le conseil de pauvreté volontaire ressort de la parole de Jésus : Si vis perfectus esse, vade, vende g use habes et da pauperibus et habe~ bis thesaurum incœlo et veni sequere me. Matth., xix, 21. — a) L’opposition entre.si vis ad vitam ingredi, . 17, et si vis perfectus esse, ꝟ. 21, prouve qu’il ne s’agit point auꝟ. 21 de l’observance d’un commandement obligatoire, mais d’une œuvre non commandée qui facilite la perfection et assure une plus grande récompense. Sinon, l’affirmation solennelle duꝟ. 17 que l’accomplissement des commandements suffit pour acquérir la vie éternelle cesserait d’être vraie. — b) Rien n’autorise à affirmer que ce jeune homme était personnellement et gravement obligé de renoncer à toute possession terrestre pour ne point compromettre son salut éternel. L’accomplissement intégral qu’il avait fait de tous les commandements jusqu’à cette époque, tel qu’il est affirmé au ꝟ. 20 : Omnia hœc custodivi a juventute mea, prouve même le contraire. — c) L’interrogation : Quid adhuc mihi dcest ?, t. 20, suivie de la réponse de Jésus : Si vis perfectus esse, ꝟ. 21, montre une aspiration surpassant l’étroite préoccupation du salut personnel, une aspiration vers une union plus intime avec Dieu par l’accomplissement de tout ce que l’on sait lui être le plus agréable. — 2. Le conseil d’obéissance parfaite découle de l’invitation de Jésus : Veni, sequere me, ꝟ. 21. Pour assurer la pleine possession de la perfection, Jésus sollicite le complet abandon de la volonté propre, désormais entièrement soumise à son absolue direction ; soumission non moins entière, non moins méritoire ni moins efficace, quand elle est pratiquée à l’égard de quelqu’un qui tient cette autorité de Jésus-Christ lui-même. Ce que réalise vraiment l’obéissance religieuse.

Enseignement traditionnel.

Cet enseignement

ressort de l’étude particulière de chacun des conseils. Nous devons nous borner ici à un exposé sommaire, en omettant les indications déjà données pour le conseil de chasteté, t. ii, col. 2321 sq. — 1. Depuis les temps apostoliques jusqu’à l’institution du cénobitisme vers 340. — a) L’institution des ascètes si ilorissante dans les trois premiers siècles, particulièrement dans le clergé, et si féconde dans l’Église à cette époque, voir t. i, col. 2074 sq., prouve par sa pratique de la pauvreté volontaire, la haute estime que le christianisme professait alors pour la pauvreté, estime entièrement inconnue au inonde païen et qui de fait ne s’explique vraiment que par l’influence de la doctrine évangélique de Matth., xix, 20. La pauvreté volontaire des ascètes est particulièrement louée et recommandée par Clément d’Alexandrie, Quis dires salvabitur, c. xi sq., P. G., t. ix, col. 615 sq. ; Origène, In Matth., homil. xv, n. 15, P. G., t. xiii, col. 1293 sq. ; saint Cyprien, De habilu virginum, c. XI, P. L., t. iv, col. 461 sq. Cette pauvreté volontaire n’entraînait pas encore, généralement du moins, le renoncement effectif à tous les biens. Elle consistait surtout dans le détachement affectif joint à une grande modération dans l’usage des biens et à une grande générosité dans les aumônes.

Vers le milieu du ine siècle, commença avec l’anachorétisme la pratique de l’abandon effectif de tous les biens d’après Matth., xix, 20 ; saint Antoine en offre un parfait exemple. S. Athanase, Vita S. Anto)iii, n. 2 sq., P. G., t. xxvi, col. 842 sq. Avec l’anachorétisme aussi commença la pratique de l’obéissance à l’égard de l’ancien ou du maître, à la direction duquel l’anachorète se livrait entièrement. Voir t. i, col. 113’t sq.

2. Depuis l’institution du cénobitisme vers 340 jusqu’au xill’siècle, la pauvreté monastique consistant dans l’entier abandon des biens personnels et dans l’absolue dépendance pour l’usage des biens communs est pratiquée dans tous les monastères, conformément à une règle qui en détermine tous les détails. Toutes ces règles qui dirigent en même temps la vie d’obéissance du moine seront étudiées à part. L’éloge de la pauvreté et de l’obéissance est d’ailleurs très marqué dans les nombreux commentaires et ouvrages ascétiques à l’usage des moines, particulièrement dans les écrits de saint Basile et de saint Jean Chrysostome, dans les Institutions et les Conférences de Cassien, dans les divers recueils des Apoplitegmata Patrum, dans plusieurs lettres de saint Jérôme, de saint Augustin et surtout de saint Nil († 430) et de saint Isidore de Péluse (f.434), et dans la Scala paradisi de saint Jean Climaqtie. Ouvrages qui continuèrent à diriger encore aux siècles suivants la vie ascétique des moines en Orient et en Occident.

La vie monastique de pauvreté et d’obéissance est aussi louée dans la prédication adressée aux fidèles, particulièrement par saint Grégoire de Nazianze, Oral.,