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finalement fait un Dieu. — e) Le progrés dans la foi est encore stimulé par le besoin de s’adapter aux coutumes et traditions populaires et par la nécessité de s’harmoniser avec les formes existantes des sociétés civiles. — e) A côté de cette force progressive qui répond aux besoins et aux contingences de la vie et qui fermente dans les consciences individuelles, dans celles surtout qui sont en contact plus intime avec la vie, c’est-à-dire dans celles des laïques, il y a aussi dans l'Église une force conservatrice, provenant de la tradition que représente l’autorité religieuse et planant audessus des contingences de la vie avec la mission de modérer la tendance incessante vers le progrès. C’est par un accord entre ces deux forces, c’est-à-dire entre l’autorité et les consciences individuelles, que les changements et les progrès se réalisent. Les consciences individuelles, ou au moins quelques-unes, agissent sur la conscience collective, et la conscience collective agit sur ceux qui ont l’autorité en les contraignant à conclure quelque accord et à y rester lidèles. Tout ce système dont les principes avaient déjà été condamnés par Pie IX dans l’encyclique Qui plnribus du 9 novembre 1846 et dans la 5e proposition du Syllnbus, et par le concile du Vatican, sess. III, c. IV, est forinelllement réprouvé par Pie X. Notons aussi la réprobation dont le décret Lamentabili frappe l'évolution des dogmes au sens moderniste, notamment dans les propositions 39, 40, 42, 14, 46, 49-51, 53, 54, 59, 62, 61, 65.

L’histoire ecclésiastique des siècles passés nous est un su l' garant que ces condamnations récemment portées par l'Église, en écartant les erreurs principales en cette grave matière, aideront puissamment au véritable perfectionnement et progrès de l’enseignement théologique.

V. CONCLUSIONS HISTORIQUES ET DOGMATIQUES SUR

LA NATURE de ce progrès DOGMATIQUE. — Les documents ecclésiastiques et théologiques que nous avons signalés et les indications historiques que nous avons rapportées, nous autorisent à déduire les conclusions suivantes que nous formulons brièvement :

i" conclusion. — Aucun document ou fait historique n’exige le recours à l’hypothèse, d’ailleurs dogmatiquement erronée, d’une évolution substantielle des dogmes chrétiens. — 1. Les documents ecclésiastiques, précédemment rappelés, témoignent tous du souci constant du magistère ecclésiastique de garder dans toute son j ri té le dépôt de la foi conlié à ses soins vigilants. La teneur des définitions nouvelles implique toujours qu’il s’agit uniquement de nouvelles expressions, dévoilant ou réprouvant plus nettement une erreur naissante, ou d’une il jlaration plus explicite d’une doctrine implicitement crue auparavant. C’est ce que les documents ecclé. « '. ; stiques indiquent particulièrement pour les deux dogmes récemment définis de l’immaculée conception et de 1 infaillibilité pontificale.

La bulle Ineffabilis JJeus du 8 décembre 1851, en définissant nie de l’immaculée conception,

déclare que l'Église, vigilante gardienne des dogmes oui lui ont.'-té confiés, n’y change jamais rien, n’y diminue ou n’y ajoute rien : Chris ti enim Ecclesia sedula depositorum apud se dogmalum cristos et vindex, niltil in his unquam permutât, nihil minuit, nihil addit, si’d oiitni industriel vêlera fideliter sapientergue tractando, si qua antiquitus informata sunt et Patrum /ides sévit, ita limare exLolire studet, ut prisca illa cselestis doctrines dogmata accipiant evidenliam, lucem, distinctionem, sed relineanl pleniludinem, inlegritalem, prt>priclalem, ac in suo tantum génère crescant, in codent scilicel dogmate, eodem sensu, eademque sententia.

De même, le concile du Vatican, après avoir proclamé le dogme de l’infaillibilité pontificale et montré ses traces constantes dans toute l’histoire de l'Église, déclare que le Saint-Esprit a été promis aux successeurs

de Pierre, non ut eo révélante novam doclrinam patefæerent, sed ut eo assis tente trad.lam per apostolos revelationem seu /idei depositum sancte cuslodirent et fideliter exponerent. Sess. IV, c. iv.

2. Parmi les témoignages patristiques et théologiques antérieurs au xixe siècle, aucun ne peut être invoqué en faveur d’une évolution substantielle des dogmes chrétiens. C’est ce que nous avons précédemment noté pour saint Vincent de Lérins, en faisant voir que l’on ne pourrait, sans injustice, interpréter en ce sens ses deux comparaisons empruntées à l'évolution du corps humain et à la germination de la semence jetée en terre, quand tout le contexte affirme si nettement l’immutabilité substantielle des dogmes chrétiens. Nous croyons aussi avoir suffisamment prouvé qu’il serait non moins injuste de vouloir ranger Newman parmi lés défenseurs d’une évolution substantielle des dogmes.

3. On ne peut citer aucune preuve critique exigeant strictement une évolution substantielle des dogmes. Que l’on veuille bien remarquer le caractère purement négatif de notre assertion. Nous ne demandons point à la critique de prouver par des arguments historiques nos propositions dogmatiques. Nous exigeons seulement qu’elle ne les contredise en rien, et qu’elle considère comme scientifiquement inexact ce qui est certainement en désaccord avec un dogme certain, selon la définition du concile du Vatican. Sess. III, c. IV. Dans le cas particulier, nous mettons simplement la critique historique au défi d’apporter une preuve scientifiquement acceptable en faveur d’une évolution substantielle des dogmes. Nous devons nous borner ici à cette affirmation générale, en laissant aux articles particuliers sur les divers dogmes le soin de réfuter les allégations critiques que l’on essaie de nous opposer.

2e conclusion. — Aucun document historique ne démontre l’influence décisive d’un système philosophique quelconque dans l'élaboration et l’acceptation finale de nouvelles définitions dogmatiques d’une vérité révélée. — a) Les documents ecclésiastiques déjà signalés s’appuient uniquement sur l’Ecriture et la tradition comme sources du dogme révélé ; c’est ce qu’enseignent formellement le concile de Trente, sess. IV, Decrelum de canonicis Scripturis, Pie IX dans son encyclique Qui pluribus du 9 novembre 1846, DenLinger, Enchiridion, n. 1636 sq., et le concile du Vatican, sess. III, c. iv ; sess. IV, c. iv. La même doctrine a été habituellement affirmée par les Pères et par les théologiens, qui ont souvent déclaré, notamment dans les textes précédemment cités, qu’ils employaient les preuves de raison, non pour prouver les vérités de foi qui reposent uniquement sur l’autorité divine, mais seulement pour réfuter les objections adverses ou pour montrer la haute convenance de l’enseignement divin. C’est particulièrement ce qu’affirme saint Thomas, Sum. theol., I q. i, a. 8 ; Cont. gent., l. I, c. vii, ix, dont la doctrine sur ce point est suivie par tous les théologiens subséquents.

b) Quant aux expressions philosophiques employées dans les documents ecclésiastiques, nous avons suffisamment démontré qu’on n’a point le droit de les interpréter dans le sens particulariste d’une école ou d’un système, et qu’on est tenu de leur attribuer uniquement le sens déterminé par les circonstances et par le contexte. C’est ainsi que la définition du concile de Vienne, statuant que l'âme rationnelle est la forme du corps humain per se et essenlialiler, ne doit pas être Strictement entendue au sens de l'école thomiste, comme l’atteste d’ailleurs une lettre écrite par l’ordre de Pie I X le 5 juin 1877 à M « r Hautcœur, recteur de l’université catholique de Lille. Vacant, Eludes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, t. 1, p. 255 sq. Si quelques Pères ou quelques théologiens ont parfois dépassé cette sage mesure, nous sommes avertis qu’en