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DONS DU SAINT-ESPRIT

devient, aux lieu et place de notre raison, la vraie tête de notre agir et nous gouverne à son gré. Étant en nous à l’état d’habitude, ils garantissent, autant que peut le faire une habitude, la présence normale et l’intervention en temps utile des motions nécessaires de l’Esprit divin. Il est vrai que nous ne pouvons mettre en branle ces habitudes que sous une motion divine spéciale, mais cette motion est de l’ordre du concours divin, lequel est dû à tous les organes habituels disposés par la providence, surtout aux organes surnaturels, objets d’une providence spéciale. Le concours divin est comme l’air que nous respirons ; seule, une faute volontaire pourrait mettre un obstacle à cette divine intervention. En dehors de ce cas, le juste utilise, quand il le veut, l’habitude du don, il dispose des inspirations du Saint-Esprit, non en exerçant sur elles une influence active, ce qui est impossible, mais en la manière dont on peut agir sur une cause première, comme un champ d’activité qui se déploie, comme un instrument tout monté qui s’offre à l’artiste inspiré, organum pulsatuma Spiritu Sancto, dit saint Grégoire de Nazianze. Etant donné qu’il ne le peut faire que sous la motion divine, en vertu de l’harmonie préétablie entre toutes les volontés divines à notre endroit, son offre volontaire constitue un droit actuel aux inspirations du Saint-Esprit ; la correspondance divine est infailliblement garantie.

Ce n’est donc pas par une différence d’objet que se distinguent les vertus morales infuses et les dons. Sum. theol., ibid., a. 5, ad 1um. Leur terrain d’exercice est identique : c’est toute la pratique morale surnaturelle. La raison unique de leur distinction est dans la différence de leur mode intérieur d’opérer : ici mode humain, là mode divin ; ici action surnaturalisée, mais réglée par la raison, là activité d’abord purement réceptrice, puis agissante, mais uniquement sous l’inspiration du Saint-Esprit, règle divine, supérieure à la raison, même surnaturalisée, étant la Raison divine elle-même. Aussi, tandis que les vertus morales infuses ne peuvent appartenir qu’à l’étage appétitif, tandis que l’étage strictement rationnel doit leur échapper, puisque renfermant leurs causes génératrices et directrices il leur est fatalement supérieur, les dons qui relèvent uniquement de la cause divine qu’est le Saint-Esprit, peuvent être aussi bien intellectuels que volontaires. Sum, theol., ibid., a. 4. Toutes les puissances de l’homme, en effet, sont dans la dépendance de Dieu, et l’œuvre du salut éternel, avant d’être affaire de volonté et d’affection, est affaire de conception intellectuelle. Voilà pourquoi, dans la nomenclature communément adoptée des dons, le plus grand nombre, à savoir la sagesse, l’intelligence, la science et le conseil, désignent des perfections intellectuelles. Trois seulement, la piété, la force et la crainte, concernent directement l’appétition.

VI. l’organisme hiérarchisé des dons.

La liste des dons admise communément est empruntée à l’énumération attribuée par la Vulgate à Isaïe, xi, 2, 3 : Spiritus sapientiæ et intellectus, spiritus consilii et fortitudinis, spiritus scientiæ et pietatis et replebit eum spiritus timoris Domini. Dans cette énumération que nous supposons acquise, deux points sont à relever : la distinction de sept dons, l’ordre de l’énumération.

1o La distinction de sept dons peut se justifier par leur rapport avec les puissances de l’âme et les vertus attachées à ces puissances. Cf. Sum. theol., IIa IIæ, q. viii, a. 6. Les puissances intellectuelles sont perfectionnées dans l’ordre naturel, en regard de l’objet propre de l’entendement qui est l’être, par les cinq vertus intellectuelles aristotéliciennes, à savoir, sagesse, intelligence, science, prudence et art. Parmi celles-ci, il en est une, l’art, qui n’est pas susceptible de devenir un principe d’actes moraux. Dans l’ordre de la moralité surnaturelle auquel appartiennent les dons nous ne devons pas nous attendre à rencontrer un « art divin » , à moins qu’on ne veuille, comme l’ont fait certains Pères, l’attribuer au Saint-Esprit lui-même, artiste divin, qui se sert, comme d’un clavier, des différents jeux de notre organisme surnaturel qu’il touche à volonté. selon ses inspirations. Au contraire, les vertus intellectuelles de sagesse, de science, d’intelligence et de conseil, sont aptes à perfectionner l’acte humain, si tant est que bien penser soit le principe de la morale. Elevées à la dignité d’habitudes surnaturelles, en la seule manière possible pour elles, c’est-à-dire comme dons du Saint-Esprit, elles perfectionneront la connaissance de la foi, principe de toute la vie surnaturelle. La foi a trois objets :
1. la Vérité première, Dieu, qui est son objet premier et principal ;
2. toutes espèces de vérités concernant les créatures, en relation avec la Vérité première, objet secondaire ;
3. la direction surnaturelle des actes humains, auxquels elle s’étend en éclairant de sa lumière la charité qui est leur principe moteur prochain — objet d’extension.

Le don d’intelligence, conformément au rôle de pénétration dévolu à la vertu intellectuelle du même nom, donnera au juste de pénétrer à l’intime de ce triple objet de la foi ; les dons de sagesse, de science et de conseil perfectionneront le jugement que porte sur lui la foi, conformément à ce que chacune a de spécial. C’est ainsi que la sagesse aura pour domaine les choses divines en elles-mêmes, la science les choses créées, le conseil l’extension des vérités de foi à la pratique. Ibid.

Les puissances appétitives sont perfectionnées dans l’ordre naturel par les vertus de justice, de force et de tempérance. Le don de piété, de cette vertu qui, par un sentiment de révérence spéciale pour Dieu, notre Père, opère le bien envers tous, est bien l’expression la plus haute de la justice surnaturelle. Le don de force correspond naturellement à la vertu de force, et, comme elle, mais d’une manière supérieure, garantit l’âme des terreurs causées par les périls ; le don de crainte de Dieu est l’aide tout indiqué de la tempérance dans la lutte particulièrement tenace que celle-ci soutient contre les concupiscences violentes de la chair. Sum. theol., Ia IIæ, q. lxviii, a. 4.

2o L’ordre selon lequel les dons sont énumérés chez Isaïe ne correspond pas à la hiérarchie de nos facultés, ce que la précédente systématisation semblerait imposer. Peut-on le justifier ? La chose n’a pas, en soi, grande importance, mais il se trouve que l’effort, fait par la théologie scolastique pour y arriver, a jeté la lumière sur un nouvel aspect des dons, je veux parler sur le rôle directeur de plusieurs d’entre eux vis-à-vis des autres. Dans la liste traditionnelle les six premiers dons sont énumérés deux à deux, et de telle sorte qu’un don intellectuel est toujours nommé le premier ; c’est ce qui a suggéré la pensée d’attribuer à ce don une influence directrice spéciale sur son ou ses associés. L’ordre naturel est conservé pour le don de sagesse, qui, considérant les choses du point de vue de l’absolu, a une influence prépondérante ; on lui adjoint le don moins élevé d’intelligence, en vertu, peut-on dire, de l’affinité existante entre eux dans la philosophie naturelle où la métaphysique, étant la science suprême, défend les premiers principes objets de l’intelligence ; c’est du don de sagesse que relèverait également le dernier des dons demeuré isolé et cela parce que la crainte du Seigneur trouve son motif propre dans l’excellence divine, objet du don de sagesse.

Le don de force a une affinité avec le don de conseil, due à ce que le conseil est surtout nécessaire dans les périls, à cause de la précipitation qu’engendre la frayeur. Le don de piété est apparenté à celui de science, de peur que la piété, toute en zèle filial, dum se extra