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EGLISE


ne pas entraver la marche des individus vers leur fin dernière, mais elles doivent encore les y aider en favorisant la vraie religion, et conséquemment l'Église catholique, seule dépositaire de cette vraie religion. D’où Léon XIII conclut que les princes ou chefs d’Etat doivent tenir le nom de Dieu pour saint, et considérer comme un de leurs principaux devoirs, celui de favoriser la religion, de l’aider par leur bienveillante protection, de la couvrir de l’autorité tutélaire des lois et de ne rien statuer ou décréter qui soit contraire à son intégrité.

2° Ce droit de l'Église et le devoir correspondant de l'État furent toujours enseignés par la tradition chrétienne, si l’on excepte les trois premiers siècles où aucune société chrétienne ne pouvait encore exister, par suite des persécutions qui sévissaient sans interruption dans l’empire romain, et de l’absence d’organisation chrétienne en dehors de l’empire.

A la fin du IVe siècle, après que la société chrétienne se fut consolidée dans l’empire d’Orient et dans celui d’Occident, la notion chrétienne des devoirs du pouvoir séculier à l'égard de l'Église, commence à être appliquée par les empereurs chrétiens avec l’approbation de l'Église. M » r L. Duchesne, Histoire ancienne de l'Église, 3e édit., Paris, 1908, t. ii, p. 655 sq.

Dès cette époque, la tradition catholique affirme explicitement la prééminence du pouvoir ecclésiastique sur le pouvoir séculier ; prééminence de laquelle les Ihéologiens du moyen âge déduiront explicitement la subordination de l'État à l'Église, en tout ce qui relève de la fin surnaturelle, avec tous les devoirs qui en sont la conséquence.

C’est notamment le langage de saint Grégoire de Xazianze et de saint Jean Chrysostome à la fin du IVe siècle. Saint Grégoire de Xazianze († 390) s’adressant, dans un discours public et en présence de son peuple, à un des hauts magistrats impériaux, déclare expressément que, selon la loi chrétienne, ceux-ci sont soumis à l’autorité de l'évêque. Car l'évêque possède aussi le commandement, et ce commandement est plus considérable et plus parfait, à moins que l’on ne dise que l’esprit doit céder à la chair et les choses célestes aux choses terrestres. Orat., xvii, 8, P. G., t. xxxv, col. 976. Saint Jean Chrysostome († 407) affirme de même que le pouvoir ecclésiastique l’emporte sur le pouvoir politique, autant que le ciel domine la terre et même beaucoup plus, In II Cor., homil. xv, i, P. G., I. i.xi, col. 507. ou autant que l'âme l’emporte sur le corps, col. 509.

Un peu plus tard, sain ! Augustin, au Y 1 ' livre de sa Cité de Dieu, écrit vers l’an 413, décrivant ce qui doit caractériser les empereurs chrétiens, insiste sur le zèle avec lequel ils doivent mettre leur puissance au service de Dieu pour aider le plus possible à propager son culte, c. xxiv, P. L., t. xlî. col. 171. Vers l’an417, écrivant au comte d’Afrique, Boniface, l'évêque d’IIippone loue la rigueur des lois impériales contre les donalistes, parce que ces lois ont aidé beaucoup d'égarés à revenir à l’unité de l'Église, en les défendant contre la séduction des hérétiques et en stimulant leur faiblesse. Epist., CLXXXV, 13 sq., P. L., t. xxxiii, col. 798 sq. A cette objection, que les apôtres n’ont point demandé aux rois de la terre d’instituer des lois contre les impies, le docteur africain répond que ceux qui parlent ainsi ne considèrent point la différence des temps. Car quel empereur croyait alors en Jésus-Christ et pouvait, par ses lois, aider la cause chrétienne, à ce moment où s’accomplissait îa prophétie du psalmiste : Les rois se sont levés et les princes se sont réunis contre le Seigneur et contre son Christ ? Ce n'était pas encore l’heure de la réalisation de cette autre parole du même psaume : Et maintenant rois, comprenez, juges de la terre, instruisez-vous. Servez le

Seigneur dans la crainte. Puis analysant le sens de cette dernière parole prophétisant le règne des princes chrétiens, saint Augustin montre que ceux-ci servent Dieu comme rois, seulement en interdisant et en punissant les désobéissances aux commandements de Dieu. Autre est le service de Dieu tel qu’il est pratiqué par chaque homme individuel, autre celui qui est pratiqué par le roi. Chaque homme individuel sert Dieu en vivant selon sa foi ; le roi sert Dieu en établissant, avec une convenable sévérité, des lois commandant ce qui est juste et interdisant ce qui est contraire à la justice. C’est ainsi qu'Ézéchias servit Dieu, en détruisant les bois sacrés et les temples des idoles et les hauts lieux qui avaient été établis contre le précepte divin. IV Reg., xviii, 4. Ainsi le servirent également Josias, IV Reg., xxiii, 4 sq. ; le roi des Ninivites, Jonas, iii, 6 sq. ; Darius, Dan., xiv, 21, 41, et Nabuchodonosor. Dan., ni, 96. Les rois servent donc le Seigneur en tant que rois, en accomplissant pour le servir ce que les rois seuls peuvent faire, col. SOI.

On remarquera que le principe fondamental sur lequel saint Augustin appuie les obligations des rois chrétiens vis-à-vis de l'Église est, en réalité, celui que développera plus tard saint Thomas, et celui qu’indique Léon XIII dans l’encyclique hnmortale Dei.

Dès le milieu du v siècle, cet enseignement est expressément formulé par les papes. En 447, le pape saint Léon († 461), écrivant à Turribius, évéque des Asturies, au sujet de l’erreur des priscillianistes, déclare que la sévérité des empereurs chrétiens contre les hérétiques est utile à l'Église : Profuit iliu ista districtio ccclesiasticse lenilati, qum elsi sacerdotali contenta jwlicio, cruentas refugil ultiones, severis tanien christianorum principum constitutionibus adjuvatur, dum ail spiritale nonnunquam recurrunt remedium qui timent corporale supplicium. Epist., xv, P. L., t. i.iv, col. 680. En 457, le même pape écrivant à l’empereur Léon de Constantinople au sujet des troubles suscités à Alexandrie par la secte d’Eutychès, pour lui demander de soutenir l’autorilé du concile de Cbalcédoine et de sévir contre la faction eutychienne, donne au prince chrétien ce grave avertissement : Cum enim clément iam tuani Dominas lanta sacramentisui illuminatione ditaverit, debes incunclanter advertere regiam potestatem tibi non adsolum mundi régime », sed maxime ad Ecclesise præsidium esse collalam ; ut ausus nefarios coruprimendo, et quæ bene sunt statnta defendas, et veram pæem his qnx sunt turbata restituas. Epist., ci.vi, 3, col. 1130.

Le même enseignement est donné par saint Grégoire le Grand († 601), à la fin du VIe et au commencement du viie siècle. Ce pape reprenant l’empereur Maurice, parce qu’il interdisait de recevoir dans les monastères ceux qui étaient liés par des engagements militaires, s’exprime ainsi : Ad hoc enim potes tas super omnes homines dominorum meorum pietati cselilus data est, Ut qui bona appetunt adjuveutur, ut cwlorum via largius paleat, ut terrestre regnum cœlesti regno famuletur. Et ecce aperla voce dicitur ut ei qui semel in lerrenamililia signatus fuerit, nisi, aut explela militia aut pro debililate corporis repulsus, Domino Jesu Christo militare non lierai. Epist., l. III, epist. LXV, P. L., t. lxxvii, col. 663.

Écrivant encore à ee même empereur, pour lui demander de réprimer les menées ambitieuses de Jean le Jeûneur, se donnant comme patriarche œcuménique, saint Grégoire loue son auguste correspondant de ce qu’il comprend que l’on ne peut bien gouverner les choses terrestres, si l’on ne sait traiter les choses divines, et que la paix de l’Etat dépend de la paix de l’Eglise universelle, l. V, epist. xx, col. 744 sq. Il lui donne les mêmes éloges dans une autre circonstance, l. VI, epist. lxv, col. 819. De même dans une lettre à l'évê-