Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/481

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

2229

EGOISME

EHDENENSIS

2230

livement au concept de l’ordre naturel et universel des fins morales et physiques dont les moyens nous sont ici inconnus… La crainte et l’espérance n’ont plus rien de moral quand elles se rapportent à l’intérêt proprement dit. » La science de la morale, t. I, p. 287, 302.

Au fond, l’objection est toujours celle-ci : obéir à la loi par crainte ou par espoir de la sanction, ce n’est pas lui obéir ; chercher son avantage dans l’observation de la loi, ce n’est vraiment pas l’observer, c’est agir uniquement par intérêt personnel.

Le premier défaut de l’objection, c’est de mettre d’un côté l’amour du devoir et de l’autre le désir de la récompense, et de séparer l’un et l’autre par une cloison qui ne laisse aucune communication désintéressée. Mais assurément on peut observer la loi tout à la fois, parce que certaines récompenses sont attachées à son observation, et parce qu’elle est juste et honnête. Il arrivera même que la pensée de la récompense rendra plus intense la recherche du devoir. L’annexion d’une récompense à une action est comme la marque sensible et parlante qui nous en montre la valeur morale. Que l’écolier sache que des distinctions honorifiques sont attachées à la science, l’excellence de celle-ci lui apparaîtra avec plus de clarté.

Sans doute, on peut abuser des meilleures choses, on peut vicier les inclinations les plus honnêles, mais l’homme qui agit en vue de la récompense n’est pas nécessairement un mercenaire. Il le serait s’il se laissait absorber par ce désir au point d’exclure l’intention du bien et du devoir, et tel est le vice de tous les systèmes utilitaires en morale. Ils assignent comme but unique à nos actes l’avantage que la personne peut en retirer. Le reste est compté pour rien, dédaigné, raillé. Mais tout autre peut être le désir de la récompense, et tout autre il doit être dans la morale chrétienne.

Vouloir écarter de l’accomplissement du devoir toute idée de bien à recueillir, toute pensée de convenance entre l’objet et nous, c’est imaginer une morale contre nature. L’homme ne peut pas dans un acte se dégager de lui-même au point que sa tendance lui devienne comme étrangère. Videz un objet de toute convenance avec notre personne, de toute relation qui fasse de sa possession notre bien, vous nous rende/, impossible l’amour d’un tel objet. Dépouillé de cette convenance — si pareille opération était réalisable — l’objet serait, en un certain sens, bon en lui-même, il ne serait pas à proprement parler aimable ; il ne devient aimable qu’à ceux à qui il convient. Cette convenance peut ne pas être le mobile, l’objet de l’amour, et c’est ce qui arrive dans l’amour de bienveillance, mais elle est la condition de tout amour ; et la personne qui aime doit la connaître ; elle ne peut pas écarter de son mouvement vers l’objet la considération d’un élément dans lequel l’objet lui serait étranger.

Là était, peut-être, le terrain de pacification où auraient pu se rencontrer, au xvii » siècle, les deux illustres prélats que divisa un instant la question du quiétisme. Au début, il y eut, ce semble, quelque manque de précision, au moins dans la manière de formuler la doctrine. Bossuet ne paraissait admettre comme raisonnable et possible que l’amour de concupiscence ; Fénelon épurait à l’excès l’amour de bienveillance. Il aurait fallu dire que le désintéressement de l’amour ne va jamais jusqu’à empêcher de reconnaître et de sentir ce qui nous rend convenable l’objet aimé.

Ainsi la morale du bonheur n’est pas de l’égoïsme, parce qu’elle prend sa source non pas dans l’amour exclusif, mais dans l’amour ordonné de soi.

Outre les auteurs cités dans l’article, on peut consulter, dans ce Dictionnaire, les articles Amour-propre, t. i, col. 1121 ; Charité, t. ii, col. 2223, 3* conclusion, et dans le Kirchenlexikon, izilicle Se Ibstsuc ht /Bossuet, Traité de la concupiscence ; Bour datoue, Pensées sur divers sujets. De l’humilité et de l’orgueil, Qïuvres complètes, Bar-le-Duc, 1871, t. IV, p. 405-440 ; Rouie. Vertu kantienne, vertu chrétienne, dans les Etudes, 1803, t. lx, p. 288 ; Ascétisme et pliilosophie, ibid., 1896, t. lxix, p. 76 ; P. Rousselot, Pour l’histoire du problème de l’amour, Munster, 1908.

C. Antoine.

EGYPTE (ÉGLISE D’). Voir Monophysite (Église).

EHDENENSIS, Etienne AL-DOUAÏHI (Aldoensis), savant patriarche maronite, est né le 2 août 1630, au village d’Ehden (Mont-Liban), d’où son surnom d’Ehdenensis. Envoyé en lGil au collège maronite de Rome, il fit de solides études et se fit remarquer par une grande piété et des qualités intellectuelles peu ordinaires. A la fin de ses études, il était docteur en philosophie et en théologie ; on lui proposa de demeurer à Rome : il déclina ces oll’res. La S. C. de la Propagande lui conféra le titre de missionnaire apostolique et lui alloua une pension annuelle. En 1655, il quitta Rome et rentra au Liban. L’année suivante, il reçut le sacerdoce et se livra à l’éducation des enfants et au ministère dans son village d’Ehden. En 1657, pendant le carême, il se rendit à Alep avec André Akhijean, illustre jacobite converti, qui devint plus tard le premier patriarche de la nouvelle communauté syrienne catholique. De retour au Liban, il reprit ses humbles fonctions jusqu’en 1663, époque à laquelle il fut envoyé à Alep comme prédicateur. Puis, en 1668, il fut promu à l’épiscopat au siège de Nicosie (Chypre), et le 20 mai 1670, il fut élu patriarche d’Antioche pour la nation maronite ; et le pape Clément X le confirma dans cette dignité en 1672. Il gouverna cette Église jusqu’en mai 1701, avec un zèle et une énergie admirables.

Malgré les soucis de sa charge, malgré les tracasse ! des gouverneurs musulmans qui le contraignirent tic mener une vie quasi errante, et de se cacher plus d’une fois dans les cavernes de la montagne pour se dérobera leurs persécutions, il trouva moyen de composer un grand nombre d’ouvrages, pleins de piété et de science. Tous étaient restés manuscrits jusqu’en ces dernières années où l’on en a publié quelques-uns. En voici les titres : I » Explication du pontifical des ordinations, ou Chirotonia ; 2 » Explication des diverses consécrations tint se font par l’évêque ; ces deux écrits ont paru en 1 in-S", Beyrouth, 1902 ; 3° Les anaphores reçues dans l’Église maronite, ace une notice historique de leurs divers auteurs ; 4° Série des patriarches maronites d’Antioche, traduite au xvine siècle en latin par un prêtre maronite, Jos. Ascar, et utilisée par Le Quien ; elle a été imprimée, en arabe, à Beyrouth, dans la revue El-Machriq, 1898 ; 5° trois livres sur les maronites : I. leurs origines ; 2. réfutation île ceux qui les ont accusés d’hérésie ; 3. réponse aux accusations d’hérésie sur divers points <le croyance portées contre eux par certains missionnaires latins (cf. F. Nairon, Evoplia, liste des auteurs, placée en tète du livre) : les deux premiers livres ont été imprimés en arabe, à Beyrouth, 1890 ; 6° Chronique des événements relatifs à la Syrie, depuis l’hégire et surtout depuis les croisades ; des extraits de cet ouvrage ont été publiés à Beyrouth, en 1890 ; 7° un petit Traité sur la versification syriaque, au point de vue du chaut liturgique chez les syriens ; 8° un ouvrage sur la messe et tout ce qui s’y rapporte, intitulé : Livre des dix candélabres, 2 in-8°, Beyrouth, 1895-1898. C’est le chef-d’œuvre d’Ehdenensis. Une copie avaitété envoyée par l’auteur à Pierre Ambarach (voir t. i, col. 940), lorsqu’il était à Florence et à Pise ; et celui-ci le traduisit en latin, à la demande de Corne III de Médicis. Cf. de Backer et Sommervogel, Bibliothèque do la C" de Jésus, t. i, col. 1295. Ehdenensis y considère le saint sacrifice au point de vue dogmatique et pratique ;