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DÉMON D’APRÈS LES PÈRES


Pour Prudence, llamartigenia, 126-128, ibid, . col. 1021, Dieu n’est pas le père des crimes ; ce père est damnandus Averno. Dieu n’est pas l’auteur du mal ; c’est l’ange qui l’a inventé. Iiel astre, esprit, saint et le plus beau des anges,

nimis dum viribus auctus Inflatur, dum grande tumens sese altius effort.

Il a cru qu’il s'était créé lui-même et qu’il était sans principe.

Persuasit propriis genitum se viribus, ex se Materiam sumpsisse sibi, qua primitus esse Inciperet, nascique suum sine principe cœptum.

Il a voulu faire une secte, et il a entraîné d’autres avec lui. Ibid., 157-177, col. 1023-1025. Plus tard, il a été pris de jalousie pour l’homme, 178 sq.

Conclusion. — Parvenu au terme de cette longue enquête sur la démonologie pendant les cinq premiers siècles, il est nécessaire de dégager les principales pensées des Pères de cette époque sur le diable et les démons. Si l’attribution de la chute de Satan à la jalousie envers l’homme fut prédominante pendant les trois premiers siècles, elle ne fut pas cependant universelle ; quelques écrivains ne donnaient pas le motif qui avait porté Satan à pécher ou en indiquaient d’autres que celui-là. Le passage biblique sur lequel on étayait ce sentiment était la parole de la Sagesse, ii, 24, suivant laquelle la mort est entrée dans le monde par l’envie du diable. La plupart des écrivains ecclésiastiques, qui expliquaient la chute de Satan par la jalousie, rapportaient à la concupiscence charnelle la faute des mauvais anges. Mais ils étaient presque tous exclusivement tributaires des légendes du livre des Jubilés ou du livre d’Hénoch ; très peu se réfèrent explicitement au récit du c. vi de la Genèse, et ils le font, parce qu’ils suivent la leçon « anges de Dieu ». Quelques-uns de ceux qui lisaient « fils de Dieu » ne rejetaient pas absolument le mariage des anges avec des femmes, parce qu’ils attribuaient aux anges un certain corps et parce qu’ils admettaient les fables païennes des faunes, des sylvains, des esprits incubes et succubes. Tous étaient imbus des préjugés de leur temps. Mais en cela, ils ne formaient pas une tradition ecclésiastique, et ils ne donnaient pas une interprétation traditionnelle du récit de la Genèse. Aussi, quand le livre d’Hénoch cessa de passer pour une prophétie, quand les Pères admirent nettement l’incorporéité des anges, quand on attribua la chute de tous les anges à l’orgueil, c’en fut fait de la croyance à l’union des anges avec des femmes. Des textes* de l'Écriture, notamment les oracles d’Isaïe et d'Ézéchiel sur le prince de Tyr et le roi de Dabylone, entendus de Satan à la lettre ou selon l’esprit, et le passage de l’Apocalypse, XII, 4, sur le tiers des étoiles, entraîné par le dragon, déjà interprété ainsi par saint Jérôme, amenèrent les écrivains ecclésiastiques à reporter la chute de tous les anges avant la création de l’homme et à attribuer leur révolte contre Dieu à l’orgueil. En faut-il conclure avec M. Tunnel que <. dans le cours du ive et du Ve siècle, la doctrine des démons subit une transformation importante ». « Jusque-là, continue-t-il, on les croyait issus du commerce des anges avec les femmes ; on reculait par là même leur origine vers l'époque du déluge. A partir du iv siècle. l'Église grecque, puis plus tard l'Église latine, cessèrent de voir dans les démons des êtres à moitié ongéliques et à moitié humains ; et elles en firent des compagnons de Satan, tombés comme lui avant la création du genre humain. Cette transformation avait été provoquée par la disparition de l’ancienne doctrine qui expliquait la chute des anges parla luxure. » Histoire de l’angéloîogie, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1898, t. iii, p. 302. Pour faire

essortir cette transformation, M. Tunnel attribuer à tous les anciens écrivains ecclésiastiques l’opinion de Lactance et de Commodien, qui font des géants, issus de l’union des anges, des démons. Mais ce sentiment a été isolé. La plupart pensaient surtout aux anges mariés et faisaient périr ou enchaîner leur progéniture géante. Il y a eu donc modification seulement, et pour les raisons indiquées plus haut, du motif de la faute. Si elle est importante au sujet des démons, elle l’est moins pour le diable lui-même, qui, tout en ayant péché par orgueil, est demeuré jaloux de l’homme. Les deux doctrines sur sa chute se sont superposées plutôt que remplacées. La nature des anges prévaricateurs est donc restée la même ; le motif de leur faute a seul changé-. Pour tous, les anges sont des esprits déchus de leur première constitution, des esprits, qui n'étaient pas nécessairement mauvais, que Dieu avait créés libres et qui avaient mal usé de leur liberté. Devenus prévaricateurs, ils ont été expulsés du ciel ; ils habitent dans l’air, et sont destinés à être enfermés pour toujours dans l’enfer après le jugement dernier. Eusèbe de Césarée et quelques autres mettent déjà cependant dans l’enfer la plupart des anges déchus. L’opinion commune leur réserve seulement pour plus tard le supplice du feu. Le sentiment de leur réintégration finale, proposé par Origène, n’a été admis que par quelques Pères ; la plupart l’ont repoussé catégoriquement. Les anges, confirmés dans le mal, sont laissés par Dieu dans le monde pour tenter les hommes. Leur pouvoir est dépendant de la permission divine et restreint. Plus tard, ils seront punis dans le feu éternel et de leur prévarication première et des nombreux péchés qu’ils ont commis depuis. La doctrine ecclésiastique sur le diable et les démons est fixée dans les grandes lignes ; elle ne subira plus dans la suite que des retouches ou des compléments de détail.

Petau, De angelis, l. III, c. i-viu, dans Dogmata theologica, Paris, 1866, t. iv, p. 57-121, et dans Cursus complétas theotogiat de.Migne, t. vii, col. 807-912 ; J. Sclnvane, Histoire des dogmes, trad. Degert, Paris, 1903, t. i, p. xxxvi-xui ; Robert, Les fils de Dieu et les filles des hommes, dans la Revue biblique, 1895, t. iv, p. 348-366, 370-373, 535-539 (article tendancieux, écrit eD vue de prouver une thèse fausse) ; J. Tunnel, Histoire de l’angéloîogie des temps apostoliques à la fin du v siècle, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1898, t. iii, p. 289-308 (à compléter et à corriger) ; Id., Histoire de la théologie positive depuis l’origine jusqu’au concile de Trente, Paris, 1904, p. 115-118 ; F. Martin, Le livre d’Hénoch traduit sur le texte éthiopien. Paris, 1906, p. cxxii-cxxxvi.

III. Du vie au xi c siècle. — Durant cette longue période de six siècles, la doctrine sur le diable et les démons n’a fait presque aucun progrès dans l'Église. On se bornait à conserver et à répéter, bien maigrement encore, ce que les docteurs précédents avaient dit à ce sujet. Xous entendrons un écho affaibli de toutes les opinions anciennes. Nous nous bornerons à quelques indications, uniquement pour ne pas rompre la suite de la tradition.

1 » En Orient, — Au VIe siècle, Procope de Gaza, interprétant Gen., i. 2. rapporte que, selon quelques-uns, les ténèbres, créées le premier jour, représentaient le diable, et l’abîme, les mauvais démons. Il ajoute toutefois que, par sa création, le diable était bon et que c’est de lui-même qu’il est devenu calomniateur et mauvais. Comment, in Gen., I, 2, P. G., t. i.xxxvii, col. 45. Il parlait par l’organe du serpent, et sa parole à Eve : « Vous serez, comme des dieux. » signifiait que les hommes pécheurs ressembleraient aux anges, qui étaient tombés avec lui. Dieu ne l’interrogea pas, parce qu’il était incorrigible et inguérissable et qu’il ne méritait pas le pardon. Ibid., m. 1 sq., col. 180. 184. 201. Dans son commentaire sur Isaïe, Procope n’entend d’aucune manière du diable le C. xiv. Sur Gen., VI, 2sq. k