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T95 DÉMON D’APRÈS LES SCOLASTIQUES ET LES THÉOLOG. POSTÉRIEURS 396

secundum ordinem tentationis. Suni. theol., tr. VI.

q. xxvi, m. i. p. 289.

Saint Thomas d’Aquin.

Il adopte et développe le plus souvent les sentiments de son maître Albert le Grand. Sa doctrine sur les démons se trouve surtout dans le Commentaire sur les Sentences, l. II, disl. III-VII, et dans la Somme théologique, I a, q. lxiii-lxiv. Il signale trois opinions sur la question de savoir si un ange peut être mauvais a principia sux creationis. La première prétend qu’il a été créé mauvais ; elle est hérétique et impossible, car Dieu ne peut créer que des êtres bons. Suivant la seconde, il a été mauvais ab inilio, non pas de la part de Dieu, sed actu propriai voluntatis ; cette opinion est vaine, parce qu’elle est sans fondement ; elle est erronée, voisine de la première opinion et condamnée par les maîtres ; elle est fausse enfin, parce qu’il est impossible qu’un être libre soit mauvais tout de suite après sa création, car sa volonté doit désirer le vrai bien avant le bien apparent. Il faut donc admettre la troisième opinion, qui nie qu’un ange puisse être mauvais dès sa création. In IV Sent., l. II, dist. III, q. 11, a. 1 ; Sum. theol., I a, q. lxiii, a. 5. L’opinion la plus probable et la plus conforme aux paroles des saints est que le diable a péché aussitôt après le premier instant de sa création. Et il faut nécessairement le dire, si on admet qu’il a fait alors un acte libre et a été créé en état de grâce. En effet, s’il avait fait un acte méritoire, il aurait acquis la béatitude, s’il n’y avait mis aussitôt obstacle par son péché. Voir t. i, col. 1238. Mais si l’ange n’a pas été créé en état de grâce ou s’il n’a pu faire au premier instant de son existence un acte libre, rien n’empêche d’admettre quelque intervalle entre la création et la chute, a. 6. Les anges déchus n’eurent pas la prévision certaine de leur faute, qui dépendait de leur libre arbitre ; ils ne l’ont pas même conjecturée. Ils pouvaient prévoir seulement qu’ils pouvaient tomber. Seule, une révélation divine aurait pu le leur apprendre ; elle n’était pas congrue. In IV Sent., l. II, dist. IV, a. 2. Il est certain pour tous les catholiques que des anges ont péché et sont devenus des démons. Il est difficile de voir comment ils ont péché, parce qu’on ne comprend pas comment ils ont pu se tromper dans le choix qui a décidé de leur sort. Ibid., dist. V, q. i, a. 1. Dans la Somme, I a, q. lxiii, a. 1, saint Thomas a déclaré que l’ange, comme toute créature raisonnable, peut pécher en raison de sa nature. Quant au péché du diable, saint Thomas dit ce qu’il n’est pas, avant d’en déterminer l’objet précis. Il a été un péché d’orgueil, puisque le diable a refusé de se soumettre à son supérieur, lorsqu’il devait le faire. L’envie toutefois a pu suivre l’orgueil, soit contre l’homme, par douleur de son bien, soit contre Dieu lui-même, parce que Dieu tire sa gloire de son excellence propre contre la volonté du diable, a. 2. Mais l’orgueil du diable, tout en consistant à lui faire désirer d’être comme Dieu, ne l’a pas poussé à vouloir égaler Dieu. Le diable savait naturellement que cette égalité était impossible, et il n’a pas pu désirer l’impossible. Cette égalité eût-elle même été possible, l’ange ne l’aurait pas désirée, car aucune nature ne peut désirer s’élever à une nature supérieure. Quant à la ressemblance avec Dieu, il aurait pu désirer la recevoir de Dieu. En désirant la recevoir propria virtute et non virtute Dei, il aurait péché. Mais il a péché, en réalité, en désirant avoir une propriété de Dieu, non pas toutefois celle de n’avoir aucun supérieur, qu’il est impossible de réaliser dans une créature, mais celle de parvenir de lui-même à sa béatitude naturelle, ne voulant pas de la béatitude surnaturelle, qui lui aurait été donnée par la grâce de Dieu, ou voulant obtenir cette dernière béatitude, non de la grâce divine, mais de sa propre vertu, a. 3. Cf. dist. V, q. I, a. 2, 3. Voir t. i, col. 1238. L’opinion commune, qui tient Lucifer poul ie premier des anges, est probable, à cause des autorités qui la professent, et des raisons qui l’appuient, en particulier parce que, pour céder à l’orgueil, il faut être supérieur aux autres, dist. VI. q. i. a. I. Or. les anges étant libres, leur chef n’était pas naturellement porté au mal, et on explique sa chute avec plus de probabilité, par le motif tiré de sa propre excellence : ce qui prouve que Lucifer était le premier des anges, a. 7. Les autres anges n’ont pu être naturellement mauvais. Étant des substances intellectuelles, nullo modo possunt liabcre inclinalionem naturalem in’aliquod qwnicumque malum, a. 4. Cf. Cont. gent., l. III, c. cvi. Ils le sont donc devenus. Saint Thomas en démontre la possibilité. Cont. gent., l. III, c. cviil-CX. Ailleurs, il en recherche la cause. C’est Lucifer, cause, non quidem agens, sed quadam quasi exhortatione inducens. Ils se sont soumis à lui, parce qu’ils ont cédé à ses suggestions. Toutefois, ils ont péché en même temps que lui. parce qu’ils ont consenti (acte pour eux instantané) à sa faute à l’instant où il la faisait, et tout en péchant par orgueil, ils ont accepté Lucifer pour leur chef, afin d’obtenir, comme lui, la béatitude suprême par leur vertu naturelle. Siun. theol-, I a, q. LXIII, a. 8 ; In IV Sent., l. II, dist. VI, q. i, a. 2. Le nombre des anges tombés a été moindre que celui des anges demeurés fidèles. Le péché est contraire à l’inclination naturelle. Or ce qui est contraire à la nature se produit in paucioribns, car la nature obtient son effet ou toujours ou dans le plus grand nombre des cas. Sum. theol., I a, q. lxiii, a. 9. C’est ainsi qu’un raisonnement sert à trancher une question diversement résolue par les Pères.

En raison de leur faute, les démons doivent habiter l’enfer, lieu horrible et ténébreux. Mais, parce que Dieu veut se servir d’eux pour éprouver les hommes, ils sont dans l’air ténébreux, et il y en aura jusqu’au jour du jugement, tant que durera l’épreuve. Cependant quelques-uns sont déjà dans l’enfer, pour y tourmenter les âmes des damnés ; après le jugement, tous y demeureront. On ne peut pas dire que, pour eux, la peine sensible soit différée jusqu’au jugement. Cela paraît être contraire aux paroles des saints et au fait que lésâmes des damnés souffrent déjà en enfer. Quant à la manière dont ils souffrent de ce tourment, saint Thomas a eu deux opinions successives. Dans le commentaire sur les Sentences, l. II, dist. VI, q. i, a. 3. il pensait que le feu de l’enfer agissait sur eux à distance. Dans la Somme, I a, q. lxiv, a. 4, tout en continuant à nier le contact immédiat du feu, il proposa une autre explication. Ainsi quelques-uns pensent qu’ils portent partout avec eux le feu de l’enfer ; mais, comme ils sont incorporels, ils ne peuvent porter un feu corporel. Il vaut mieux dire qu’ils brûlent de ce feu, bien qu’ils n’y soient pas liés, ou mieux, bien qu’ils n’y soient pas attachés, leur peins n’en est pas diminuée, parce qu’ils savent qu’elle leur est due. Il y a trois opinions sur la question de savoir si les démons, vaincus par les hommes qu’ils tentent, continuent à tenter d’autres hommes ou descendent immédiatement en enfer. Quid tamen horion vertus sit, incertum est, quia nec ratione nec auctorilate multum cou/irmari potest, dist. VI. q. i. a. 5. Il doit y avoir entre eux un certain ordre ; c’est conforme à leur nature, à la sagesse divine, qui les emploie à éprouver les hommes, et à leur malice, qui les fait se grouper pour attaquer avec ensemble et suite, a. 4. Quant à leur situation après la chute, leur connaissance naturelle ne leur a été ni enlevée ni diminuée ; leur connaissance spéculative et surnaturelle des secrets de Dieu a été diminuée, et la connaissance pratique surnaturelle, qui leur aurait fait aimer Dieu, leur a été totalement enlevée. Leur volonté est obstinée dans le mal. Cependant, quelques-uns de leurs actes peuvent être bons ex génère suo ; leurs actes délibérés sont tous