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DEMONIAQUES


hommes. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, 3 in-8°, I’ ; iris, L895, t. i, p. 683, 780. Chez les Grecs, d’ailleurs, le mot Soctpov&v, avoir un démon, signifiait simplement divaguer, être fou. Cf. Euripide, Phœnic, 888 ; Plutarque, Marcel., 23 ; Lélut, fin démon de Sacrale, in-8°, l’aris, 1850. C’est dans ce sens que les Juifs accusèrent Jésus d’avoir un démon, et, par suite, de ne savoir ni ce qu’il disait, ni ce qu’il faisait. Matth., xi, 18 ; Joa., viii, 48, 52 ; x, 20.

Les apôtres, ajoute-t-on, auraient partagé l’erreur des Juifs, alors si répandue ; et Notre-Seigneur, en délivrant les malades de leurs inlirmités, se serait, dans la manière de s’exprimer, conformé à l’erreur de son temps. Cf. Winer, Biblisches Realwôrterbuch, in-4°, Leipzig, 1833, p. 191. Il n’est pas admissible que Notre-Seigneur, par son langage, ait voulu confirmer une erreur. Il l’aurait combattue, au contraire, tout en guérissant les malades, comme il le fit à propos de l’aveugle-né. Ses apôtres croyaient que cette cécité était une punition des pécliés des parents, ou même de ceux que l’aveugle aurait commis avant sa naissance, ou pendant sa vie présente, et que Dieu aurait punis par anticipation. Les Juifs pensaient, en effet, que tout mal physique était un châtiment, comme l’avaient dit à Job les amis venus pour le consoler. Cf. Exod., xx, 5 ; Deut., v, 9. Notre-Seigneur détrompa ses apôtres au sujet de l’aveugle-né. Joa., ix, 1-8. Comment ne l’aurait-il pas fait pour une erreur plus préjudiciable encore ? Non seulement il ne chercha point à modifier cette croyance des apôtres à l’existence des démoniaques, mais il la fortifia par son enseignement, liien plus, il leur communiqua le pouvoir de guérir ces étranges malades, en chassant eux-mêmes les démons. Matth., x, 1 ; xii, 27, 43, 45 ; xv, 22 ; xvii, 15-20 ; Marc, v, 9 ; VI, 7 ; vii, 25 ; IX, 27 sq. ; XVI, 17 ; Luc., iv, 33 ; viii, 27 ; ix, 1, 40 ; x, 17, 20. Ils ont exercé aussi ce pouvoir après l’ascension. Voir col. 331.

Le démon, il est vrai, peut causer dans l’homme des désordres organiques desquels résultent des maladies qui ne dépassent pas l’ordre naturel. Job, il, 7 sq. Mais il peut faire davantage. De nombreux exemples prouvent que les évangélistes distinguaient très bien entre les maladies simplement naturelles, susceptibles d’être produites indifféremment par les agents physiques, ou par les agents supérieurs à la nature ; et les effets extraordinaires et autrement surprenants qui ne pouvaient être que la suite de l’intervention des démons. Matth., iv, 24 ; viii, 14-17 ; xii, 9-14 ; xv, 28 ; Marc, iii, 10, 11 ; Luc, vi, 18 ; ix, 43. Tout muet, tout homme sourd, tout épileptique n’est pas pour eux un démoniaque. Leur était-il possible de concevoir comme purement naturelle, une maladie qui, au moment de la guérison, projette violemment à terre celui qu’elle abandonne, et le laisse comme pour mort sur le sol ? Marc, ix, 25 ; Luc, iv, 35 ; ou bien celle qui d’un malade passe dans un troupeau d’animaux, et les précipite dans un lac, où ils sont noyés, comme il arriva pour les deux démoniaques du pays des Géraséniens ? Matth., viii, 28-31. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III », q. xliv, a. 1, ad 4, , m. Aussi saint Matthieu, dans les malades que Notre-Seigneur guérissait, distingue-t-il très clairement les démoniaques des paralytiques et des lunatiques, ou épileptiques. Cf. Vigouroux, Les Livres saints et la critique rationaliste, 5 in-8°, Paris, 1891, t. v, p. 386 sq.

La croyance des évangélistes aux démoniaques se retrouve dans les saints Pères. Très souvent ils affirment que les démoniaques existaient, à leur époque, parmi les païens. Cf. Tertullien, Apolog., c xxiii, P. L., t. i, col. 413 ; Minucius Félix, Oclaviits, c. XXVII, P. L., t. iii, col. 323 ; S. Cyprien, Adversus Demelrianum, c. xv, P. L., t. iv, col. 574 sq. ; Lactance, Divin, inslil.,

I. II, c. xvi ; 1. V. c. xxiii, P. L., t. vi, col. 355 ; S. Jérôme, Adversus Vigilant., c. x, P. L., t. XXIII, col S. Justin, Apol., i, 18 ; Dialog. cunt Tryph., D P. G., t. vi, col. 355, 070 ; S. [renée. Contra hier., l. II, c. vi, n. 2 ; c. xxxii. n. i, P. <>., t. vu. col. 725, 829 ; Origène, In Sum., homil. xvi. P. G., t. xii. col. 690 ; Eusèbe, Præp. evangel., l. IV, c. i sq. ; l. XIV, c. x, P. G., t. xxr, col. 229, 309 ; S. Athanase, De inca lione Verbi, n. 46 sq., P. G., t. xxv, col. 178 sq. ; S. Cyrille de Jérusalem, Cal., iv. 13 ; x, 19, P. G., t. XXXIII, col. 472, 685 ; S. Cyrille d’Alexandrie. Comment, in Os., c. iv. P. G., t. i.xxi. col. 130 ; Q sliones ad orthodoxos, q. XL, P. G., t. vi, col. 1285.

L’objection faite au nom des progrès des sciences médicales tombe d’elle-même, si l’on considère attentivement les faits allégués. L’ignorance a parfois confondu des cas pathologiques mal étudiés, ou mal connus, avec des possessions démoniaques. Il est faux, cependant, que l’on puisse toujours confondre celles-ci avec des affections simplement morbides. Les maladies mentales, pas plus que l’hystérie ou l’état hypnotique, ne peuvent soustraire un individu aux lois du monde physique, ni lui communiquer des lumières intellectuelles ou des forces musculaires ne présentant aucun rapport avec celles qu’il avait dans son étal normal. On ne peut nier, en outre, que, de nos jours encore, l’hystérie, l’aliénation mentale, et autres maladies, ne soient accompagnées de faits vraiment extraordinaires qu’on ne saurait rattacher au domaine strictement scientifique. Ces cas, qui déroutent la science impuissante à les guérir, et ne peuvent s’expliquer par le seul jeu des agents physiques, semblent bien dus à l’intervention de causes supérieures à la nature. De plus, comme il s’y révèle une action malfaisante et souvent immorale, on ne saurait les faire remonter jusqu’à Dieu ou àsesanges. Il faut donc y voir l’inlluence des démons ; et ces prétendus malades, sont, bien des fois, de vrais démoniaques. Cf. Jaugey, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, in-4°, Paris. 1889, col. 778 sq., 2515-2541 ; Hélot, Névroses et possessions diaboliques, in-8°, Paris, 1898.

III. Cause.

La permission donnée par Dieu au démon de s’emparer ainsi des organes corporels et des facultés spirituelles d’une créature humaine, est parfois la punition de certains péchés graves commis par les possédés, en particulier des péchés de la chair. Il n’en est pas cependant toujours ainsi. Un démoniaque n’est pas nécessairement coupable. Quelquefois, Dieu permet cet état, comme il permet certaines maladies, pour en tirer sa gloire par l’intervention ostensible de sa toute-puissance, Joa., ix, 1-8, ou pour éprouver les possédés eux-mêmes.

L’Évangile nous présente l’exemple de démoniaques gémissant sur leur triste état, dont ils se rendaient suffisamment compte pour désirer leur guérison. Il leur restait, en effet, des intervalles de lucidité et de liberté morale. Ils allaient alors demander à Notre-Seigneur de les délivrer. Mais, dès qu’ils s’approchaient du Fils de Dieu, les démons qui les possédaient, entraient en fureur, ne voulant pas lâcher leur proie. Ces malheureux semblaient alors soumis, en même temps, à deux forces contraires : l’une qui les attirait vers Jésus ; l’autre qui les en repoussait violemment. C’est à ces moments surtout qu’ils semblaient être des fous furieux, et devenaient dangereux pour ceux qui les entouraient. S’ils ne pouvaient les atteindre, ils tournaient contre eux-mêmes leur propre fureur, se déchirant et se meurtrissant les chairs. Après des paroles de supplications adressées au Messie, suivaient, sans transition, des injures et des cris de haine, ou des reproches tels que ceux-ci : « Qu’y a-t-il de commun entre toi et nous ? — Pourquoi viens-tu avant l’heure nous tourmenter ? » Matth., viii, 29 : Marc. v. 7 ; Luc. VIII, 28.