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DESCARTES

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accusation. Kleutgen, ïoc. cit. Il s’en explique, du reste, d’une façon fort flaire au sujel de l’existence de Dieu dont il doute d’abord et que sa méthode lui fait bientôl connaître et démontrer : Si guis sibi pro scopo proponat dubitare de Dm, ut in kac dubitatione persistât, graviter peccat dum vult in re tanti momienti pendere in dubio. Verum cum quis hanc sibi dubilationetn proponat tanguant médium ad clariorem ueritatis cognitionem asseguendam rem facit omnino piam et honestam. Epist., part. ii, epist. x.

3 « Le doute recommandé par Descartes et mis par lui au point de départ de ses démonstrations philosophiques est donc le doute méthodigue, c’est un procédé de dialectique, ce n’est pas, du moins dans toute son étendue, un état ou une conviction de l’esprit. Les scolastiques en ont usé largement et saint Thomas avec eux, puisque nous le voyons se demander dans sa Somme théologique sous la formule du doute, mais sans aucune hésitation d’esprit : utrum Deus sit, utrum Deus sit unus, etc. Le procédé du doute méthodigue en soi n’est donc pas condamnable en théologie. En fait, le doute méthodique cartésien n’est pas sans danger. Il est dangereux, parce qu’il est trop étendu et que, ramenant l’unique certitude primitive, du sein de laquelle toutes les autres devront sortir, à la certitude subjective de l’existence de la pensée ou de l’âme, il compromet Vobjectivité de toute connaissance humaine et donc des choses rationnelles et de la foi et des faits qui légitiment noire croyance. « En partant du point de vue adopté par Descartes ou de la simple conscience que l’esprit a de lui-même et de sa pensée, on se voyait dans l’impossibilité de parvenir à la connaissance de la réalité qui existe hors de l’esprit. On arrivait ainsi forcément à l’aveu si triste, et cependant fait avec une incompréhensible suffisance, que la connaissance scientifique de la vérité est impossible à l’esprit humain ou, pour me servir des paroles d’Hermès, qu’il y a bien une nécessité de penser les choses d’une manière déterminée, mais non de regarder comme vraies, les choses ainsi pensées. » Kleutgen, op. cit., n. 6, t. i, p. 9. Il est dangereux, parce que, malgré les réserves faites par Descartes, la logique doit amener tout esprit à douter réellement de toutes les vérités autres que l’existence de sa pensée et à étendre ce doute réel à toutes les vérités morales ou de foi. Il est dangereux, parce que la persuasion qu’il invoque de l’inutilité des philosophies qui l’ont précédé, et la volonté qu’il manifeste de créer un système nouveau de toutes pièces, porte la plus terrible atteinte à l’argument d’autorité qui a sa valeur en philosophie et qui est indispensable dans les choses de la tradition et de la foi. Comment ne pas craindre, quand on l’entend dire « de ceux qui ont commencé par l’ancienne philosophie, que d’autant qu’ils ont plus étudié, d’autant ils ont coutume d’être moins propres à bien apprendre la vraie. » Ibid.

IV. La TUÉODICÉE DE DESCARTES.

L EXISTENCE DE

dieu. — 1° C’est par la théodicée que Descartes commence la construction de tout son système ; c’est sur Dieu, son existence et sa véracité qu’il fonde toute certitude. « Je dois examiner s’il y a un Dieu, sitôt que l’occasion s’en présentera ; et si je trouve qu’il y en ait un, je dois aussi examiner s’il peut être trompeur ; car, sans la connaissance de ces deux vérités, je ne vois pas que je puisse jamais être certain d’aucune chose. » Troisième méditation, édit. X. C.haix, t. i, p. 117. Il n’y a donc pas de certitude possible pour les athées.

2° Mais comment prouvera-t-il l’existence de Dieu. si le doute règne partout et enveloppe son esprit, sauf sur le point unique de l’existence de sa pensée et de son àme ? Il arrivera à se démontrer (nous disons à se démontrer et non pas à démontrer) l’existence de

Dieu par l’existence de l’idée de parfait ou plutôt d’imparfait, parle contenu de cette idée de parfait, par sa

propre existence : ce sont là les trois voies que >-uit son raisonnement et que nous décrirons, afin de bien montrer en quoi l’argument à triple face de Desi se différencie dans la forme de celui de saint Anselme, tout en s’y réduisant au fond.

I. Pour Descartes, l’idée de l’imparfait et du fini suppose celle du parfait et de l’infini ; sans celle-ci, celle-là est impossible et inconcevable et. dès lors, le fait que je doute, que j’ai conscience de mon doute et donc de l’imperfection qu’il met en moi prouve que j’ai préalablement l’idée de quelque état plus parfait que celui-là, de quelque être supérieur à moi en qui ne sont pas mes imperfections. « Je ne dois pas imaginer que je ne conçois pas l’infini par une véritable idée, mais seulement par la négation de ce qui est fini, de même que je comprends le repos et les ténèbres par la négation du mouvement et de la lumière ; puisqu au contraire je vois manifestement qu’il se rencontre plus de réalité dans la substance infinie que dans la substance finie, et partant que j’ai en quelque façon premièrement en moi la notion de l’infini que du fini, c’est-à-dire de Dieu que de moi-même ; car comment serait-il possible que je pusse connaître que je doute et que je désire, c’est-à-dire qu’il me manque quelque chose et que je ne suis pas tout parfait, si je n’avais en moi aucune idée d’un être plus parfait que le mien, par la comparaison duquel je connaîtrais les défauts de ma nature ? » Troisième méditation, Œuvres, t. 1. p. 127-128. J’ai donc l’idée de l’infini ; or la présence de cette idée en moi prouve l’existence de Dieu. J’ai l’idée de Dieu, donc Dieu existe… En effet, d’où cette idée a-t-elle pu venir ? De moi ou du dehors ? De moi. je puis avoir l’idée des autres hommes, puisqu’étant mes semblables, je trouve en moi de quoi les concevoir. De moi encoreje puis tirer l’idée des choses inférieures, puisque celles-ci existant entièrement en moi, il suffit pour les concevoir que j’enlève à la connaissance que j’ai de moi quelqu’un de ses éléments ou quelqu’une de ses perfections. Mais dans l’idée de Dieu il y a quelque chose qui n’a pu venir de moi-même. « Par le nom de Dieu, j’entends une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute connaissante, toute-puissante, et par laquelle moi-même et toutes le< autres choses qui sont (s’il est vrai qu’il y en ait qui existent) ont été créées et produites. Or, ces avantages sont si grands et si éininents, que plus attentivement je les considère, et moins je me persuade que l’idée que j’en ai puisse tirer son origine de moi seul. Et par conséquent, il faut nécessairement conclure que Dieu existe ; car, encore que l’idée de la substance soit en moi, de cela même que je’suis une substance, je n’aurais pas néanmoins l’idée d’une substance infinie, moi qui suis un être fini, si elle n’avait été mise en moi par quelque substance qui fût véritablement infinie Troisième méditation, p. 127. La présente en moi de l’idée d’infini ou de l’idée de Dieu ne peut donc s’expliquer que par l’action et l’existence de ce Dieu infini. 2. Descaries complète sa thèse par cet argument : que le contenu de l’idée de Dieu postule l’existence de Dieu : « Revenant à examiner l’idée que j’avais d’un être parfait, je trouvais que l’existence y était comprise en même façon qu’il est compris en celle d’un triangle que ses trois angles sont égaux à deux droits ou eu celle d’une sphère que toutes les parties sont également distantes de son centre, ou même encore plus évidemment ; et que, par conséquent, il est pour le moins aussi certain que Dieu, qui est cet être si parfait, est ou existe, qu’aucune démonstration de géométrie le saurait être.) Discours : sur la méthode, IVe partie. Œuvres, 1. 1, p. 31. Ceci est proprement l’argument de saint Anselme. Voir Anselme > : >’ « (/« i, 1. 1, col. 1350. Cf. Notes et éclair