Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

., ., .,

DESCARTES

556

miner par la force du raisonnement humain une chose qui ne dépend que de la pure volonté de Dieu. » ld : ponse aux sixièmes objections, Œuvres, i. i. p. 343.

Il y a ici mie confusion. Évidemment Dieu peut toujours retirer son concours, non seulement à l’àme, mais à tout être à chaque instant de sa vie. La question est autre. Il s’agit de savoir si, le concours de Dieu (Mant supposé acquis, l’àme a telle nature qu’elle puisse vivre et agir en dehors du corps et une fois sépari lui. Si oui, elle est immortelle, n’ayant en elle aucun principe de dissolution, mais au contraire, un principe permanent de vie. Prétendre que l’àme ne saurait être dite immortelle, parce que Dieu peut lui retirer son concours, équivaut à refuser le nom de « viable » à un être vivant bien constitué, parce que Dieu peutl’anéantir à chaque instant.

Enfin, la preuve de l’immortalité par la création de l’àme ne porte pas : de ce que Dieu ait créé une chose, il ne s’ensuit pas qu’elle soit incorruptible. Il pourrait créer un corps humain, lequel serait nonobstant mortel. La preuve ne vaudrait que si l’on disait : l’âme ne peut être le produit de forces créées, elle doit être nécessairement créée par Dieu, donc elle est immortelle.

Descartes a donc eu raison d’admettre l’immortalité de l’àme ; mais il faut regretter la faiblesse des raisons sur lesquelles il appuie cette vérité.

VI. La doctrine eucharistique.

1° Nous touchons ici au point de l’enseignement dogmatique le plus menacé par la philosophie cartésienne. Il est évident à première vue que si l’essence du corps réside dans son étendue, si, d’une façon plus générale, la substance est inséparable de ses accidents, la formule traditionnelle du mystère eucharistique devient difficilement acceptable. L’étendue du pain reste après la consécration certainement. Comment confesser avec cela que le pain a été transsubstantié, c’est-à-dire converti en la substance du corps de Notre-Seigneur ? Comment admettre l’absence d’un pain dont l’étendue est conservée, et la présence d’un corps humain dont l’étendue est absente ? Problème extrêmement difficile à résoudre el en face duquel Descartes a surtout gardé l’attitude prudente du silence. Il n’a publié à ce sujet qu’une réponse au P. Mersenne relative à des objections faites par Arnauld, et quelques pages de méditations métaphysiques provoquées par des difficultés soulevées par quelques philosophes et théologiens. Ajoutez à cela deux lettres secrètes au P. Mestand (on en trouvera le texte dans Fr. Bouillier, Histoire de lap/til. cartes., c. xxi, t. i, p. 438 sq.). Sur le même sujet, M. l’abbé Lemaire a découvert à Chartres et publié une courte lettre de Descartes à Clerselier et un extrait d’une autre lettre, écrite à une personne dont Clerselier déclare ignorer le nom. Paul Lemaire, Boni Robert Desgabets, I re partie, c. IV, Paris, 1902, p. 100 sq. Dans ces documents on voit que Descartes craignait de se prononcer, « parce que n’étant point théologien de profession, j’avais peur que les choses que j’en pourrais écrire, fussenl bien moins reçues de moique d’un autre. « Aussi, dit-il au P. Mestand : « Je me hasarderai ici de vous dire en confidence une façon qui me semble assez commode et très utile pour éviter la calomnie des hérétiques qui nous objectent que nous croyons en cela une chose qui est entièrement incompréhensible et qui implique contradiction ; mais c’est, s’il vous plait, à condition que, si vous la communiquez à d’autres, ce sera sans m’en attribuer l’invention, et même que vous ne la communiquerez à personne, si vous jugez qu’elle ne soit pas entièrement conforme à ce qui a été déterminé par l’Église. » Fr. Bouillier, p. 440, Et dans l’extrait de lettre à un inconnu, sur la difficulté : « Comment le corps de Jésus-Christ peut être sous les mêmes dimensions où était le pain, n il s’exprime ainsi : « Je n’ai plus besoin de chercher aucune explication, et bien que j’en puisse

p quelqu une, je mla Uvulguer,

qu’en cea matières là les plu-, communes opinions sont les meilleures. Lemaire, Dont Robert Desgabets, p. 102.

i Ses solutions s, j|, t très obscures et non moins embarrassées. Dans la première lettre au P. Mestand, la plus importante, il considère d’abord trois superficies : celle du pain qui demie a moins

que le pain ne change ; celle qui touche le pain, laquelle aussi demeure eadem numéro à moins que l’air ne change ; el i la superficie moyenne entre l’air et fipain (lui ne change ni avec l’un ni avec l’autre, mais seulement avec la figure des dimensions qui sépare l’un de l’autre. » C’est ohscur : c’est sans doute ce principe qui inspire la lettre non moins obscure à Clerselier. « Pour la difficulté que vous proposez touchant le saint-sacrement, je n’ai autre chose à y répondre que si Dieu met une substance purement corporelle en la place d’une autre aussi corporelle, connue une pièce d’or à la place d’un morceau de pain, ou un morceau de pain à la place d’un autre, il change seulement l’unité numérique de leur matière, en faisant que la même matière numéro, qui était or, reçoive les accidents du pain, ou bien que la même matière nuu qui était le pain A, reçoive les accidents du pain 11. c’est-à-dire qu’elle soit mise sous les mêmes dimensions, et que la matière du pain B y soit ôtée ; mais il y a quelque chose de plus au saint-sacrement, car, outre la matière du corps de Jésus-Christ, qui est mise sous les dimensions où était le pain, l’àme de Jésus-Christ, qui informe cette matière, y est aus-i

Descartes considère en outre dans la première lettre au P. Mestand, que, grâce à la circulation du sang et à la nutrition, il n’y a « aucune particule de notre corps qui demeure le même numéro un seul moment ; encore que notre corps, en tant que corps humain, soit toujours le même numéro pendant qu’il est uni avec la même âme ; et même en ce sens il est indivisible, car si l’on coupe un bras ou une jambe à un homme, nous ne pensons pas que celui qui a un bras ou une jambe coupée, soit moins homme qu’un autre. »

Il considère encore que « lorsque nous mangeons du pain et buvons du viii, les petites parties de ce pain et ce vin se dissolvant dans notre estomac, coulent incontinent de là dans nos veines, et par cela seul qu’elles s’y mêlent avec le sang, elles se transsubstantient naturellement et deviennent parties de notre corps, bien que si nous avions la vue assez subtile pour les distinguer d’avec les autres parties du sang, nous verrions qu’elles sont encore les mêmes numéro qui composaient auparavant le pain et le vin ; en sorte que si nous n’avions point de garde à l’union qu’elles ont avec l’àme, nous le pourrions nommer pain et vin comme devant. Or, cette transsubstantiation se fait san> miracle, r On sent ici une préoccupation, qui grandira dans l’école cartésienne, c’est de réduire au minimum la part du miracle dans la transsubstantiation eucharistique.

Toutes ces considérations étant présupposées, ’Descartes aborde son interprétation du mystère. A l’exemple de la transsubstantiation précédent i vois point de difficulté à penser que tout le miracle de la transsubstantiation, qui se fait au saint-sacrement, consiste en ce qu’au lieu que les particules du pain et du vin auraient dû se mêler avec le sang de Jésus-Christ, et s’y disposer en certaines façons particulières, afin que son âme les informât naturellement, elle les informe sans cela par la force des paroles de la Ce cralion ; et au lieu que cette âme de Jésus-Christ ne pourrait demeurer naturellement jointe avec chacune de ces particules de pain et de viii, si ce n’est qu’elles fussent assemblées avec plusieurs autres qui composassent tous les organes du pain et du vin nécessaires à