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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.djvu/315

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DESCENTE DE JÉSUS AUX ENFERS

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objurgations de l’enfer au diable son cliof ; au quatrièmi.

les supplications des justes à leur Sauveur. Au cinquième, par une permission de Dieu, les justes se retournent contre leurs bourreaux, et chantent la victoire du Verbe incarné. Serm., ci.x, De pascha, P. L-, t. xxxix, col. 2059-2061.

3. Les expressions de victoire et de défaite, de ruines et de dépouilles, sont passées jusque dans la poésie chrétienne et l’hymnographie. Prudence décrit longuement, dans l’hymne consacrée aux louanges du Christ, son voyage aux enfers, la porte brisée qui laisse échapper les âmes des défunts, sa victoire sur les puissances infernales :

Ouin et ipsum, ne salutis inferi expertes forent Tartarum benignus intrat, fracta cedit janua, Vectibus cadit revulsis cardo dissolubilis, Illa prompta ad irruentes, ad revertentes tenax. Objice exli’orsum recluso porta reddit mortuos.

Calhemerinon, hymn. ix, P. L., t. lix, col. 870. Sidoine Apollinaire expose, non sans les exagérer,

les résultats de la visite du Sauveur aux enfers : Postremo mortem, sed surrecturus, adisti Eripiens quidquid veteris migraverat hostis In jus, per nostrum facinus…

Il explique aussi comment le démon s’est lui-même leurré, en poursuivant le Christ :

Sic niorlua mors est,

Sic sese insidiis quas fecerat ipsa, fefellit, Nam dum indiscrète petit insonlemque reosque, Egit ut absolvi possent etcrimine nexi.

Carmen, xvi, eucharisticum, P. L., t. lvii, col. 719. Elle ne manque pas non plus d’un certain charme, la description du séjour du Christ aux enfers, que fait Dracontius, au IIe livre de son Carmen de Deo :

Dum vita perennis

Limina mortis adit, Stygii tremuere ministri,

Etïugiunt tormenta reos, invita pepercit

Tortorum metuenda marins, lux funditur umbris,

Descensum comitata Dei, simul orbe fugata,

Tartarus infelix nunquam satiabilis umbris,

Et solitus gaudere neci, turbatur amare,

Et supplex augmenta dolet. Nam damna futura

Heec augmenta dabant ; animas, uuas claustra tenebant

Carceris asterni, redituras lucis ad usus

Infremit, et legem violari deflet Averni.

Luminis impatiens, ut jam remearet ad auras

iEtliereas, orat Dominum, regemque polorum,

Ne gravet omnem Hecaten jubar insuperabile Christus ;

Aut spoliet toto nigros simul agmitie mânes.

Ad superos revocans animas virtute parentis.

Carmen de Deo, . II, v. 526-541, P. L., t. lx, col. 812-814. C’est une note analogue dans le Vexilla regs de Venance Fortunat :

Beata cujus brachiis

Pretium pependit seeculi,

Statera facta corporis

Tulitque prædam Tartari.

Miscellanea, 1. II, c. iiv Hymnus in hon. S. Crucis, P. L., t. lxxxviii, col. 96.

On devrait encore rappeler ici la série des hymnes pascales. Toutes célèbrent le Christ revenant des enfers, et font penser aux rentrées triomphales des généraux vainqueurs. Voici, à titre d’exemple, comme chante Fulbert de Chartres :

Quo Christus, invictus leo, Dracone surgens obruto, Dum voce viva personat, A morte functos excitât. Quam devorarat improbus Prædam, refudil tartarus, Captivitate libéra, Jesuni sequiintur agmina. Triumphat il le splendide.

Hymnus paschalis, 5-l’à, P. L., t. cxli, col. 352.

5° Au xir siècle, saint Anselme et Abélard s’attaquèrent tour à tour, et victorieusement, à celle tl des droits du démon et â celle du piège, son corollaire habituel. S. Anselme, Cur Dent homo, 1. I. c. iiv P. L., t. ci.vm, col. 367-368j Méditât., xi, ibid., col. 763-764 ; Abélard, ii Rom., I. II, c. m. P. L., t. ci.xxviii, col. 833-335. Cf. J. Rivièn. le dogme de la rédemption, c. xxiv, p. 446-486 ; Henry E. Oxent Histoire du dogme de la rédemption, trad. Bruneau, c. iv, Paris, 1909, p. 187-232. Bientôt l’on vit dispar aussi de la littérature théologique ces explications qui représentent la descente aux enfers comme le moyen employé- pour renverser’un empire qui n’eut jamais d’existence qu’en de fausses imaginations.

//L L’ŒVTRE DP CBRIST Al X B.VFRRS, APRÈS

PATRtSTlQUE. — » La littérature théologique. — 1. Après l’intervention de saint Anselme et d’Abélard,

c’est la doctrine du sacrifice, et de la satisfaction off à Dieu, qui prévalut justement dans le concept et l’explication théologiques de la rédemption. Saint Paul l’avait expressément enseignée, et de l’aveu même des protestants, on la rencontre dans nombre d’écrits de l’époque patristique, avec les théories précédemment indiquées. Comme conséquence, pour rendre compte de l’œuvre de la descente aux enfers, la lie se du Christ libérant les Ames des limbes où elles l’attendent, prit plus de précision et devint bientôt la thèse unique et universelle. L’idée ou l’image de victoire pour le Christ et de défaite pour le démon put y demeurer associée en un certain sens. Le démon se trouve, comme tentateur, avoir entraîné le genre humain dans sa révolte et sa punition, en causant, pour sa part, la faute originelle et même les fautes actuelles. Par suite, il semble subir une sorte de défaite personnelle, quand le Christ, effaçant le péché d’origine et ses conséquences, délivre des limbes les âmes des justes.

2. L’ancienne scolastique, tout en répétant simplement l’enseignement traditionnel, ne tarda pas à soulever, à propos de la descente aux enfers, une foule de problèmes connexes. Hugues de Saint-Victor se demande si, durant la mort de Jésus, la divinité fut séparée de l’humanité. Summa, tr. I, c. xix, P. L., t. ci.xxvi, col. 78-80. Le premier, Robert Pulleyn. étudie, en détail et dans un ordre systématique, la délivrance des patriarches et des pères d’Israël dans les limbes. Il se pose à ce sujet les problèmes les plus minutieux. Sent., 1. IV, c. xvi-xxvi : 1. V, c. i-ih, P. L., t. u.xxxvi. col. 823-830, 829-831. Pierre Lombard n’offre sur la descente aux enfers que des considérations très générales, bien que très élevées, mais ses commentateurs, les Sententiaires, en prendront texte pour l’exposé plus développé de la doctrine. Sent., 1. 111, dist.XXH. Innocent III recherche à quel moment précis la descente a eu lieu : Ulrvm ipsa die mortis ? Serm., v. De resurect. Domini ; Serin., xx. in dont. I ]>o$t pascha, P. L., t. ccxvii, col. 469 sq., 102. Alexandre de llalés ne s’étend pas sur l’ouvre de.lésus au séjour infernal, mais il étudie plutôt l’état de sa personne, sedemandant si alors il était vraiment homme, s’il est allé au véritable enfer, s’il n’était pas indigne de la nature divine de descendre en ces lieux. Summa, part. I. q. xix, m. i-v.

Avec saint Thomas, les contours définitifs de la doctrine sont arrêtés désormais. Siim. theol., III 1, q. ni. L’avenir ne fera que le répéter, tout en développant davantage certains points secondaires, ou en tirant les conclusions contenues dans ses prémisses. Nous ne rapporterons ici aucun texte : ceux que la théologie nous obligera plus loin d’invoquer suffiront amplement à démontrer que le grand courant théologique est demeuré identique depuis l’époque de saint Thomas, en passant par les Sommistes et par les théologiens modernes. Les poètes, comme Dante, n’ont rien dit