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DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE

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d’illusions des sens, d’erreurs, etc. ; nous acceptons les faits constatés, tout en nous déliant des interprétations que l’on en donne ; mais nous nions la parité des cas.

— 2. On nous montre que les sciences de classification, par exemple la botanique, n’atteignent guère <|ue les dehors des choses ; et que les sciences physiques font souvent de même, par exemple quand elles définissent l’électricité, « la cause inconnue des phénomènes suivants. » On répond avec saint Thomas que les sciences de classification ne définissent les êtres que par leurs accidents, comme lorsqu’on dit que l’homme est un bipède, et que souvent les sciences physiques ne définissent les causes que par leurs effets, parce que les différences essentielles des êtres nous échappent souvent : essentielles differentise ex accidenlibus nominantur, In IV Seul., I. III, dist. XXVI, q. l, a.i, ad 3°"’ ; sicut causa signi/icatur per suum effectum, vicul bipes ponitur differentia hominis. De ente et essenlia, c. vi, Venise, 1595, t. v, p. 28. Mais nous échappent-elles toujours ? Et ne savons-nous réellement rien de l’électricité, des champignons, ete ? Les apparences ne nous appprennent-elles absolument rien des réalités’.' Cf. Hastings, Encijclopœdia of religion and elltics, Edimbourg, 1908, art. Agnostieism et Absolule ; Catholic Enajclopsedia, New-York, 1907, art. Agnostieism. Enfin, la méthode des sciences, telle que nous l’a léguée le xviiie siècle, qui ne se préoccupe ni des causes, ni des origines, est-elle toute la méthode ? Cf. Gwatkin, The Knowledge of God, Edimbourg, 1906, t. i, p. 11.

— 3. On fait appel aux sciences mathématiques, aux intuitions spatiales et temporelles — Kant et Renouvier, La monadologie nouvelle, p. 102, 111, et passim — aux jugements synthétiques et analytiques, au symbolisme et à la conventionnalité des formules mathématiques, qui ne représentent le réel que par correspondance’.Spencer). Nous avons indiqué ce qu’il faut concéder sur ce point. Mais ici encore on devrait pour conclure nous prouver la parité des cas ; et on oublie cette règle de logique. De ce que l’activité du sujet joue un grand rôle dans la constitution de l’objet des mathématiques ; de ce que dans l’étude du quantum qui est leur objet nous faisons abstraction des relations substantielles, causales, etc., il ne suit pas que le rôle de notre esprit soit le même dans la perception des relations de similitude, de causalité qui régissent le monde concret, ni que nous n’atteignons pas ces relations dans le monde des réalités qui nous environnent et agissent sur nous.

— 4. Enfin, Kant, comme autrefois Nicolas d’Autrecourt, a la prétention de nous faire « passer par ses conditions ». L’évidence des propositions de géométrie n’est pas celle des autres propositions ; or, dans les propositions de géométrie, il ne s’agit que de rapports posés par l’esprit ; donc nos jugements sur toutes les catégories ne sont qu’un « lien logique », et penser, c’est quantifier, qualifier, etc. ; toutes opérations qui ne nous apprennent rien de l’ae inconnu. Celle négation de la possibilité de toute métaphysique objective suivrai ! chez Kant comme chez Nicolas d’Autrecourt, s’il était nécessaire que toute évidence soit de l’ordre des évidences mathématiques. Mais nous ne pouvons avoir d’évidences mathématiques qu’en faisan 1 abstraction de toutes les relations réelles connues de ions, autres que les relations de la quantité ; et cette abstraction n’est possible d’une manière réfléchie qu’autant que nous connaissons ces autres relations, qui ne sont pas des relations quantitatives. Mais s’il en est ainsi, il y a un cercle vicieux à passer du fait de la possibilité de l’abstraction mathématique à la négation d’une des conditions de ce l’ait. Sur ce point, il faut se séparer de ceux qui avec M. Sentroul, Revue néoscolastique, Louvain, mai 1906, p. 185 sq., pensent qu’il o faut passer par les conditions » de Kant. Cf. Baille, Qu’est-ce que la science ? Paris, 1907.

L’hypothèse de la subjectivité des relations, qui sont le fondement objectif des universaux et des principe ! nécessaires et universels, n’est donc pas démontrée. Nous pouvons donc rester sans trouble fidèles au lisme du bon sens. En indiquant la trame générale d< a j raisonnements par lesquels on montre que l’hypothèse nominaliste n’enlame pas les preuves classiques de l’existence de Dieu, nous avons donne’- la réponse à la seconde question posée. Nous avons quelque connaissance des substances, des causes finies ; très souvent, nous ne les désignons que par des dénominations extrinsèques ; mais nous pouvons aussi dans bien déporter des jugements valables sur leur nature intrinsèque. L’analogie ne se réduit donc pas toujours à une vague ressemblance, ni à une ressemblance de rapports, comme le veulent les nominalistes. Le raisonnement par analogie peut donc être valable ; et nous pouvons penser par des concepts analogiques les êtres immal riels, Dieu lui-même (analogie logique). L’agnosticisme dogmatique ou croyant avoue penser Dieu, puisqu’il croit à l’existence de l’Absolu ; mais il se refuse à reconnaître que nos jugements sur Dieu ont une valeur de vérité : ab eo quod res est aut non est, oralio dicitur vera vel falsa. Quand nous disons que nou> pouvons penser Dieu, nous allons plus loin : en affirmant de Dieu les attributs absolus, c’est de Dieu considéré en lui-même, abstraction faite des créatures et de notre mode de penser, que nous parlons. Si l’on admet la valeur objective des relations de causalité, de similitude et de raison suffisante, l’explication philosophique de notre dogmatisme est facile. Tout se réduit à ce raisonnement : qui finxil oculum, non considérât’.' Y’s. xem, 9. Raisonnement spontané, qui s’explicite : l’effet procède de sa cause suivant un mode déterminé’, par lequel il lui ressemble. Le principe de raison suffisante exige donc que la cause soit d’abord déterminée, avant que reflet le soit ; car toute action est produite en vertu d’un principe qui est dans la cause. S. Thomas, De potentnt. q. vii, a. 6. Donc, si parmi les effets produits par Dieu se trouve celui que nous appelons science, il faut qu’il y ait en Dieu quelque chose qui réponde à la définition de la science. S. Thomas, In IV Sent., 1. I. dist. XXXV, a. 1, ad 2 unl. Sans doute, Dieu est infini, et nous n’obtenons de sa nature intrinsèque par ce procédé qu’une connaissance très inadéquate, très imparfaite. Mais notre connaissance reste vraie. Le même saint Thomas indique bien le résultat auquel on arrive : « On parle du sourire des prés en Heurs ; la sagesse incréée, si l’on considère ce qu’elle est en Dieu — où elle est la substance divine — diffère plus de la sagesse créée que la lloraison des prés ne diffère du sourire de l’homme ; mais quant à la raison objective pour laquelle on donne le nom de sagesse et A la sagesse divine et à la sagesse créée, la ressemblance est plus grande qu’entre les lleurs des préset le sourire de l’homme, parce que cette raison objective est une par analogie (ontologique), se trouvant en Dieu comme dans le premier principe et dans la créature par voie de causalité. « lu IV Sent.. 1. 1, disp. XXII, q. 1, a. 2, ad 3’"". C’est tout ce que la logique exige, quoi qu’en ait dit Duns Scot, partisan de l’univocilé ontologique, pour que notre connaissance de Dieu soit telle que nous puissions procéder par déduction en théodicée et en théologie. Et, puisque le nominalisme n’est qu’une hypothèse, nous gardons le droit de rester fidèle à l’intellectualisme objectiviste qui est celui de l’humanité et de l’Église. A côté des autres sciences, il estime science per ullimas causas, la métaphysique.

Pour les discussions de détail avec les positivistes et les kantistes. voir Mac Cosh, The méthod o/ the divine government, 4’édil., Edimbourg, 1855 ; The mutilions of the miiui, ilntl., 1860 ; M. Cosh montre bien que l’agnosticisme de Kant et de Hamilton vient de leur nominalisme, au sens où nous avons pria