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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.djvu/407

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DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE)


qui naît de la certitude qu’il appelle morale et définit :

celle qui s’appuie sur des causes subjectives. Critique de la raison pure, Méthodologie transcendantale, c.w, sect. iii, trad. Born, t. i, p. 569. Tel est le sens pour eux de ces expressions : la religion est une vie ; une impression précède les formules religieuses qui en fournissent une expression extérieure et formelle ; Dieu est le résumé de nos expériences religieuses, etc. Si on veut les entendre dans le sens où ils les emploient — et qui est tout différent de celui qu’elles pourraient avoir sur des lèvres catholiques — il faut se souvenir que, de même que la connaissance subséquente à l’amour des mystiques, la foi justifiante est une connaissance qui, par déiinition, manque de fondement rationnel, objectivement adéquat soit à la représenlation produite, soit à l’adhésion donnée ; dont l’objet, comme tel, ne vient pas du dehors (extrinsécisme), mais est constitué exclusivement par l’action ou parla réaction du sujet ; et où la vérité objective et la certitude subjective ne se résolvent en aucun cas, soit à des raisons logiques, soit à l’autorité du témoignage divin garantissant la vérité de la pensée divine contenue dans la révélation générale.

Fidéiste et subjectiviste, la foi fiduciale est nécessairement relativiste. Car, puisque seule elle constitue l’objet religieux comme objet, elle l’exprime nécessairement en fonction de l’opération par laquelle elle le saisit et s’en tient pour assurée. La conséquence est nécessaire, puisque, d’une part, la foi justifiante comme connaissance religieuse valable se distingue adéquatement de la foi des dogmes ou des histoires ; puisque, d’autre part, l'éclosion dans l'âme de cette foi est indépendante de tout motif rationnel adéquat et reste un fait impénétrable à l’analyse. La « bonne nouvelle » à laquelle doit répondre le « oui » de l'âme, pour être justifiée, se réduit, on le sait, à peu de chose pour la plupart des protestants. Or, quanu on examine de près, dans les meetings de la rue, au temple, dans la conscience ouverte des néophytes aussi bien que dans les livres, cet acte de foi, on observe que rien n’y est affirmé de Dieu objectivement. L’idée de Dieu n’y intervient qu’indirectement, soit comme cause, soit comme terme d’un état actuel ou futur de la conscience subjective du croyant : on croit non quee vera, mais seulement quee promissa sunt. Ce fut la raison pour laquelle le concile de Trente, que le concile du Vatican n’a fait que développer sur ce point, inséra ces mots : credenles vera esse quai divinilus revelalct. Denzinger, n. 680. Les anciens protestants disaient que dans la foi fiduciale tout se passe comme dans la foi des miracles. Or le thaumaturge qui affirme avec certitude que dans un quart d’heure il opérera un prodige, n'énonce directement et explicitement rien de la toute-puissance divine ; ce qu’il affirme objectivement, c’est l'œuvre merveilleuse. De même, la foi fiduciale qui se tient pour assurée de la rémission actuelle des péchés ou de la réalité future et définitive du salut, n’affirme directement rien de la bienveillance divine considérée en elle-même. Dans la foi des miracles et dans la foi justifiante, l’idée de Dieu et de ses attributs n’est impliquée dans le phénomène subjectif de la certitude que par manière de postulat. Sans doute, il est possible dans certaines conditions de désigner l’objet religieux, Dieu lui-même, à l’aille d'étals subjectifs. Cf. Dictionnaire apologétique, Paris, 1909, t. i, col. 13 sq. Mais, enfermé dans le subjectivisme, si l’on ne se donne pas par ailleurs l’idée de l’Infini — et comment se la donner si, faisant abstraction de la révélation extérieure et tenant pour nulles les connaissances rationnelles, on ne tient pour vrai en matière religieuse que ce qui est vécu, donné par l’expérience intérieure — on n’arrivera jamais par des formules construites rigoureusement avec des états subjectifs

à exprimer rien d’intrinsèque a la nature divine.

2 » lié percussion de la doctrine de la foi justifiante sur la doctrine de la connaissance naturelle de Dieu. — .Nous avons vu que la doctrine luthérienne des suites du péché originel, le nominalisme de la dogmatique protestante poussaient la Réforme a se délier des moyens rationnels de connaître Dieu. La théorie de la foi justifiante, commune à tous les protestants, mais développée surtout chez les sectes mystiques et piétistes. a puissamment contribué à les confirmer dans cette défiance. On se souvient que le pseudo-mysticNne de Molinos l’amena à nier la valeur de la connaissance intellectuelle de Dieu, et que Boehme réduit a rien notre connaissance de Dieu considéré en lui-même et indépendamment des créatures. Il s’est passé quelque chose de semblable dans le monde protestant, par suite du rôle prépondérant, exclusif, attribut' à la foi justifiante dans la constitution de nos idées véritablement religieuses, et par suite du relativisme du mode de représentation de l’objet religieux impliqué dans ce prétendu acte de foi. Cf. Le Bachelet, art. Apologétique, dans le Dictionnaire apologétique, Paris, 1909, t. i. col. 207. C’est sur le modèle des diverses théories pseudomystiques de la foi fiduciale qu’ont été construits, depuis la fin du wiiie siècle, tous les systèmes protestants — doctrines de la foi et philosophies de la religion — qui, prenant pour base la distinction du connaître et du croire, ont nié que nous connaissions Dieu rationnellement et pourtant gardé la croyance en Dieu. A défaut d’une histoire, qui ne saurait trouver place ici, voici quelques faits, qui serviront d’indications.

1. Le flottement doctrinal du protestantisme permettait de ramener toute la religion â l’idée de Dieu ; en d’autres termes, les « essences du christianisme », puis « l’unité des religions sous la diversité des théologii étaient dans la logique et partant dans la psychologie du système des articles fondamentaux. Le protestantisme manque de règle de foi objective ; car ni la Bible, ni les formulaires ecclésiastiques, livrés aussi bien que les décisions du prince, à l’interprétation privée, ne sont des règles de foi extérieures. Intérieurement, chacun réduit le dogme à ce qu’il expérimente. De là, l’indifférentisme, le rationalisme, puis le latitudinarisme. Cf. Herzog. Realencijclopiidie, 3e édit., v » Adiaphora : Wetzer el Welte, Kirchenlexikon, 2e édit.. v° Adiaphora.

2. Même pour les protestants qui admettent encore la révélation positive, il est à remarquer que dans la foi fiduciale l’autorité du témoignage divin n’est pas le motif de l’assentiment et la base de la certitude. Denzinger, n. 1638. Car l’objet de cette foi renferme toujours quelque chose de personnel, qui n’a pas été révélé, qui n’est pas contenu dans la révélation extérieure. Etant donné que dans le système est valablement religieux seulement ce qui est donné par et dans l’expérience intérieure, on crut depuis Lessing pouvoir se passer de la révélation proprement dite, tout en restant protestant, le protestantisme étant réduit à l’idée de Dieu et à la connaissance par h' sentiment moral et religieux. On en est venu à confondre tellement la foi et la connaissance naturelle de Dieu que certains protestants, conscients de la dureté de la prédestination luthérienne et calviniste, admettent la justification des païens par la première idée de Dieu. Cf. Hastings, Dietionary of the Bible, Edimbourg, 1899, t. ii, art. Justification, p. 828 ; Denzinger, n. L040.

3. La théorie de la foi justifiante fournissait un cas typique de connaissance religieuse tenue pour valable sans connaissance intellectuelle antécédente, de croyance « sans raisons intellectuelles ». comme dit M. Payot. Voir Croyance. Pour accorder le dogme luthérien de l’impuissance de la raison en matière morale et religieuse et le privilège de vérité que Ion attribuait à l’expérience religieuse, on imagina d’abord que, s’il