Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.djvu/421

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
819
820
DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE)


on n’explique pas la croyance en Dieu chez ceux qui n’ont pas la révélation, clic/, les fidèles, qui, soit par ignorance, soil par grossièreté, ne sont pas capables de toutes les analyses psychologiques dont on nous parle. Et, d’une énumération 1res incomplète, portanl sur le cas spécial des catholiques fervents, on passe à une généralisation comprenant tous les individus, toutes les situations.

b. On nous décrit avec art certaines modalités de la vie intérieure ; on nous fait remarquer que les réalités suprasensililes prennent pour nous, lorsque ces moda. lités accompagnent nos actes, un aspect de vérité, d’objectivité spécial : ce qui est incontesté ; et on nous demande d’avouer que la connaissance que nous avons de ces réalités n’est objective, réelle, que par ces modalités. Mais réel signifie deux choses : existant hors de moi indépendamment de mes états, ou bien dont l’existence objective m’affecte dans ma vie émotive, dans mes jugements de valeur. Les modernistes, pour tirer leur conclusion, devraient nous montrer que nous ne pouvons pas percevoir le réel au premier sens, sans passer par la perception du réel au second sens. Est-il vrai qu’il n’y a pas connaissance du réel, de l’objectif, indépendamment de l'état émotif que le réel excite quelquefois en moi, ou de l’estime qu’il fait naître ? Je ne nie pas qu’en certains cas la réllexion philosophique ne puisse, de cet état émotif, de cette estime, s’ils sont donnés dans la conscience, remonter à la réalité ; il y a très longtemps que certains théologiens ont essayé de défendre par cette voie l’argument de saint Anselme. Je ne nie pas, dans tous les sens du mot, que le sentiment soit « faculté du réel ».Mais les observations qu’on nous apporte prouvent-elles qu’il est « la faculté du réel » ? La répétition des mots « réalité vécue, réel agi » n’est pas une réponse à la question.

c. Les bons catholiques atteignent les réalités divines dans leur vie intérieure. Nous en convenons. Comme pour argumenter, on a choisi des cas où, d’une certaine façon, ils les atteignent par le sentiment, par l’estime, on conclut que le sentiment est « la faculté du réel ». Admettons-le pour un instant. Cela exclut-il la connaissance objectivement valable du réel, je ne dis pas indépendamment du sentiment, ce qui serait contre l’hypothèse que je concède à ce moment, mais par un autre moyen, x ? Non. En effet, mettons que le sentiment soil un épiphénomène nécessaire et constant de x, il restera vrai de dire que le sentiment est « la faculté du réel », même si l’on admet que x atteint le réel. Quand donc on nous démontrerait qu’il n’y a pas connaissance du réel sans sentiment, par exemple, parce que l’homme va à la vérité de toute son âme, il ne s’ensuivrait aucunement que notre puissance abslractive n’atteint pas le réel ; il s’ensuivrait seulement qu’elle ne l’atteint pas, sans que le sentiment ne l’atteigne aussi à sa façon. En d’autres termes, le rôle du sentiment n’exclut pas, mais suppose l’exercice de notre faculté intellectuelle de connaître ; et les analyses des modernistes ne contiennent rien qui démolisse la position classique en cette matière.

Nous croyons donc pouvoir conclure que leur argument : « la vie intérieure atteint le réel, donc la connaissance purement intellectuelle ne l’atteint pas, » pèche par nullité d’inférence, puisqu’ils n'établissent pas le sens exclusif de l’antécédent. Si d’ailleurs ils disent qu’ils ont le droit de donner le sens exclusif à cet antécédent, parce que les « résultats acquis de la critique kantienne et spencérienne « démontrent l’inanité de la connaissance intellectuelle, nous n’avons qu'à observer qu’en réalité ils concèdent la valeur du Kantisme et du positivisme, qu’ainsi la conclusion de leur enlhymème, qu’ils se donnent l’air de déduire de l'étude du fait religieux, ne suit en réalité de leur an técédent que parce qu’ils se la donnent a priori et in verba magislri.

4. Interprétation des faits.

Bien que suffisante pour montrer le défaul du raisonnement des rnodernistes, cette première réponse n’explique pas la question qu’ils ont soulevée des rapports de la connaissance rationnelle de Dieu et de la vie intérieure. Nous empruntons à Ferez, théolog nol du xvir siècle, une page qui mettra le lecteur sur la voie a suivre. Ens intenllonale aliud est logicum, aliud est reale seu roi iniialis, aliud est commune u trique. Logica enim solum agit de esse objective) conslilulo per triplicem inlcllcclus operalionem humanam ; philosophia autem moralis progreditur ad esse volili et noliti, et ad esse œslimati per a/lectum aut contemplum. Comparer avec l’action, la pensée-action et les jugements de valeur. Ulrunique ens convenil in génère enlis intentlonalis ; neque est necesse iilud restringere ad intellectum aul voluntatern humanam, sed oportet illud e.clendere ad omnem intellectum et voluntatem. Fer./ fait cette dernière remarque pour préparer le moyen dont il se sert pour défendre l’argument de saint Anselme. Voici ce procédé : nidlum bonum est esse chimeram ; sed carens omni defectuest bonum : ergo eurent omni defectu non est chimera. La majeure est évidente, dit-il, parce qu’il est de l’essence de l'être chimérique de ne pas pouvoir être l’objet d’une volilion ex judicio vero, et que, si on le veut quand même, nécessairement la volilion ne peut aboutir. On se souviendra que Leibniz avai ! lu Ferez et l’avait trouvé ingénieux. Est autem intellectus universim loquendo potentia cognosciliva perceptiva contradiclionis et invenliva rationum contradiclionis seu delectiva illarum. Voluntas autem est potentia lendensin objectum ut intellectum, nullam novam ralionem addens in objecto sed inclinationem ex parte subjecti aut declinalionem. Comparer avec ce qu’ont dit du rôle des causes subjectives de la croyance le F. Gardeil, voir Créuiiulité, t. iii, col. 2306 sq., et le P. Ilarent, voir Croyance. Ens autem intentionale est illud quod Itabel esse per denominalionem ab aclu intellectus aut voluntatis, relut si habeal esse voliti aut cogniti. El sic, positiviun intentionale est : esse nominati nomine dicta per affirmationem ; aul esse af/irmati per judicium ; aul esse voliti, aut esse œslimati, wstimalione dan le aliquam magnitudinem. En ce sens, et si l’on s’en tient à une observation sommaire, cf. Dictionnaire apologétique, Paris, "1909, t. I, col. 64, noire foi peut aller bien plus loin que notre connaissance purement notionnelle : esse nominati, ou purement logique : esse af/irmali. Mais on va voir pourquoi il n’en faut pas conclure que la connaissance notionnelle ou logique manque de portée ontologique ou que notre foi « prolonge nos idées ». En effet, est autem talis sestimalio judicium de re ex amore, cm iniitcio respondet nomen nobile et honori/icum. L'âme religieuse qui aime Dieu s’incline au Gloria Patri avec une altilude intérieure de respect, commandée par son amour ; mais son amour lui-même dépend de l’objet intellectuellement connu, et n’ajoute rien à l’objet en soi. L’auteur a recours à des exemples aujourd’hui classiques, l’iui hujus nominis quilibel intelliget et sentiet multo melius quam ullis verbis possit exprimi, si quis reflectat super hoc nomen ego et supra illud mea cita, mea sapientia. Comparer avec la réalisation de New man. Voir Croyance, t. iii, col. 2373 sq. Comparer aussi avec la vérité ; < personnelle, pour moi, agio, vécue », dont on nous parle tant. <juia enim unusquisque se amat, aliter se xstimat dicendo ego atque dicendo tu, 0/7111' aliter afficitur ad meum et ad tuum. Hujus causa est, quia unusquisque judicat et xstimat ex affectu. Cette remarque est du prince de la logique conceptuelle. Aristote. Le chaste, dit saint Thomas, juge autrement