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DIEU (SON EXISTENCE)


effet, pouvoir suffire, sans même que nous fassions cette simple réflexion, hxc vox est connexa cuni exislenlia Pétri. De la sorte nous pouvons concéder que, pour celui qui a l’habitude de la vie chrétienne, la réalisation imaginative ou intellectuelle de Dieu suflit pour que, sans inférence, il juge que Dieu existe. Mais il ne suit nullement de là que l’idée confuse de Dieu dont nous étudions la genèse soit ou puisse être naturellement telle qu’elle nous manifeste avec évidence l’existence réelle de son objet. Ne prêtons pas nos habitudes acquises à la nature. C’est pour l’avoir fait qu’on reste sans réponse devant ceux qui assignent pour tout fondement aux religions « des émotions puissantes et vagues, unies par un lien fort lâche à des images confuses et instables, qui prêtaient à l’objet religieux pour un instant une forme objective. » Marillier, art. Religion, dans la Grande encyclopédie, p. 347.

c) Hypothèse morale. — On a essayé de suppléer à l’insuffisance évidente de l’hypothèse psychologique par l’adjonction de considérations morales. On attribue aujourd’hui, en France, à Kant l’honneur d’avoir introduit en théodicée la morale pour expliquer la genèse de l’idée de Dieu. En réalité, Kant pensait que le ciel étoile, l’ordre du monde, nous donne la première idée de Dieu, Critique de la raison pure, Dialectique transcendantale, 1. II, c. iii, sect. VI, et que la loi morale seule nous donne la certitude subjective de son existence. Cf. Caird, The critical philosophy of Kant, Glasgow, -1889, t. ii, 1. II, c. v, p. 289 ; 1. III, c. v, p. 507. Avant Kant, l'école écossaise avait beaucoup étudié les relations entre l’idée de Dieu et la morale ; et c’est aux Sermons on human nature de Butler que le Royaume-Uni doit la" vulgarisation de cet ordre d'études. Vulgarisation, car les moralistes protestants, les jansénistes et aussi les théologiens catholiques avaient beaucoup écrit sur ce sujet avant Butler. Voir Péché philosophique ; Denzinger, n. 1156-1159. Les théologiens catholiques et avec eux Butler et plus récemment le théologien écossais Chalmers, Natural theology, Opéra, Glasgow, 1836, t. i, p. 331, considèrent la conscience morale comme un pouvoir délégué, c’est-à-dire en langage augustinien comme une participation de la loi éternelle, et en ce sens comme la voix de Dieu. Le fait des impératifs nous donne, en effet, le sentiment d’une autorité et nous suggère ainsi puissamment et immédiatement la notion d’un législateur et d’un juge souverain : comme cette autorité ne s’est pas constituée d’elle-même en nous, par une inférence causale très rapide nous passons à l’affirmation d’un législateur, extérieur et supérieur à nous. Rien n’est plus classique. Mais on a cherché à se passer de cette inférence ; dans cette vue on a conçu la conscience morale, non pas comme un pouvoir délégué, comme un guide intérieur, mais bien comme la perception d’un pouvoir directeur dans un autre que nous ; et on a dit que le fait des impératifs est une intuition de la volonté divine et que l’autorité avec laquelle la conscience nous parle est l’expression directe, et par conséquent littéralement, la voix de Dieu en nous. Cf. Tullocb, op. cit., p. 273. Nevvman s’est approprié cette doctrine, qui, se donnant l’audition d’une parole étrangère dans la conscience morale, supprime toute inférence dans la connaissance spontanée de l’existence de Dieu. Cf. Baudin, La philosophie de la foi chez Neivman, dans la Revue de philosophie, octobre 1906, p. 377. M. Le Roy se déclare prêt à accepter la preuve de l’existence de Dieu parles aspirations de l'âme, à la condition toutefois que l’on parvienne » à établir que les données dont elle part, je ne dis pas entraînent, mais constituent l’affirmation de Dieu, » c’est-à-dire à la condition que cette preuve ne soit plus une preuve, mais se réduise à une intuition. Le Boy, Comment se pose le problème de Dieu, dans la Revue de métaphysique et de morale,

mars 1907, p. 156. — Critique. — a. On a vu plus haut, col. 841, que Suarez admet que dans une révélation privée l’homme peut apprendre de Dieu lui-rnéme l’existence de la divinité. Cf. Ulloi, Theologia scolastica, Augsbourg, 1719, t. i, disp. I, c. il. Mais nous nous occupons ici de la connaissance naturelle, et donc sans révélation proprement dite ; et personne ne soutiendra que l’expérience nous donne ce que requiert Suarez pour qu’une telle ré vélation soit rationnellement certai in Saint Augustin, Confessiones, I. VII, c. x, P. I.., t. xxxii, col. 732, parlant de la révélation du nom de Dieu, écrit : El clamasli de longinquo : Imo vero : Ego sum qui sum. Et audivi sicut auditur in corde et non erat prorsus unde dubitarem ; faciliusque dubilarem vivere me, quant non esse veritatem, quee per ea quse facta sunt, intellecta conspicitur. Donc saint Augustin, parvenu à la connaissance de Dieu par la voie de causalité, superior quia ipse fecit me, et ego inferior, quia faclus sum ab eo, compare à la parole et à l’audition intérieure l’action divine et sa répercussion en son âme : le cas n’est pas chimérique, cela s’appelle en scolastique apprehensio suasira, vi cujus absque ulla alia suadente ac probante ratione certi omnino sumus. Mais le phénomène est rare ; et le texte de saint Augustin n’attribue pas à cette audition la première certitude de l’existence de Dieu, mais seulement une connaissance plus parfaite de la nature divine. D’ailleurs, les protestants qui ont si souvent cité les Confessions, 1. XI, c. iii, P. L., t. xxxii, col. 811, en faveur de l’inspiration privée, de la parole intérieure. n’ont pas remarqué qu’après s'être adressé à la vérité pour être instruit, saint Augustin nous en donne la réponse : Ecce sunt cselum et terra, clamant quod facla sint. — b. Enfin, l'âme chrétienne habituée à recevoir avec respect la parole révélée de l'Écriture et de l’enseignement de l'Église, habituée aussi, puisque le décalogue est révélé, à regarder comme exprimant la volonté divine révélée la voix de sa conscience, n’a pas de peine à ne plus considérer dans les impératifs le diclamen, comme un fruit de son propre esprit ; elle le conçoit comme la voix du législateur suprême. Mais peut-on soutenir que tout homme réalise spontanément la loi morale comme le font les chrétiens fervents et même comme l'éducation a formé nos athées modernes à le faire ? Non, parce que les faits sont là, brutaux, indéniables. La conscience n’est jamais absente, mais elle s’impose chez les athées « comme le dictamen de leur propre esprit et rien de plus. » C’est Newman luimême qui reconnaît le fait, ldea of a Universily, dise, viii, n. 5, 3e édit., Londres, 1873, p. 192. « La conscience n’est pas pour eux, dit-il, comme elle le devrait, la voix d’un législateur. » Mais, s’il dépend de nous de ne pas entendre l’affirmation de l’existence de Dieu dans le dictamen, c’est donc que le fait de l’impératif n’est pas lié pour notre esprit à l’existence de Dieu comme 2 et 2 sont pour lui liés à i.

d) Hypothèse épistémologique. — On sait que du cartésianisme on a déduit l’idéalisme, c’est-à-dire la doctrine d’après laquelle nos idées sont le fruit de notre propre activité, de notre raison ; il est historiquement certain que de bonne heure les cartésiens, sans beaucoup se préoccuper des arguments de Descartes, ont fait l’assomption d’une connaissance immédiate de Dieu. On commença avec Fénelon par parler de « la merveilleuse représentation de l’infini, qui tient de l’infini même et qui ne ressemble à rien de fini. > : De l’existence et des attributs de Dieu, c. H. Mais Fénelon, comme plus tard Louis Racine, La religion, c. I, de cette idée remontait à Dieu par la causalité. « Ouelle main, quel pinceau, dans mon âme a tracé, d’un objet infini, l’image incomparable ?, » Mais déjà Saguens. De perfectionibus divinis, Cologne, 1718, t. i. p. 363, soutenait que l’idée innée de Dieu précède la connais-