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DANIEL (LIVRE DE


future, et, si loin que se porte son regard, il la dépeint et l’idéalise toujours sur le canevas que lui fournissent les circonstances sociales, politiques, religieuses de son époque ; ainsi Isaïe, xi, 1-5, pour la monarchie messianique, Ézéchiel, xl-xlviii, pour la future communauté liturgique, Isaïe, xlii, 1-4 ; xlix, 1-6 ; l, 4-9 ; lu, 13-liii, 12, pour le serviteur souffrant de.Iahvé, ou encore, xli, 17-20 ; xliii, 1-7, pour le rapatriement et la glorification d’Israël, idéalisent le présent acceptable ou non de la royauté davidique d’Achaz ou d'Ézéchias, des petits groupes fidèles des bords du’fleuve Cbobar, des maux de la captivité, du retour des captifs. Daniel, au contraire, et ses épigones : Hénoch, IV Esdras, etc., veulent embrasser cette histoire tout entière, et ils ne manquent pas d’adjoindre au tableau de l’avenir qu’ils conçoivent, du reste, de la même façon que les prophètes leurs prédécesseurs, celui du passé, montrant que les deux font, avec leurs successions multiples de rois, d’empires, d'événements remarquables, parties intégrantes d’un tout ordonné par Dieu et résolvant toujours sa complexité de la manière prédéterminée par lui. Ce n’est plus seulement une prédiction du futur ; c’est, en plus, une pliilosopliie religieuse de l’histoire universelle. Ainsi Daniel voit en réalité ou en ligure, en vision ou strictement ou fictivement prophétique, selon les diverses interprétations, l’histoire d’Israël et du monde ancien depuis l'époque de Cyrus jusqu’aux temps messianiques premiers et derniers ; et il voit briller ceux-ci à travers l’heureuse délivrance, soit du joug romain, soit des persécutions syriennes, continuation du joug et des persécutions babyloniennes ; mais le regard du prophète s’est d’abord porté sur l’empire babylonien lui-même et ceux qui l’ont suivi, empires déjà disparus ou en train de disparaître, et par le moyen de quelques exemples bien choisis, sa plume a marqué, pour le passé, l’oppression qu’ils ont exercée toujours sur le peuple fidèle (jeunes gens dans la fournaise, in ; Daniel dans la fosse aux lions, vi), comme aussi l’issue toujours favorable qu’a eue cette oppression, grâce à la providence de Dieu qui veillait : ainsi, dans l’angoisse ou présente ou future, l’histoire du passé est ou sera le gage précieux de l’infaillible délivrance ; ces empires n’ont, du reste, pas été autrefois - ; ui-. reconnaître l’existence et la puissance du vrai Dieu ition 'lejeunes Juifs, i ; songe de la statue, II ; songe de Nabuchodonosor, iv ; festin de Balthasar, v), ei cette reconnaissance forcée, amenée par une manifestation du pouvoir divin, assure pour l’avenir la glorification universelli 'le Jahvé et de son peuple, vii, 12-14, 22, ~l~. xii, 3 ; enfin, l’on remonte, en réalité, plus haut que le siècle chaldéen : les animaux fantastique-, figures des empires, sont les succédanés des monstri - originels, images des puissances, soit naturelles, soil humaines, toujours insurgées contre le ci

leur ei le régent d unie. Job, xxxviii, 31-32 ; kxvi,

12-13 ; Is., li, 9-10 ; xxx, 7 ; Ëzech., xxix, 3-6 ; x.wn.

28, etc. ; mais Dieu qui les a vaincus toujours, les

pour cela même réduire jusqu'à la lin. Dan., vii,

VI. Caractère historique.

Si le livre de Daniel peut, pris danson ensemble, passer pour une apocail h est pas inoins vrai qu’il a, de [dus, pour une bonne partie, l’allure d un ouvrage qui demande el provoque même I" contrôle historique. Les c. i, iii-vi, xin et xiv contiennent des récits qui n’ont par euxmêmes rien d’allégorique. Ces chapitres, le songe du e. it et les visions des c. vii-xti sont encadri de donchronologiques et dynastiques ayant rapport, soil « > royau le breu de Juda, i. I 2, soil au dernier empire chaldéen, ii, I ; v. 1-2, 30 ; si, SB ; VII, l ; vill, 1, aux empire mède, i. I. p. ne, . I. xi. 1-2. et

"t l’explical des visions < pour objel

au moins partiel, c ne chacun l’admet, des événe

ments qui se réfèrent à l’histoire de quelqu’un de ces plus récents empires.

Mais l’histoire daniélique est-elle, en substance, une véridique histoire ? La prophétie apocalyptique du livre — s’il y eut pourtant prophétie proprement dite et non plutôt interprétation philosophico-religieuse d'événements passés — a-t-elle son objet au sein d’une réelle et véritable histoire ? On ne peut assurément relever, sous ce double rapport, d’erreurs formelles dans le livre tout entier ; les événements historiques annoncés au cours des derniers chapitres et qui concernent le développement des empires perse et gréco-macédonien y sont même revêtus d’une exactitude surprenante ; mais il faut dire aussi que certaines assertions donnent lieu, dans la première moitié du livre, à de très graves difficultés : ainsi de la chronologie de Dan., i, 1-2, de la folie de Nabuchodonosor, iv, 28 sq., de la filiation de Balthasar au c. v, du personnage de Darius le Mède, de son accession au trône babylonien et de son règne antérieur à celui de Cyrus, v, 30 ; vi, 29 ; ix, 1. L’exégèse traditionnelle a de tout temps soupçonné ou éprouvé quelqu’une de ces difficultés, touten s’essayant à les résoudre. Voir, dans l’antiquité juive et chrétienne, .losèphe, Anl. jud., X, xi, 2, 4 ; Conl. Apiun., i, 20 ; Origène, dans S. Jérôme, In Dan., P. L., t. xxv, col. 513 sq., 519, 523 ; S. Jean Chrysostome, In Dan., P. G., t. i.vi, col. 219 ; Théodoret, In Dan., P. G., t. lxxxi, col. 1362 sq., 1378 sq. ; S. Éphrem, Opéra syriaca, Rome, 1740, t. il, p. 208, 209 ; au xviie siècle, les commentaires de J. Maldonat, Paris, 1010, de B. Pererius, Rome, 1587, de J. Tirin, Anvers, 1032, de Corneille de la Pierre, Anvers, 1681. Parallèlement, en dehors du christianisme ou de la foi romaine, quelques auteurs contestaient l’historicité du livre. Celse (ne siècle), le premier, dans le Discours véritable (A6-, o ; kXtfir^), traita de « fable » le récit de Daniel dans la fosse aux lions (Dan., vi, ou xiv, 27 sq.), cf. Origène, Cont. Cels., vu, 53, P. G., t. xi, col. 1497 ; Porphyre (232-305), dans le l. XIIe des Discours contre Ira chrétiens (K’ara /ptatiavùv >.o-, o'.), tint pour invraisemblable le détail de Dan., ii, 46 — Nabuchodonosor « adorant » Daniel —et pour fictif tout le livre. Cf. S. Jérôme, In Dan., P. L., t. xxv, col. 482, 504. Ces objections, ou plutôt ces allégations étaient et demeurèrent sans portée. Au commencement du xxiir siècle, A. Collins en particulier lesrepril dans The schemeofliteralProphecy, Londres, 1726, p. 143. Enfin, au siècle dernier, les critiques, étudiant de près le livre de Daniel à l’instar de tous les livres bibliques, y relevèrent maint détail d’apparence inconciliable avec l’histoire de l'époque chaldéopersane suffisamment connue par les monuments. Voir auteurs et ouvrages énumérés dans rlebbelynck, De auctoritatr historica libri Danielis, Louvain, 1887, p. 35, note 2. Les réponses n’ont fait défaut d’aucun Côté, catholique OU protestant. Cf. HebbelyncU, ibid. ; Vigouroux, Les Livres saints et I" critique rationaliste, Paris. 1890. t. iv, p. 310 sq. ; Pilloud, Daniel et le rationalisme biblique, Chambéry, 1890. Depuis une quinzaine d’années, les critiques ont renforcé leurs objections dans leurs c mentaires et autres ouvrages, el

la tendance est aujourd’hui à trouver l’explication des anachronismes daniéliques dans une confusion faite par l’auteur du livre entre les traditions anciennes el véridiques dont il put avoir connaissance.

Meinhold, 1889 ; Bevan, 1899. Behrmann, 1894 ; Driver, Introduction, 1897 ; TheBookol Daniel, 1900 ; Winckier, .1 Itot ienlalische Foi n hungi n. 1 s. ne, ii, |, p. 210 sq. ; iii, 2, p. '. :  ;  :  ; s, , (1899, 1901) ; Marti. 1901, fondent principalement leurs argumenta sur une interprétation plus stricte des textes lapidaires cliahléii ins, Le Dictionnaire île la Bible, Paris, 1897, i. t,

i "i 1280 sq., a répondu < cet irguments tels que les

groupés Driver, Introduction, 'dit. de 1891 ;