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1)1 KU (SON EXISTENCE)


considéré on soi. Car la doctrine de Vasquez est fausse. I ! est vrai, dirons-nous, que la doctrine de Vasquez sur l'être absolu de Dieu est communément abandonnée par les théologiens ; mais elle reste probable, et donc le procédé d’Esparza ne peut pas aboutir, comme il le prétend, à nous donner une certitude rationnelle de l’existence de Dieu : debiliorem sequitur conclusio partent. Si l’on répond qu’on peut prouver la fausseté do la thèse de Vasquez, ceux qui ont étudié la question du médium de la science des futurs conditionnels avoueront qu’on ne se débarrasse pas très facilement de la formule vasquézienne : si par impossible une mouche possible devenait impossible, rien ne serait changé en Dieu. Quoi qu’il en soit de cette question et de la question voisine du constitutif de la liberté de Dieu ad extra où Vasquez suit l’opinion des thomistes antérieurs à Godoy et à Jean de Saint-Thomas— Cajetan excepté, dont tous aujourd’hui rejettent l’opinion — il est certain que l’opinion dont a besoin Esparza ne se prouve qu’en faisant un large usage du principe de causalité et de raison suffisante. Voilà donc que, sans recourir à l’inférence causale, on ne parvient pas à échafauder le système dont l’originalité consiste à vouloir se passer de ce moyen.

Et il faut ici remarquer que si ce dernier argument n’a pas beaucoup de force contre Esparza et son école, il est insurmontable contre les modernes qui ont renouvelé leur tentative. Il n’a pas beaucoup de force contre Esparza ; car celui-ci pourrait répondre non sans logique : Il y a dans l’Ecole seize essais de solution du difficile problème des relations de l’infini et du fini, que l’on a l’habitude de ramener à quatre types dans la question de la conciliation de l’immutabilité divine et des actes libres de Dieu ad extra. Nos actes spontanés se font indépendamment de la connaissance de ces spéculations, tout le monde en convient. Je les étudie donc tels que la conscience me les révèle, je suis amené à penser que l’une des seize solutions classiques est explicative des faits observés ; et je conclus que, si cette hypothèse est admise, l’existence de Dieu considéré en soi est donnée par la conscience. Ensuite, pour résoudre les difficultés que l’on soulève, j’ai recours aux principes de causalité et de raison suffisante ; ce que j’ai le droit de faire, puisque je ne les mets nulle part en question et que je concède qu’avec leur emploi on prouve l’existence de Dieu et que je soutiens qu’on démontre celle des seize solutions que suit la conscience. Mais les philosophes modernes qui font quelque concession au kantisme ne peuvent pas éviter le cercle vicieux, comme faisaient les anciens théologiens dont nous parlons. Us concèdent, en effet, la valeur de la critique kantienne, ou tout au moins, ils cherchent à persuader de l’existence de Dieu ceux qui admettenteette valeur et qui, par suite, rejettent l’usage transcendantal du principe de causalité. Or, Kantdans la troisième et dans la quatrième antinomie prétend démontrer qu’aucune des seize solutions classiques dont nous venons de parler et qu’il ramène à deux n’est recevable : si donc l’on admet soi-même la valeur du kantisme, ou si l’on a la prétention d’argumenter contre un kantiste, on ne pourra pas supposer comme Esparza que nos actes spontanés se font suivant une de ces solutions, et si on le suppose il restera à démontrer que cette solution est valable. Or, on s’est enlevé le moyen de faire cette démonstration, soit avant la connaissance certaine de l’existence de Dieu, soit après, puisqu’on a renoncé à l’usage transcendantal du principe de causalité. M. Blondel conclura : cela montre que le kantisme est contre nature. C’est ce dont je conviens, sans accorder qu’il en suive que Dieu existe ou que l’existence de Dieu considéré en soi soit une donnée immédiate de ma conscience, comme le veut Esparza. C’est aussi ce dont ne conviendra pas le kantiste que

l’on veut persuader ; pour peu qu’il ait pénétré le sens des deux dernières antinomies et ce que la méthode d’immanence lui demande d’accorder, il répondra : mais l’acte que vous supposez que je fais ou que vous m’invitez à faire implique précisément la solution dans un sens très déterminé des antinomies. Esparza, s’il eût connu Kant, n’eût pas nié le fait ; et je pense que tous les théologiens seraient ici de son avis. Cf. sur les antinomies, Dictionnaire apologétique, t. i, col. 33, 36 sq. D’où l’on conclut à l’inefficacité spéciale de la méthode d’immanence contre les kantistes intelligents et convaincus. On a beaucoup exploité pour l’aire de la réclame à la méthode d’immanence la « colère » de certains universitaires et athées en présence de V Action ; c’est qu'élevés dans la mentalité cartésienne ces professeurs concédaient sans examen critique que notre idée de Dieu est toujours per prsedicatum idenlificatum cum Deo ; or, c’est précisément ce que nie Kant qui la réduit toute entière à de pures dénominations extrinsèques ; M. Le Roy a vu plus juste quand, tout en se réclamant de la méthode d’immanence, il a conclu à l’agnosticisme sous le nom de pragmatisme. C’est, nous allons le voir, tout ce qu’on peut tirer de la méthode, si l’on s’y "obstine à se défier du principe de causalité et de la finalité interne.

c. Esparza et Pallavicini admettaient un discours pour légitimer dans leur système tous les passages d’idée à idée, d’objet à objet, et toutes les conversions de propositions dont ils avaient besoin. Ce discours reposait tout entier sur la thèse épistémologique suivante : L’esprit qui connaît un des termes d’une connexion comme connexe connaît du même coup l’autre terme de la connexion. Cette thèse, il faut le remarquer, fait le fond réel des quatre hypothèses précédemment rejetées. Gratry fait l’assomption du fini et par contraste ou regrès, Gûnther disait par contraposition, de l’infini : creatura connexa rjua connexa. L’hypothèse psychologique imagine la personnalité et son prolongement ou son objectivation, c’est encore une connexion. L’hypothèse morale postule une locution intérieure et son origine : encore une chose finie expérimentée et son lien avec autre chose. Les diverses hypothèses épistémologiques font de même, en insistant soit sur les similitudes dans les choses ou dans les espèces et images intentionnelles, soit sur quelque autre donnée ; il en faut dire autant de ceux qui ont essayé de résoudre tout le débat par la notion de vérité, à laquelle appelait d’ailleurs Esparza. Voir les textes cités par Esparza, sagement interprétés par Suarez, Disp. metaphys., disp. VIII. sect. vii, n. 21, La petite école dont nous parlons, qui eut en Espagne, à Rome et en Allemagne ses jours de gloire, sans se hasarder dans des thèses discutables, posait simplement le problème en termes généraux, comme la logique l’exige quand on a la prétention d’arriver à une conclusion certaine.

Quoi qu’il en soit de la question de savoir s’il v intervient deux idées ou une seule, il est incontestable et incontesté dans l'École que l’esprit qui perçoit un des termes d’une relation comme connexe, saisit l’autre terme de la relation. Tout irait donc bien si Esparza montrait, indépendamment de toute liaison ou dépendance causale, que subjectivement nous percevons creaturam connexam cum Deo ut connexam. M ; ii< l’expérience montre qu’il n’en est rien. Tous les êtres, en effet, sont connexes avec les décrets divins dont ils dépendent ; or la conscience psychologique ne nous dit rien de ce rapport. C’est la raison pour laquelle Esparza choisit des cas où la conscience psychologique ou morale, surtout cette dernière, nous avertit d’un rapport, d’une dépendance, etc. Mais il suffit pour vérifier le principe de la simultanéité de la connaissance des connexes que le terme non directement saisi soit