tence de I)ioti elle-même n’est exprimée par nous qu’en fonclion de l’impossibilité subjective où nous sommes de penser qu’il n’existe pas. Il est assez facile de montrer et à Maimonide et à Kant qu’il en est autrement. L’un et l’autre concèdent que nous concevons Dieu en relation avec le monde. « De même, dit Kant dans ses Prolégomènes, S 57. qu’une horloge, un vaisseau, un régiment se rapportent à un horloger, à un ingénieur, à un colonel, de même le monde sensible se rapportf à un inconnu. » Cf. Maimonide, Le guide des égarés, t. i, p. 247. Si la thèse de l’agnosticisme croyant est vraie, pourquoi Kant ne dit-il pas qu’une horloge se rapporte à un colonel, un vaisseau à un horloger, etc.? C’est que le bon sens réclamerait ; c’est qu’en remontant de la montre à l’horloger, de l’existence de l’une à l’existence de l’autre, par la causalité nous ne faisons pas totalement abstraction de la « capacité artistique » de l’ouvrier. Quand donc, par l’emploi du principe de causalité, nous inférons de l’elfet l’existence de la cause, nous ne concevons pas dans la conclusion la cause par une pure dénomination extrinsèque tirée de l’effet. Ainsi en est-il dans la question de l’existence de Dieu. Les raisonnements spontanés que nous étudions mettent en relief le fait de l’existence et par là nous font atteindre ce qu’on appelle la nature physique de Dieu, quelque chose sans quoi Dieu ne serait pas Dieu, cf. Theoîogia Wirceburgensis, De Deo uno, n.15 : Secundum aliquod prædicatum essentielle cognoscitur Dei essenlia præsertim physica. Et en même temps les dénominations extrinsèques tirées de ses œuvres, par lesquelles nous concevons cette cause existante, nous donnent d’elle une notion qui ne pourrait pas s’appliquera quelque autre cause que ce soit, per prxdicata converlibilia.
Les vues des cartésiens sur le sens de la conclusion dans les preuves de l’existence de Dieu sont à l’extrême opposé de celles des agnostiques croyants. Le passage suivant du P. Gratry les résume fidèlement. « Il est clair que, comme le dit Descartes, ce procédé donne du même coup la démonstration de l’existence de Dieu et la connaissance de ses attributs. Car Dieu ne peut être démontré qu’autant qu’il est démontré comme doué de ses attributs essentiels, sans quoi on aurait démontré l’existence de quelque autre chose, non celle de Dieu. La démonstration de l’existence de Dieu nous donne tout en même temps. » De la connaissance de Dieu, Paris, 1854, t. ii, p. 100. Mais, s’il en est ainsi, comment les païens ont-ils pu errer aussi grossièrement sur la nature de Dieu ; et pourtant, d’après saint Paul, ils ont assez connu Dieu pour être tenus de l’adorer, et pas assez pour éviter toute erreur sur Dieu. Le P. Gratry est ici victime du préjugé de « l’idée claire », au sens cartésien. La doctrine traditionnelle est que tous, moralement parlant, non seulement ont le pouvoir de produire, mais encore produisent l’acte de connaître Dieu ; et pourtant cette même doctrine enseigne aussi que la révélation est moralement nécessaire pour que tous arrivent sans mélange d’erreur, nullo admixlo errore, à connaître de Dieu, ce qui n’est pas de soi inaccessible à la raison. D’après les cartésiens, au contraire, Dieu prouvé, tout ce qu’on peut savoir de Dieu est connu, donné dans la conscience. On nous dit que si l’on ne démontre pas Dieu, comme doué de ses attributs essentiels, on ne démontre pas l’existence de Dieu, mais celle de quelque autre chose. Nous accordons qu’il faut que la preuve atteigne quelque chose d’essentiel. d’intrinsèque à Dieu, sinon Dieu ne sérail pas distingué suffisamment du reste des êtres ; et nous avons dit que ce que la preuve spontanée par la causalité atteint de la sorte est précisément et directement le fait de l’existence divine. Quis auteni, vel qualis sit, vel si unus iiiiihiiii est ordinator natures, nondum slaiim ex hac communi consideraliune habetur.
Contra génies, l. III, c. xxxviii. El ailleurs le même docteur explique que la preuve nous apprend d’abord de Dieu an est, quod scilicet omnium est causa et par conséquent qu’il est distinct du monde ; mais il reste à chercher ca qux necesse est
quod est prima omnium eau ns omnia sua
causala. Sum. llteol., I a, q. XII, a. 12. En d’autres termes, nous connaissons Dieu d’abord par ses attributs relatifs, qui nous servent à le désigner comme existant à l’aide de dénominations extrinsèques ; reste à le connaître au sens absolu, comme la cause de droit de tout ce qui n’est pas lui, comme l’existence nécessaire et par suite comme l’infini, etc. On a vu que nous ne voulons pas des pures dénominations extrinsèques des agnostiques ; c’est une hérésie. L’Ecole rejette aussi le cartésianisme en tant qu’engoué d’idées claires il nie la valeur de toute connaissance par dénominations extrinsèques.
On objecte à la fois, dans des intentions différentes, du côté agnostique et du côté cartésien, que nous tombons dans l’agnosticisme. La réponse est facile. Quand nous affirmons l’existence objective de Dieu, per praidicalum identificatum, ce que n’arrivent pas logiquement à faire les agnostiques croyants, et que nous disons que cette existence est affirmée d’abord du sujet Dieu, désigné par des dénominations extrinsèques, per relaliva, per prædicatum convertibile, nous avouons que dès le premier raisonnement par lequel l’esprit infère l’existence de Dieu, il ne porte pas de jugement déterminé sur la nature intrinsèque de la divinité. Mais il y a plus qu’une nuance entre ne pas distinguer des éléments objectifs du connu et ne pas les atteindre du tout. Nous reconnaissons avec saint Thomas qu’en vertu du premier raisonnement spontané, l’esprit ne distingue pas par exemple la personnalité divine ; cela ne veut nullement dire qu’il ne la perçoive pas implicitement. Ceux-là seuls peuvent confondre ces propositions, « Dieu n’est pas perçu d’une façon distincte comme personnel, infini ; Dieu n’est pas personnel, infini, » qui ignorent ce qu’est la différence entre la connaissance pênes implicitum et explicitum. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I », q. xiii, a. 2, 7, ad l um. Autre chose est de dire : la conclusion du premier raisonnement par lequel on arrive à la première connaissance certaine et personnelle de Dieu ne se présente pas sous la forme de ce jugement : Dieu est personnel, infini ; autre chose est de dire, il n’est ni l’un ni l’autre. Quamvis Deus cogitari possit sine hoc quod bonitas ejus cogitetur, non tamen potest cogitari quod sit Deus et non sit bonus. D’un autre côté, dato quod ab aliquo non cognoscatur ut jus/us, non sequitur quod nullo modo cognoscatur. De veritate, q. x, a. 12, ad 9'"" sq. Cf. De potentia, q. vii, a. 5, ad 8 anl. L'Église a depuis longtemps condamné comme hérétique la doctrine d’après laquelle nos jugements sur Dieu sont indifférents. Denziuger, n. iôô. D’ailleurs, un examen attentif du contenu réel de cette conclusion : « un ordonnateur, une cause de l’univers, existe o, découvre qu’obtenue par inférence causale et par le procédé même qui nous manifeste l’existence de son objet, l’idée du sujet de la phrase implique la personnalité, etc., soit à cause que l’esprit le saisit comme supérieur à nous, soit en vertu du principe de raison suffisante que l’esprit applique en même temps que celui de causalité, sans avoir une conscience nette du procédé qu’il emploie. D’ailleurs, rien de plus facile que de passer de l’implicite à l’explicite, de la connaissance confuse qui atteint mais ne distingue pas les notes intrinsèques de Dieu à une connaissance distincte. Nous pensons Dieu à ce stade par exemple comme cause ; s’il esi cause, il a le pouvoir de produire, est un raisonnement facile. Ensuite, dès que Dieu est connu exister sous le concept de cause de fait des