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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.djvu/525

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DIEU (SA NATURE D’APRÈS LES PÈRES]

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l’harmonie qui règne dans toute la nature, n. 5-6, col. 1031 sq. En même temps, il écarte le scandale que pourraient causer l’incompréhensibilité et l’invisibilité divines. Si notre œil ne peut soutenir l'éclat trop vif et la chaleur trop intense du soleil, comment pourrait-il lixer la gloire inénarrable de Dieu'.' La graine de grenade, cachée dans le fruit, ne peut pas voir ce qui esta l’extérieur de l'écorce. Comparaison moins heureuse ; prise trop à la lettre, elle nous ramènerait à la conception anthropomorphique d’un Dieu extérieur à la création. Ce n’est pas la pensée de l’apologiste ; dans le II' livre, n. 3, col. 1019, il affirme expressément l’ubiquité -divine, en la distinguant de l’omniscience : Dei aitlem allissimi et omnipolenlis et vere Dei, toû ô'vTtos 6eo0, est non sohim ubique esse, scd eliam omnia inspicere. Mais cette présence ne doit pas s’entendre d’une circonscription locale, Dcus loco non circumscribitur ; Dieu contient tous les êtres, à ce titre il serait plutôt lui-même le lieu de tous, tôho ; Toiv o).<ov. Aussi, quand l’auteur de la Genèse représente Dieu se promenant dans le paradis terrestre, il ne peut être question du père de toutes -choses ; ce passage et autres semblables s’appliquent au Verbe divin, envoyé par le Père et agissant en son nom, n. 22, col. 1088. Doctrine analogue à celle que nous avons déjà rencontrée chez saint Justin et qui offre à peu près les mêmes difficultés.

L'évêque d’Antioche confirme et complète son enseignement dans la partie polémique du IIe livre, n. 4sq., col. 1051. Il y prend à partie les philosophes anciens qui ont émis sur Dieu et le monde des erreurs diverses : les épicuriens et autres, qui ont nié l’existence d’un Être suprême ou sa providence, substituant à Dieu la conscience individuelle, t>, v ! x « otqu Gwet61r)<nv ; les stoïciens, qui en ont fait l'àme du monde, diffuse à travers les corps ; les platoniciens, qui ont admis deux principes incréés et coéternels, Dieu et la matière. Contre ces derniers l’apologiste insiste surtout sur ies propriétés opposées de ces deux principes. Dieu, comme être incréé, est immuable : à-^vir^o^ ûv, -Lai àvaXXoîwTÔç Èffttv. Si la matière était incréée, elle devrait donc être immuable aussi et égale à Dieu. Du reste, n’est-ce pas en faisant sortir du néant tout ce qui lui plaît, que Dieu manifeste sa puissance propre ? Et Théophile confirme par l’enseignement des prophètes cette doctrine et celle de la fin de l’homme, pour qui Dieu a créé le monde et qu’il a créé lui-même. pour le connaître, n. 10, col. 1063. La préoccupation, déjà signalée, de faire la part aux dispositions inorales du sujet non seulement dans l'œuvre de la conversion, mais même dans le développement des vérités qui ont Dieu pour objet, reparait à la fin du livre, n. 38, col. 1119 : « Tout cela sera compris de celui qui cherche la divine sagesse et qui se rend agréable aux yeux de Dieu par la foi, la justice et les bonnes œuvres. »

/) Méli lon, évêque de Sardes, en Lydie, vers la fin du IIe siècléTTnérite d'être signalé pour le titre d’un ouvrage, qui n’a pas été conservé : llspi èvatou-àToy 6eo0. Eusèbe, H. E., 1. IV, c. XXVI, P. G., t. xx, col. 392 ; S. Jérôme, De viris, c. xxiv, P. L., t. iixxi col. 643. liufin, dans sa version d’Eusèbe, Eusebius Werke, édit. E. Schwartz et T. Mommsen, Leipzig, 1903, t. n a, p. 383, a traduit : De Deo corpore induto, et Valois, P. G., t. xx, col. 392 : De incarnalione Dei. Le titre grec ne paraît pas se rapportera l’incarnation du Verbe, mais à cette question, qui nous apparaît pour la première fois nettement formulée : Dieu est-il corporel ? Gennade suppose que Méliton, comme Tertullien, admettait la corporalilé de Dieu : Ni/iil… in Trinitaie credamus… corporeum, ut Melito et TertulKamts. De eccles. dvgmat., c. iv, P. L., t. lviii, col. 982. Voir, plus loin, les remarques qui seront faites au sujet de Tertullien. Plus important et plus expressif est le té moignage d’Origène. Selecla in Gen., i, 26, P. G., t. xii, col. 93 : .Méliton, dit-il, laissa des écrits flep’i toC èvtojHOctov slvai tôv 8eôv, où il affirmait que Dieu est corporel. Cf. l’elau. 1. II, c. i, n. 4, avec la note apologétique de J.-D. Thomas, édit. de P.ar-le-duc, 1874, t. I, p. 163. En outre, Origène indique les fondements que les partisans de cette opinion faisaient valoir. L’homme, corporel, a été fait à l’image de Dieu. La sainte Ecriture nous représente constamment Dieu comme ayant des yeux, des oreilles, une bouche, des mains, des pieds, etc. Comment Abraham, .Moïse et autres saints auraient-ils pu le voir, s’il était sans forme, < ; .>, nenopçup.lvo ; ? ^' semble donc manifeste qu'à l'époque de Méliton, des chrétiens acceptaient la conception anthroproinorphique de Dieu que saint Justin avait rencontrée chez des juifs de son temps et qu’il avait réprouvée.

g) SaintJxÉnée, mort au début du IIIe siècle, n’est pas apologiste, il est controversiste ; mais parce qu'à la théodicée gnostique il oppose la doctrine catholique, son œuvre n’est pas seulement polémique, elle est encore et elle est éminemment positive. Certains considèrent même le grand évêque de Lyon comme le chef d’un des trois courants théologiques qui se seraient dessinés à partir du iiie siècle, le courant asiatique, avec sa théologie des faits, par opposition au courant carthaginois-romain, avec sa théologie de la loi, et au courant alexandrin, avec sa théologie des problèmes, rattachés le premier à Tertullien, l’autre à Clément d’Alexandrie et à Origène. Quoi qu’il en soit de la valeur objective de cette classification et de son application particulière à la question présente, l’influence de saint Irénée fut réelle, et elle est incontestée. La doctrine sur Dieu se présente directement sous un aspect relatif, déterminé par les erreurs gnostiques qu’il combattit. L’unité absolue du premier principe disparaissait dans l’hypothèse d’une matière, mise en face de Dieu, l'éternelle et dernière source du mal dans le monde ; de même, dans l’hypothèse d’un double Dieu, le créateur ou le démiurge et le Dieu suprême, le Dieu de pure justice, auteur de l’Ancien Testament, et le Dieu de bonté, auteur du Nouveau et révélé par Jésus-Christ. Aussi la grande thèse qui se déroule à travers les quatre dernierslivresdu Contra hæreses, a pour objet l’unité de Dieu, premier principe dans l’ordre de la nature et dans l’ordre de la grâce ; Dieu créateur et rédempteur, auteur de l’Ancien Testament et du Nouveau, à la fois juste et bon, qui a tiré du néant tout ce qui existe en dehors de lui, sans en excepter la matière : Sed unus solus Deus fabricator, … hic Pater, hic Deus, hic conditor, hic factor, hic fabricator, qui fecit ea per semelipsum, hoc est per verbum et per sapienliam, cselum et terrant et maria et omnia quæ in eis sunt ; hic juslus, hic bonus ; … hic Deus Abraham et Deus Isaac et Deus Jacob, Deus vivorum, quem et lex anntmtiat, quem prophelsc prxconanl, quem Chris tus révélât, quem aposloh tradunt, quem Ecclesia crédit, II, xxx, 9, col. 822.

Contre la théodicée et la cosmogonie gnostique saint Irénée se sert d’abord de la raison naturelle, ratio menlibus infixa, qui nous porte à nous élever de la considération de l’univers à son auteur, le Dieu unique et souverain maître, II, vi, 1, col. 724. Les preuves sont plutôt énoncées que développées ; elles se tirent de la condition même du monde, de son caractère d’imperfection et de contingence, de l’ordre général qui s’y manifeste : Ipsa enim condilio os tendit cum, qui condidit eam ; et ipsa factura suggerit eunx, qui fecit ; el miuidus manifestât cum, qui se disposuit.il. IX, 1. col. 731. Source de tout autre être et de tout bien, il est lui-même l'Être transcendant et tout-puissant : potentissimæ et omnipotentis eniinenliæ, II, vi, 1, col. 721. Il n’est pas composé, mais simple, sans diversité de