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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.djvu/533

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DIEU (SA NATUIiE D’A PII ES LES PÈRES)


vit antequam fiant, ncc quidquam cum exislil, ideo primum innotescit ipsi quod existât, quasi non ante cognitum. Deoratione, n. 5, col. 430. Mais c’est surtout sur la prévision de nos actes futurs et libres, qu’il est amené à donner des éclaircissements nouveaux. Celse s’appuyait sur la prédiction de certains faits, comme la chute de saint Pierre et la trahison de Judas, pour attaquer la doctrine du libre arbitre, capitale dans l’explication chrétienne du mal inoral : C’est Dieu, raisonnait-il, qui a prédit ces faits ; il était donc absolument nécessaire qu’ils arrivassent d’une manière conforme à la prédiction. Contra Cels., 1. II, n. 20, col. 836.

La réponse est doublement intéressante : par ce qu’elle suppose, et en elle-même. Origène ne met pas en question la prescience divine ni son infaillibilité : Si Dieu a prédit, il sait ce qui arrivera et la chose arrivera. Ce n’était pas là un enseignement nouveau pour l’apologiste alexandrin ; il l’avait déjà donné ailleurs. In Gen., ii n. 7, P. G., t. iiv col. 66 : Nam ut mentiri Deus fallique non potest, ila quæ fieri seque ac non fieri possunt, eadem ipse futura nosse parité)’, aut non fulura potest. Il avait même, ibid., n. 6, col. 64, considéré la science divine dans une antériorité logique au décret créateur : « Comme rien n’arrive sans cause, Dieu, quand il résolut, au commencement, de créer le monde, embrassa par la pensée tout l’avenir en détail ; il vit que si telle chose arrivait, telle autre aurait lieu, » et ainsi de suite.

Mais alors, comment concevoir la liberté dans la créature ? La réponse est, en substance : Le fait n’arrivera pas parce qu’il a été prédit, mais il a été prédit parce qu’il arrivera. Celui qui prédit n’est pas, pour autant, la cause de l’événement ; prédit ou non, il serait arrivé ; c’est l’événement qui donne lieu de le prédire à celui qui le connaît d’avance. Puis, reprenant la conséquence tirée par l’adversaire du fait de la prescience : Proinde omnino necessarium fuit, at, quæ prædicta f aérant, aeciderent, Origène distingue le terme omnino. Si Celse entend que la chose prédite par Dieu arrivera infailliblement, c’est juste ; mais s’il prétend qu’elle arrivera nécessairement, il se trompe, la nécessité qui résulte de la prédiction n’étant que conséquente à l’exercice prévu du libre arbitre. C’est là, chez Origène, une doctrine ferme et souvent répétée : De oralione, n. 6, t. xt, col. 436 ; In Gen., loc. cit. ; In Epist. ad Rom., 1. VII, n. 8, t. xiv, col. 1126, etc. Elle ne passera pas inaperçue dans la controverse De auxiliis.

La bonté, la puissance et la liberté divine ont, dans la théologie de notre docteur, une connexion étroite. Que le premier de ces attributs soit fortement accentué, rien d’étonnant chez un alexandrin. Dieu est bon. uniquement bon, àît).<5 ; aYotôô ; , immuablement bon, àiiapa>.).à-L-<o ; àyaôô ; , essentiellement bon, o-jtyitocui ; àyaèdç. Periarch., 1. I, c. ii, n. 13, col. 144 ; Contra Cels., 1. VI, n. 44, col. 1365. Bonté substantielle, il est la source de toute bonté participée, l’exemplaire et la cause première de tout bien. Periarch., 1. I, c. vi. n.2 ; c. iivi n. 3 ; Contra Cels., 1. V, n. 24, col. 166, 178, 1217, Du reste, le bien et l’être s’identilient en Dieu : 6 à— ; —a9ô ; t< ; > ovti 6 a-JTo ; îttiv. In Joa., tom. ii n. 7, P. G., t. xiv, col. 136. C’est sa bonté qui domine et explique tout dans l’œuvre de la création et celle de la rédemption. Periarch., 1. II, c. ix, n. 6 ; 1. IV, n.35, col. 230, 409. Le mal proprement dit ne vient pas de lui, car c’est du non-être, o-jy. Sv ; il vient du libre arbitre de la créature, qui décline et déchoit. In Joa., loc. cit. ; Contra Cels., 1. VI, n. 55, col. 1384. Doctrine longuement développée dans un ouvrage faussement attribué à Origène, Adamantii dialogus de recta in Deum fide, sect. m. P. G., t. xi, col. 1794 sq.

Tout ceci est vrai et beau ; mais, suivant jusqu’au

bout le courant platonicien, le philosophe alexandrin conçoit la bonté’divine comme une force naturellement expansive et nécessairement active : Dieu crée donc et se révèle de toute éternité. Il avait rencontré cette objection : « Si le monde a commencé dans le temps. que faisait Dieu avant la création’.’Se représenter la nature de Dieu inerte et inactive, ou sa bonté inefficace, ou son souverain domaine sans sujets, ce serait joindre l’impiété à l’absurdité. « L’objection l’atteignait, car il enseignait, d’après la foi chrétienne, que le monde actuel avait été créé, et créé dans le temps, quod mundus hic factus sit et ex cerlo terni cœperit. Periarch., 1. III, c. v, col. 325. Que répondil ? Qu’avant ce monde visible, Dieu en avait créé d’autres, comme il en créera encore, quand celui-ci cessera. Ibid., n. 3, col. 327. C’était résoudre la difficulté aux dépens de la liberté, de la pleine indépendance de Dieu dans les opérations ad extra. Du moment où la foi nous apprend qu’il y a en Dieu des productions immanentes, la génération du Verbe et la procession du Saint-Esprit, nous devons concéder le principe de l’activité naturelle et nécessaire de la nature divine, mais parce que et en tant qu’il s’agit de productions immanentes, tout ce qui est en Dieu participant à la nécessité et à l’immutabilité absolue de l’Être divin.

Origène renvoie à ce qu’il avait dit auparavant, 1. I. c. ii n. 10, col. 138 sq. Il part, suivant la juste remarque du P. F. Prat, Origène, p. 71, de l’idée de Dieu Tza-i-oy.pi.ziop, dominateur souverain, et non pas t. a. ToS-jva fLo ç, tout-puissant, équivalent du mot latin omnipotens. Il n’y a pasde père sans fils, ni de maître sans domaine ou sans serviteurs ; de même. Dieu ne saurait être dit dominateur souverain, s’il n’avait pas de sujets sur qui s’exerçât sa domination. Pour qu’il soit Ktt.vzoY.pâ-wç, , il faut donc que les créatures existent. Impossible, d’ailleurs, de supposer que Dieu n’ait pas eu cette qualité dès le début ; ce serait avouer qu’en l’acquérant plus tard, il aurait progressé et serait devenu meilleur : Et quomodo non videbitur absurdum, ut cum non haberet aliquid ex his Deus quie cum habere dignum erat, postmodum per profectum quemdam in hoc venerit ut haberet ? Telle est l’argumentation d’Origène. Un grand problème surgit assurément du fait d’une création libre et non éternelle, le problème de la conciliation entre la liberté d’une part, et de l’autre l’immutabilité divine ; il restera pendant de longs siècles, et reste encore pour la raison humaine Yœnigma sacrum. Mais ce n’est pas résoudre le problème d’une façon orthodoxe, que de supprimer l’un des termes, la liberté ou pleine indépendance deDieu. Tertullien donnera bientôt le principe essentiel de la solution ; elle consiste à distinguer entre les dénominations absolues, qui de leur nature sont éternelles et nécessaires, et les dénominations relative* qui, se tirant d’un terme posé dans le temps, en dehors de Dieu, ne sont ni nécessaires ni éternelles.

La distinction entre les notions de Dieu icxvroxpâTcop et jravroâ"jvau.oç, et de plus, entre la puissance divine considérée en elle-même et dans son terme, me paraissent seules donner la clef d’un passage difficile du Pertarchon, 1. II, c. ix, n. 1. col. 225, très diversement rendu dans la traduction latine de Rufin et le texte grec de Justinien, admis par Huct, Origeniana, 1. II. c. ii, q. I, n. 2, P. G., t. xvii, col. 705. D’après ce dernier texte, le caractère limité de la création primitive s’explique par le caractère limité de la puissance divine : 71ETT£pa<r^iïvï ; v yip elvai y. ai tï|v o- « va|i.iv toû ©soi Xextsov. Si cette puissance était infinie, elle ne pourrait se comprendre elle-même, l’infini étant incompréhensible. Dieu a donc créé autant de créatures qu’il en pouvait comprendre et gouverner. Doctrine d’où sortirait cette grave conséquence : Dieu, limité dans sa puissance,