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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.djvu/549

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DIEU (SA NATURE D’APRÈS LES PÈRES)

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sant ce nom, on connaissait pleinement l’essence divine ; et telle était bien, on l’a déjà iiv la prétention des anoméens. Socrate, H. E., 1. IV, c. iiv P. G., t. lxvii, col. 173. Relativement aux noms que nous donnons à Dieu, cette alternative s’imposait : ou ils ne peuvent le signifier vraiment que par synonymie avec l’àvévvYiroç, ou, fondés sur des conceptions de raison, ils ne sont que de pures dénominations subjectives ou verbales, sans portée objective. Par ce dernier coté, Eunomius préludait au nominalisme du moyen âge, suivant la remarque de Schwane, op. cit., t. ii, p. 40. Mais rien, dans l’apologie de cet hérésiarque ni dans la réfutation de saint Basile et de saint Grégoire de Nysse, ne justifie l’affirmation du cardinal Franzelin, Traclatus de Deo uno, th. x, n. 1, Rome, 1876, p. 129, réfutée d’ailleurs par le P. J. M. Piccirelli, De Deo uno et trino, Naples, 1902, p. 335, à savoir que l’erreur d’Eunomius ait eu sa racine dernière dans une confusion de Dieu avec l’être abstrait et universel. Le contraire semble plutôt résulter du fait que cet hérétique admettait en Dieu les perfections positives qui se trouvent dans la sainte Écriture, comme celles de lumière, de vie, de puissance, etc., mais en les ramenant, on l’a iiv à sa propre conception, par l’adjonction de son épithète favorite : lumière incréée, vie incréée, puissance incréée.

Saint Basile répondit, vers l’an 361 ou 365, à l’apologie d’Eunomius par son triple’AvaTpeimxoç to-j’A7Io).oyt, ti-Lo-j to-j SvTiTîêo-jç E-Jvoat’ou).i-fo ; , Adversus Eunomii libri 1res, P. G., t. xxix, col. 497 sq. Dix ans plus tard, en 375, il écrivit à saint Amphiloque, évêque d’Icône, plusieurs lettres, deux en particulier, qui sont comme un complément du précédent ouvrage. A son tour, Eunomius répliqua par une nouvelle apologie,’A7to).oYi’a’Jits ? àiroXo-yt’aç, publiée vraisemblablement peu de temps avant la mort de saint Basile (1er janvier 379). Elle n’est connue que par les fragments cités par saint Grégoire de Nysse dans la réfutation qu’il en fit immédiatement, Contra Eunomium libri duodecim, P. G., t. xlv, col. 243-1122 ; fragments rassemblés, pour la plupart, par C. H. G. Reltberg, Marcelliana, Gœttingue, 1794, p. 125 sq. Ils sont d’ordre apologétique et ajoutent peu d’éléments nouveaux à la doctrine exposée ci-dessus ; mais ils fournirent à l’évêque de Nysse l’occasion de venger et d’expliquer plus complètement, sur certains points, les enseignements de son frère vénéré. Enfin, vers la même époque, saint Grégoire de Nazianze prononçait à Constantinople, en 381, ses fameux Discours théologiques, dont le second traite de Dieu et se rapporte directement à la controverse anoméenne. La doctrine qui résulte de cet ensemble de documents peut se grouper autour de quatre points, successivement touchés par saint Basile, dans î"Avoc a) L’îkI’ioix ; conceptions et distinctions de raison en Dieu. — Eunomius avait opposé le nom d’innascible aux dénominations xoct’ènrvoiav, c’est-à-dire fondées sur les conceptions de l’esprit humain. Il déniait à ces dénominations toute valeur objective ; purement verbales, elles n’ont d’existence réelle que dans les sons proférés. Saint Basile se trouvait forcé d’élucider la question délicate des conceptions ou notions de raison. Adv. Eunom., 1. 1, n. 5 sq., col. 520 sq. Il demande d’abord à l’adversaire ce qu’il entend par cette opération de l’esprit qu’on appelle èiuvota. Entendrait-il l’imagination créatrice de fictions sans réalité, tels que centaures ou chimères ? Même alors l’affirmation d’Eunomius serait excessive ; car ces fictions creuses, ces êtres de pure raison ne passent pas nécessairement avec les sons proférés, le souvenir en peut rester dans l’esprit. Du reste, ce n’est là qu’une acception imparfaite et inférieure de l’ènivoia ; dans le sens habituel et plus relevé du mot, elle s’entend d’une opération de l’esprit qui s’exerce sur un objet

réel, pour le considérer d’une façon plus pénétrante et plus précise, trjv Xurrotlpav Ly. : ixpiëecrépav to-j vokjOévTo ; éitev(hiu.T)o’(y, col. 52’*. Il arrive, en elfet, qu’en face d’un objet qui nous apparaît d’abord simple dans sa réalité concrète, notre esprit perçoit ensuite des aspects multiples ; dans un corps, par exemple, la couleur, la forme, la dureté, la grandeur, etc. De là les conceptions et les distinctions de raison, L » :’tat’voiav, ri. 0, col. 522 sq. C’est ainsi que, dans l’Evangile, Jésus-Christ s’est nommé lui-même porte, voie, pain, vigne, pasteur et lumière : notions distinctes dans leur signification, distinctes aussi dans leur fondement par la diversité des opérations qu’elles supposent, et par le rapport multiple du Sauveur aux êtres qui ont joui de ses bienfaits, n. 7, col. 524 sq.

Ces principes, saint Basile les applique aux noms divins ; d’abord à l’àvévvr.To : . puis aux termes : incorruptible, infini, immense, en montrant les différents aspects sous lesquels on conçoit alors la divinité. « Pourquoi donc nier qu’on puisse légitimement former de ces noms, et qu’ils ne répondent à quelque chose de réel en Dieu, xoù ô|j.o).o-riav ivnx : toî xoct’i/r, 6£iav tu 0e ; T) rcpoaoVroç ? Ibid., col. 525. Si l’on rejette ces conceptions et ces distinclions de raison, il faudra dire que toutes les dénominations attribuées à Dieu signifient également sa substance ; que l’idée d’immutabilité suggère immédiatement à l’esprit celle d’innascibilité, ou l’idée d’indivisibilité celle de puissance créatrice. Quoi de plus absurde qu’une telle confusion ? Quoi de plus opposé au sens commun et à la doctrine révélée ? n. 8, col. 528.

La simplicité divine serait lésée, si par ces noms multiples on prétendait désigner diverses parties de Dieu ; mais nous savons qu’à part lui, Dieu est tout entier vie, tout entier lumière, tout entier bonté. Il ne s’agit donc que d’exprimer les propriétés de la nature divine, d’ailleurs simple en elle-même. Autrement, tout ce que nous disons de Dieu d’une façon distincte, en l’appelant invisible, incorruptible, immuable, créateur, juste, etc., tout se retournerait contre sa simplicité, 1. ii, n. 29, col. 640. Ailleurs, saint Basile insiste sur l’unité du sujet, tôv ocCtov ève8ît’ ; to, mais sans préjudice de la notion propre qui s’attache à chacun des noms divins, Sià t ?, ç èxâcToïc Èv6 ; iopo-jjj.£vi, ; ipjfioewç, Ejtist., clxxxix, n. 5, t. xxxii, col. 689. Telle est aussi la doctrine de saint Grégoire de Nysse, abstraction faite de quelques arguments ad homineni, discutés par Petau, op. cit., 1. I, c. iiv n. 5 sq. L’unité et l’absolue simplicité de la nature divine ne sont pas en question ; mais cette nature, une et simple en elle-même, nous ne pouvons l’atteindre immédiatement, ni la concevoir ou l’exprimer par une seule notion. La multiplicité vient ainsi directement de notre mode de connaissance, mais elle trouve son fondement dans l’éminence et l’ineffàbilité de l’objet. Contra Eunom., 1. XII, t. xlv, col. 1069, 1077, IlOisq.

La réplique de l’hérésiarque força l’évêque de Nysse à revenir sur d’autres points, en particulier sur le concept de l’âittvoia. Eunomius accordait qu’il peut y avoir autre chose que de simples sons dans les dénominations de raison, mais il limitait la portée de Vi-ivoix aux créations fantaisistes de l’esprit, capable de se figurer des colosses, des pigmées. des centaures. Ibid., col. 969. Grégoire, prenant acte de la concession, n’eut pas de peine à montrer ce qu’il y avait d’arbitraire et d’illégitime dans la restriction. L’à-è/ota n’est-elle pas. avant tout, cette noble et féconde faculté de l’esprit (faculté compréhensive ou interprétative, r, —r, ; xoctoXy|tctixî|ç Btavoîa ; , r, t>, ; èpjAV5V£uTixf, ; £-jva|ie(i)c, col. 1104), qui permet « de trouver ce qu’on ignore, en prenant pour point de départ d’une connaissance ultérieure ce qui se rattache, par voie de connexion ou de conséquence, à la première notion qu’on a d’une