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DIEU (SA NATURE D’APRÈS LES SCOLASTIQUES ;

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(Iraient avec leur foi, encore moins quand elles la servaient plutôt. Pourquoi n’auraient-ils pas profit de tous ces nobles aperçus sur la divinité qu’ils avaient trouvés chez les platoniciens, qu’ils y vissent des emprunts faits primitivement à la révélation ou le fruit de la raison humaine ? Du reste, beaucoup d’entre eux recevaient Platon déjà interprété. Tels les alexandrins, qui le voyaient beaucoup par les yeux de Philon ; ce qui était un avantage, Philon ayant eu à son service la révélation mosaïque, et en même temps, il faut en convenir, un danger, étant donnés d’une part, l’hellénisme de ce philosophe, et, de l’autre, l’estime extraordinaire qu’ont eue de lui plusieurs Pères.

Mais n’arrivc-t-on pas, par cette voie, au dualisme que W. Meyer, col. 1088, 1090, a prétendu trouver dans la théodicée de saint Grégoire de Nysse ? E. de Faye, Clément d’Alexandrie, p. 229 sq., distingue comme deux faces dans la conception de Dieu qu’il attribue à ce Père, l’une métaphysique et marquée à l’effigie de Platon, l’autre religieuse et chrétienne : « Désormais, conclut-il, le Dieu de la théologie chrétienne gardera ce double caractère. D’une part, il semblera se perdre dans l’abstraction impersonnelle ; d’autre part, il demeurera une personne vivante. » Ne sont-ce pas là deux conceptions qui se heurtent ?

Qu’elles paraissent telles à ceux qui établissent une sorte d’opposition et de divorce entre la philosophie et le dogme, entre la raison et la foi, et qui ne trouvent de solution que dans les principes séparatistes de Kant, de Hegel, de Ritschl ou de Schleiermacher, c’est chose facile à concevoir. Que les deux conceptions se heurtent, si la notion philosophique n’aboutit réellement chez les Pères qu’à un Dieu inerte, abstrait, impersonnel, ce serait difficile de le nier. Mais nous avons montré précédemment qu’il n’en est rien. En fait, les deux conceptions ne se heurtent pas, parce qu’elles se meuvent dans un plan différent et que, de plus, l’une complète l’autre. Par la conception que les protestants rationalistes ou semi-rationalistes invoquent exclusivement, du Dieu vivant de l’Évangile, tel qu’ils l’entendent, du Dieu immanent ou sensible au cœur, etc., qu’atteint-on en fin de compte ? Dieu considéré dans ses relations aux créatures, et par conséquent dans ses attributs relatifs ; à moins qu’on ne rêve, hypothèse non chimérique, d’un Dieu tellement immanent à l’homme, qu’il ne s’en distingue plus nettement ou plus du tout. Abstraction faite du panthéisme, et quelle que soit du reste la valeur et l’efficacité morale de la notion relative de Dieu qui vient d’être énoncée, si l’on s’en tient là, on ne dépasse pas en pratique ce que le semi-agnosticisme affirme en théorie.

Et pourtant la sainte Écriture elle-même nous invite à nous élever des créatures à Celui qui est, qui est de toute éternité, toujours le même, sans jamais changer. Elle nous invite à considérer que le monde est devant lui comme un rien, et que lui-même, avant que le monde ne fût, il était, heureux et parfait dans sa pleine indépendance. Or, bien que la foi suffise pour dépasser en Dieu le relatif et atteindre l’absolu, il n’en est pas moins vrai, et c’est là ce qui explique les Pères, que sur ce terrain la raison est pour la foi un auxiliaire précieux et normal. Si la notion chrétienne de Dieu nous fait surtout comprendre et goûter ces paroles de saint Augustin, col. 1110 : habentes in intimo Deurti, la notion philosophique nous aide puissamment à réaliser ces autres paroles du grand docteur, De vera religione, c. xxxix, n. 72, P. L., t. xxxiv, col. 154 : Transcende et te ipsum.

Auteurs catholiques. —1° Ouvrages généraux. — J. N. Huber, Die Philosopliie der Kirchenvàter, Munich, 1859 ; A. Stôckl, Geschichte der christlichen Philosopliie zur Zeit der Kirchenvàter, Mayence, 1891 ; .1. Schwane, Histoire des dogmes, 1. 1 et ii, passim.aux endroits cités col. 1054, 1068, 1116.

2’Monographit ment indiquées, où il est que

incidemment de la philosopha Période anténicéenne,

col. 1054, 1068 : 3. Sprinzl et A. Feder, pour saint Justin ; i. Cognât (-1 v. lii’biit-DupeiTon, pour Clément d’Alexandrie ; O. GriUnberger, pi i ix. — Période postnicéenne,

col. 1110 sq. : K. Etalon, pour saint Athunase et pour saint Basile ;

F. Diekaniji, pour saint Grégoire de Nysse : E.Portalié et J. Martin, pour saint Augustin. — Basse patristique, col. 1133-1134 : H. Kocb et H. Weerlz, pour Denys le pseudo-Aréopagite ; L. C. Bourquaid et A. Hihlebrand, pour Boèce.

Études spéciales.

.1. M. Pfàttisch, O. S. B., Platos Einflussaufdie Théologie Justine, dans Der Katkolik, Mayence, 1909, 4’série, t. xxxix.p. 401-419 ; .1. Denis, De la pliilosophie d’Origène, Paris, 1884. c. III, p. 69 sq. ; Paganinus Gaudentiue, De dogmatum Origenis cum philosophia Platonis comparatione, Florence, 1639, c. v, vi, xxii, xxiv.

Auteurs protestants. — 1 Ouvrages généraux. — H. Hitter, Gescliichte der christlichen Philosophie, t. v et vi de sa Geschichte der Philosophie, Hambourg, 1841 ; traiJ. frane. par J. Trullard, Paris, 1843-1844 ; H. Ritter, Die chnstliche Philosophie nach ihrem Begriff, iliren àusseren Verhàllnissen unà in ihrer Geschichte bis auf die neuesten Zeiten, Gœttingue, 1858, t. i, 1. II ; E. Hatch, The influence of Greek Ideas and Usages upon the Christian Church, Londres, 1890, lect. vii-ix ; H. M. Gwatkin, The knowledge of God and its historical development, Edimbourg, 1906, t. II, lect. xv ; A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, aux endroits cités col. 1054, 1069, 1117 ; J. Kôstlin, art. Gott, dans Bealencyclopàdie fur protestantische Théologie und Kirche, 3’édit., t. VI, p.786sq.

Monographies déjà signalées.

Période anténicéenne, col. 1054, 1068 : C. Semisch, J. C. E. Otto, C. Weizsàcker, M. von Engclhardt, pour saint Justin ; C. W. Steuer, pour Tatien ; P. Logothetes, pour Athénagore ; A. Pomrnrich et O. Gross, pour Théophile d’Antioche ; J. Kunze, pour saint Irénée ; H. E. F. Guerike, pour les catéchètes alexandrins ; C. Bigg, pour les « platonistes chrétiens » d’Alexandrie ; K. K. Re iej„nning et P. Fischer, pour Origène : R. Kùhn. pour Minucius Félix ; J. Stier, pour Tertullien. — Période postnicéenne, col. 117" : Y. Meyer, pour saint Grégoire de Nysse ; A. Dorner, pour saint Augustin. — Basse patristique, col. 1134 : J. Niemeyer, J. Kanakis, O. Siebert, pour le pseudo-Denys ; F. Nitzseb, p.jnr Boèce.

3- Études spéciales. — E. de Faye, De l’influence du Timéede Platon sur la thcodicée de Justin Martyr, p. 169-187. dans Études de critique et d’histoire, 2’série, Paris, 1896 (Bibliothèque de l’École des Hautes Éludes. Sciences religieuses t. vu) ; L. Richter, Philosophisches in der Gottes-und Logoslehre des Apologeten Athenagoras aus Athen, Meissen, 1905 ; A. F. Dæhne, De Tv^ira démentis Alexandrini et de vestigiis neoplatonicx philosophix in ea obviis commentatio historica theologica, Leipzig, 1831, sect. m. p. 77 sq. ; C. Merk, Clemens Alexandrinus in seiner Abhàngigkeit von der griechischen Philosophie, Leipzig, 1879 ; E. de Faye. Clément d’Alexandrie. Etude sur les rappor’ts du christianisme et de la philosopliie grecque au ir siècle, Paris, 1898 ; H. J. Bestmann, Orignes und Plotinos, dans Zeitschrift fur kirchliche Wissenschafl und kirchliches Leben, Leipzig, 1883, t. IV, p. 169-187 ; A. Jalm, S. Methodii opéra et S. Methodius Platonizans. Halle. 1865 ;

G. Rauch, Der Einfluss der stoischen Philosophie auf die Lehrbildung Terlullians, Halle. 1890 ; G. Schelowsky. Der Apologet Tertullianus in seinem Verliâltnis zu der griechischrômischen Philosophie, Leipzig, 1901 ; G. Morgenstern, Cyprian, Bischof von Carthago, als Philosoph, Iéna, 1889 ; A. Jahn, Basilius Magnus plotinizans, comme supplément à l’édition de Plotin par Creuzer, et à celle de saint Basile parGarnier, Berne, 1838 ; G. Loesche, De Augustino plotinizanle in doctrin Deo disseretnla. Iéna, 1880 ; L. Grandgeorge, Saint Augustin et le néo-platonisme, Paris, 1896 (Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses, t.vm) ; A. Jahn, Dionysiaca. Sprachliche und Sachliche Platonische Blùthenlese uns Dionysius, dem sog. Areopagiten, zur Anbahnung der phU lologischen Behandlung dièses Autors. Altona et Leipzig, 1889.

X. LE IîaCHELET.


V. DIEU. SA NATURE SELON LES SCOLASTIQUES.


I. Méthode des études scolastiques sur la nature de Dieu.
II. Doctrine des attributs ou noms divins au xiie siècle.
III. Apport péripatéticien et néoplatonicien dans la théodicée au xine siècle.
IV. Influence de la philosophie religieuse des Arabes.

On a exposé aux articles Attributs et Aséité ce qui