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DIEU (SA NATURE SELON LES SCOLASTIQUES]


tendait pas le sens historique, à une solution nominaliste.

Il en fut de même sur la distinction des attributs, où Alain reproduit littéralement Gilbert ; tous deux disent : quand nous affirmons la puissance du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, il n’y a aucune distinction à faire entre puissance et puissance ; il en est de même entreles divers attributs. Gilbert, loc. cit., col. 1320 ; Alain, reg. xi, col. 628. La raison en est, dit Alain, que tout ce qui est en Dieu est Dieu ; donc la diversité des noms divins n’a pas d’autre fondement que la variété de ceux qui parlent de Dieu et des œuvres divines : non refertur ad pluralitalem signi/icatorutu. sed significantium eleffectuum ; uniusenim et ejusdem causse e/fectus sunt diversi diversis nominibus significati, cum dicilurDeus estfortis, pius, prudens. Reg.ix, col. 628. Nous retrouverons ces formules, communes au xiie siècle, et encore fréquentes au début du xiiie siècle, chez les nominalistes du XIVe siècle, même après que saint Thomas aura montré que les notions diverses que nous nous formons de Dieu ont leur fondement prochain dans la réalité divine. In IV Sent., 1. I, dist. II, q. i, a. 3 ; De potentia, q. iiv a. 6 ; De veritate, q. n. a. 1. Mais conclure que le XIIe siècle et en particulier Alain tombaient dans le relativisme ou dans l’agnosticisme, serait précipité. Car après avoir divisé les noms divins, d’abord suivant les catégories d’Aristote, reg. VIII, col. 628, puis suivant l’usage des grammairiens de son temps, reg. xxi, col. 631, Alain dit expressément que les termes des trois premiers prédicamenls signifient la divine essence : de ipso prsedicant divinam usiam, ut cum dicitur : Deus est Deus, substantia, spiritus, pius, misericors, fortis, niagnus, intntensus ; et il remarque que les noms qui se disent de Dieu par voie de causalité signifient la divine substance : va aillent nomina guse de Dca dicuntur per causant, dicuntur per substantiani. Cette dernière formule d’origine patristique, cf. Jean de Chypre, Exposilio maleriaria, decas x, c. i ; decas iv, c. ix, P. G., t. ci.u. col. 959, 79 ! ), bien que mal comprise plus tard par Cajetan qui lui fait signifier une subtilité purement systématique, est restée classique pour exprimer que les attributs divins ont une portée métaphysique, que par eux nous concevons la nature intrinsèque de Dieu. Cf. S. Bonaventure, 1° IV Sent., . I. dist. XXII. a. l, q. iv ; S. Thomas, Sum. theol., 1*, q. un, a. 2. Voir Vasquez, //* /,

disp. LVII, n. 27. Ici encore les positions Ihéologiques d’Alain sont bien meilleures que les explications philosophiques qu’il essaie d’en donner ; et ces positions n’expriment pas autre chose que l’enseignement traditionnel sur notre mode de connaître la nature divine.

3. Même persistance de cet enseignement dans les écrits polémiquas de la même période. Bornons-nous au cas d’Abélard. Scot Érigène avait, en se couvrant des formules du pseudo-Denys, enseigné l agnosticisme croyant le plus radical : notre connaissance de Dieu se réduisait pour lui à savoir qu’il est i/tiid. Cf. Stock), Lehrbuch <’< r Gt chichte dei Philosophie, Mayence, IH7.">. p. 369 382 ; » i dit, art. Scolus

Erigena ; P. /… t.cxxii, col. S39. Sans aller aussi loin, Ahébird prit pour base de sa doctrine — u r Dieu le symbolisme que Scol avait étayé sur le pscudo-D< //, /, -…L mi theolog., I. ii, sec t. s, P. /… i. cxxviii, col. 1064. Ci — 1 de ce fondemi ut, el non pas d’un prétendu onci ptualisme, comme l’a voulu Victor Cousin, qu’il déduisit n erreurs ^ur la Trinité, ibid, , un, col. 1068, sur l.i liberté el la toute-puissan i divines, l. III. sert, v, col. 1096 Denzinger, n. 310, 323, 316 q. Comme plusieurs de nos contemporains, A lu lard M flatta di ntre Charybde et Scylla, ibid., . —dire de résoudre’liftlcultés,

en greffant li rat Il m( ur un symbolisme agnostique. D api i lui, Ie de foi, n’< tant que

symbolique, ne nous renseigne pas sur la nature intrinsèque de Dieu. Donc les termes Père, Fils et Esprit, n’expriment rien d’intérieur à Dieu ; ce ne sont que des dénominations fondées sur ses effets, et des termes impropres. Cf. Guillaume de Saint-Thierry, Disp. adv. Abel., c. ii, P. L., t. ci.xxx, col. 233 sq. Il faut donc les interpréter philosophiquement, comme des termes qui signifient autre chose que ce qu’ils ont l’air de dire. Id.. De erroribus Guillelmi de Conchis, ibid., col. 338. D’où une prétendue explication rationnelle de la Trinité, qui permet à Abélard de retrouver ce dogme mystérieux chez les philosophes. Ibid., col. 333. Les polémistes lui répondirent sans hésiter que sa conception de la foi était incorrecte : la foi est essentiellement un acte intellectuel, par lequel nous portons, grâce au témoignage divin, des jugements objectivement valables sur la nature divine elle-même. Cf. S. Bernard, Contra quædant capitula errorum Abœlardi, c. iv ; De consideralione, 1. V, c. iii, P.L., t. clxxxii, col. 1001, 790 ; Guillaume de Saint-Thierry, ibid., col. 219, 253. D’un autre côté, ils s’élevèrent contre la prétention de donner une explication soidisant exhaustive des mystères divins, parce que Dieu reste invisible, incompréhensible et par suite ineffable, aussi bien pour la foi que pour la simple raison naturelle. Cf. S. Bernard, Epist., exc, c. iiv n. 18, ibid., col. 1067 ; Gauthier de Mortagne, Epist. ad P. Abselardum, dans le Spicilegium d’Achery, t. iii, p. 524. Voir Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, Paris 11)0 ! ), t. I, col. 85.

i. Mieux encore que les textes allégués, la vigueur avec laquelle l’autorité ecclésiastique poursuivit et condamna les diverses erreurs sur la nature de Dieu qui se produisirent à cette époque, montre la vitalité de la tradition dont nous parlons. Le panthéisme d’Amaury de Bène et le monisme matérialiste de David de Dinant, voir t. i, col. 938, et plus haut col. 159, furent sévèrement réprimés ; on proscrivit le dualisme manichéen des albigeois, Denzinger, n. 355, et on en imposa le rejet aux vaudois, ibtd., n. 367 ; on condamna à diverses reprises l’agnosticisme de Scot Krigène, cf. Kircltenlexikon, 2e (’-dit., v° Scotus Erigena ; le symbolisme d’Abélard ne fut pas épargné, Denzinger, n.310sq. ; et la dialectique nominaliste de Roscelin et de l’abbé Joachim appliquée à la Trinité fut traitée d’hérétique aussi bien que certaines conclusions sur la nature divine du réalisme outré de Gilbert de la Porrée. Denzinger, n. 329, 358. Or, toutes ces décisions impliquent chez la hiérarchie une vue nette de la portée ontologique des attributs et des conditions ou limites de notre connaissance de la nature divine ; bien plus, elles supposent la connaissance réfléchie, de la substantialité, de l’unicité, de la simplicité, de l’immutabilité, de la spiritualité de Dieu ; elles supposent en outre.m moins un essai de solution des difficultés que présente au premier abord l’accord des divers attributs, soit entre eux, suit avec la simplicité de l’essi nce divine. Si donc l i il ii mie se prononça catégoriquement

contre les erreurs que nous avons mentionnées, c’est que sur tous ces points elle connaissait la tradition chrétienne et lui restait Qdèle.

Rapport des attributs et de l’essence*’es Péri 9 nous ont laissé diverses classifications des attributs ou noms divins, biles étaient connues du XII 1 Bièi cf. Pierre Lombard. Sent., I.I.disi. XXII ; elles furent même un des principaux véhicules par lesqui transmit la doctrine patristique sur la nature de Dieu. Hais ce ne fut pas de ce côté que se dirigea surtout la pi us durant cette période ; le

problème trinitaire sollicita davantage leur attention ! on en fut les divei erreur iui la rrinité que firent naître les difficultés du problème des universaux, u. i Imparfaitement 1 1 olu au ui< lièi le < i. de w ulf,