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DIEU SA NATURE SELON LES SCOL ASTIQUES'

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du dogme, soit aussi pour résoudre des problèmes diffi- ciles alors en discussion parmi les théologiens. Kn pre- nant pour base la doctrine <le la matière, pure puissance, d'Averroès, Opusc, XXXI, De principiis naturae, on arrivait à se rendre compte ainsi du mystère. On peut j distinguer l'existence de la chair non encore animée, sous l'action du Verbe; puis le composa animé, ne vivant pas, et puisque vivere viventibus est esse, Sum. theol., I a , q. uv, a. 2, ad 1»><>; q. xvm, a. 2; Opusc, XXIX, De principio individuationis, Venise, 1595, p. 365, n'existant pas formellement de l'existence du Verbe, Sum. theol., III», q. VI, a. 4, ad3 I1,n ; q. il, a. 5, ad3 um ; et ainsi, à l'aide d'une facile bypotlièse, ibid., q. iv, a. 2, ad 2s" 11 , éviter l'hérésie quod Verbum homi- nemassumpsit. Quodlib., IX, q. u, a. 1. Cf. Hervé de Nédellec, In IV Sent., 1. III, dist. VI, q. i, a. 3, Paris, 1647, p. 294; Quodlibeta, VII, q. vm, fol. 139; Pierre de Palude, Tertium scriplum in J77 um Sent., dist. VI, q. ni, où le De unione Verbi de saint Thomas se trouve cilé, Paris, 1517.

.Mêmes avantages du coté du dogme de la création. Si Dieu produit ens in quantum ens, il est la cause de tout, par conséquent de la matière. Ce qui réfutait d'un mot l'émanatisme d'Avicenne et les nombreuses erreurs des Arabes sur ce sujet. Opusc., XV, De subslantiïs separatis.

Et pour se procurer tous ces avantages, il suffisait de prendre pour base l'argument des degrés, déjà donné par les Pères, par saint Anselme et par Richard de Saint- Victor ; mais réduit à une forme rigoureuse, ramené à la précision par Averroès à l'aide de la con- ception du composé métaphysique d'acte et de puissance. L'accord du système d'Averroès avec les principaux dogmes était une garantie; les résultats de sa méthode en théodicée étaient une invite à l'y suivre. En effet, le XII e siècle avait échoué à rendre compte rationnelle- ment de la valeur ontologique des attributs; et Averroès y aboutissait. D'autre part, ni Alexandre de Halès, ni Bonaventure, ni Albert le Grand n'avaient réussi à relier rationnellement notre connaissance de l'intini auxarguments par lesquels on démontre l'existence de Dieu : car, nous l'avons dit, ils recouraient tous à l'idée anselmienne d'infini ou à la théorie de l'illumination; et cela pour saint Thomas manquait de logique. Or Averroès résolvait très heureusement ces difficiles pro- blèmes; et cela par une analyse exacte de la potentia- lité du fini, par l'extension au composé métaphysique de la théorie générale de l'acte et de la puissance. Cette analyse de la potentialité du créé était connue des Latins ; déjà l'école franciscaine et Albert avaient essayé d'appliquer à la composition réelle du fini les notions de puissance et d'acte, et ils avaient en conséquence nommé Dieu l'acte pur, signifiant par là l'être parfait, l'être non participé, l'infini. Mais cette équivalence restait enveloppée d'ombres et la logique du procédé par lequel on remontait à Dieu restait peu nette. Averroès, dans les principes d'Aristole tel qu'il était alors connu, y avait réussi. Saint Thomas suivit leur exemple, et adopta toutes les formules péripatéticiennes par lesquelles Averroès exprimait la potentialité du fini.

De là, une autre série de textes très longue où cette idée est exprimée, parla comparaison de la matière et de la forme à l'essence et à l'existence, par l'idée de la course, comme chez Averroès. Dans ces textes le point de suture verbal entre la tradition patristique et la philosophie païenne est formé par le quo est de Roèce et l'hyleachim de la 9 e proposition du De causis, cf. Bœumker, Die Impossibilia des Siger von Brabant, Munster, 1890, p. 124, quelquefois par les mots partir cipans et partiel patum qu'on lit soit dans les Pères soit dans la traduction d'Averroès. Mais pour le' lecteur at- tentif ces rapprochements verbaux ne sont que l'indi- cation de la conviction qu'a l'écrivain de l'accord foncier

de la philosophie el des Pères sur les rapports de Dieu et du monde et par suite sur l'idée de Dieu. Il ne s point là d'une induction faite après coup. Saint Thomas nous dit clairement sa pensée sur ce sujet. Opusc, XV Dp substaxtiis s/'paratis, c. III ; De veritate, q. XXI, a. 5. D'ailleurs, qu'on relise ce qu'il appelle un facile procédé pour concevoir l'éternité divine. In VIII Phyt., I. IV, lect. xviii ; In IV Sent., 1. I, dist. XIX, q. il, a. 2; a. 1, ad l» m . Il y déduit l'éternité propre, la stabi- lité, de l'être divin de la potentialité de l'être fini, numerus mobilis, c'est-à-dire du passage continu du fini de la puissance à l'acte d'être; et ainsi Dieo esl pour lui numerus, seu polius unilas rei, seniper eodem modo se habentis : ce qui est l'équivalent des formules de saint Augustin sur l'immobilité de l'essence divine, et de celle par laquelle Averroès désigne la pureté de l'acte divin : quasi id quod tribuit alii auferatur abeo. La même conviction se fait jour là où saint Thomas affirme que le premier moteur immobile d'Aristote est l'équivalent du premier moteur mobile de Platon et de saint Augustin. Contra gentes, 1. I,c. xin: lu IV Sent., 1. I, dist. VIII, q. m, a. 2; a. 1, ad 2 um ; De poteutia, q. x, a. 1. II est vrai qu'ici saint Thomas fait intervenir pour son œuvre de conciliation l'argument du premier moteur physique, qu'il tenait pour démonstratif parce que dans la régression des causes on passait par les moteurs intelligents des sphères; mais il est à noter que dans les mêmes passages il nous avertit que la con- ciliation d'Aristote et du platonisme n'est possible que si l'on prend pour point de départ dans le fini l'actua- tion de la faculté par son opération, c'est-à-dire une composition métaphysique, et non pas, comme fil bien- tôt Gilles de Rome à la suite de Proclus. Quodlibeta, I, q. vu, Louvain, 1646, p. 15; De ente et essentia, Cordoue, 1701, q. ix, p.66sq. ; q. x, p. 81 ; q. XII, p. 103; In IV Sent., 1. I, dist. VIII, q. il, Venise, 1492. une extension à tout des rapports physiques ou statiques de la puissance et de l'acte de l'hylémorphisme. C'était reconnaître implicitement que pour être absolument démonstratif l'argument devait inclure la considération du premier moteur métaphysique tel qu'il est impliqué dans l'argument des degrés d'Averroès. On se souvient que l'École n'a pas suivi saint Thomas dans l'emploi du moteur physique, col. 933, et nous avons rapporté, d'après les théologiens qui ne sont ni bannéziens ni néothomistes, comment on l'a transformé en argument métaphysique, col. 941. Cf. Gardeil, op. cit., p. 282. Ce que nous venons d'exposer explique comment, pour se trouver aujourd'hui débarrassé du poids mort de considérations physiques avec lesquelles il n'était lié que grâce à des contingences historiques, l'édifice de la théodicée de saint Thomas n'a rien perdu soit en élé- gance, soit en solidité. C'est qu'il était construit sur le roc de la conception traditionnelle des rapports de cau- salité efficiente et finale de Dieu et du monde, formulée au V e siècle en termes platoniciens sous le nom de par- ticipation, au xm e siècle en termes péripaléticiens sous les noms de puissance et d'acte au sens dynamique des termes.

Nous avons déjà dit comment, s'appuyant sur l'argu- ment des degrés, saint Thomas démontre avec Averroès l'unité et la simplicité divines. Contra gentes, 1. 1, c. xxii, xlii. De cette dernière, rien de plus facile que de passer à la plénitude de l'être. Nous avons déjà in- diqué le procédé de saint Thomas emprunté à Denys, et il est inutile d'y revenir. Cf. De veritate, q. xx. a. 2. ad 3" ro ; q. xxn, a. 11. ad 4""', contra; Suarez, Disp.tne- laphys., disp. XXIX, sect. m. n. Il; disp. XXXI, sect. xin, n. 21 sq.; De Deo, 1. I, c. XI.

Parvenu à ce terme, saint Thomas eût pu procéder par déduction, comme avaient quelquefois fait les Pères et comme saint Anselme en avait repris la tradition. 11 a préféré suivre un procédé inductif, et démontrer