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1245 DIEU (SA NATURE D’APRÈS LA PHILOSOPHIE MODERNE) 1246

maximum et le minimum sont reliés par la même échelle.

Le cardinal fie Cusa ne précise pas le point de vue d’où se fait l’accord. Il parle indifféremment de coincidentia, complicatio, connexio. Ces trois termes répondent pourtant à des concepts distincts. La juxtaposition, la coïncidence, le croisement, d’une part ; de l’autre, l’enveloppement de ce qui est implicite ; enfin, l’idée de relation, de connexion, d’union : autant de notions que Nicolas de Cusa emploie à tort comme synonymes. On comprend de moins en moins quel étrange composé forme, d’après lui, l’être divin. Son Dieu est vraiment inconnaissable.

On ne voit pas mieux comment, d’après lui, Dieu produit l’univers. Peut-être sa pensée a-t-elle varié sur ce sujet. En tout cas, on relevé dans ses ouvrages plusieurs assertions difficilement conciliaires : Dieu, unité absolue, ne peut expliquer la réalité multiple ; l’Infini n’engendre pas, n’est pas engendré et ne peut progresser ; l’Infini agit avec une puissance souveraine ; la nature déroule et développe ce qui était ramassé dans l’unité divine. Retenons cette dernière formule, et supposons qu’elle s’accorde avec les précédentes : bien des obscurités demeurent. Comment s’opère ce passage de l’implicite à l’explicite, de l’harmonie au désordre, de l’un au multiple ? Une seule conclusion se dégage : c’est que le monde n’a pas été créé ex nihilo, mais qu’il appartient ou a, du moins, appartenu, à la substance divine.

Nous ne sortons de l’agnosticisme que pour tomber dans le panthéisme.

Giordano Bruno (1550-1600) hésite, sans prendre nettement conscience de ses oscillations, entre le Dieu dont rêvera Jacob Boehrne et le Dieu de Nicolas de Cusa, entre l’Être divisé contre lui-même, et l’Unilé absolue qui, tout à la fois, sollicite et défie les efforts de la pensée humaine. La divinité donne-t-elle naissance, ou met-elle un terme, à l’opposition des contraires ? Bruno ne parvient pas à faire un choix. Par contre, il affirme plus nettement que ses prédécesseurs l’identité foncière de Dieu et du monde. Son panthéisme se présente sous plusieurs aspects. On ne comprend guère que Tocco ail tant hésité à le reconnaître. A quatre reprises, en particulier, ce panthéisme est affirmé. D’abord, cette âme universelle, qui embrasse loul et agît dans le grand médium éthéré, représente-t-elle autre chose que le Dieu du panthéisme ? Secondement, Bruno attribue l’infinité à l’univers, parce que l’univers doit correspondre à l’Etre divin dont il n’est que la forme développée. Ensuite, il préfère à la notion de Dieu — cause transcendante et inconnaissable du monde, la notion de Dieu — principe immanent de tous les et de l’homme en particulier. Cette immanence divine réconcilie même, d’après Bruno, le mécanisme et la téléologie. Quatrièmement, il professe, avant Spinoza, la

théorie de la substance unique et éternelle. C ment

toutes les divei ; ndent en cette unité el cette

plénitude infinii s, nous n le concevoir. Bruno

l’avoue, et. par là, il revient au Dieu inconnaissable fh.ti.iin_, op. cit., p. 135-151. Voir t. », col. 1149.

Boehme 1575-1621 refuse i Dieu la transcendance et la simplicité. Dieu ne se distingui pas de son œuvre, laquelle, par conséquent, ne saurait être l’effet dune

action créatrice. L’existence.t onde

partie intégrante de l’existence divine. Deux motifs 1 1 b panthéisme : une tendance dente à l’union mystique, Boehme ne voyant paa de

milieu entre un Dieu isolé du monde. i m. Dieu confondu avec toute réalité ; un préjugé philosophique qui lui représente l’identification des termes comme la seule manière d< let ei pliqui r Di ui n i lui

font Introduire dans la divinité mé tes distinctions

rations qu’il voudrai ! supprimer entre l’eu

et l’univers. On ne voit pas comment Boehme ne contredit pas ses propres principes, lorsqu’il déclare stérile l’unité absolue, et cherche l’origine de la vie universelle dans une diversité, dans une pluralité, dans une lutte qui mettrait aux prises Dieu avec lui-même. Dieu est le Oui et le Non. Son essence se répartit en élément positif et en élément négatif : division nécessaire et naturelle, division féconde et meurtrière. Car, d’après Boehme, là se trouve la source du mal et de la souffrance, comme le principe de l’univers. En des termes, auxquels peut-être il n’attribuait qu’une valeur métaphorique, il déclare que Dieu est nécessairement amour et colère, et qu’il fonde ainsi l’enfer et la béatitude. Voilà pourquoi le bien et le mal se livrent de si rudes batailles. Des deux côtés combattent des forces divines. Dieu lutte contre Dieu. Gardons-nous, du reste, de rendre la divinité responsable de l’éternel conflit, et rappelons-nous qu’elle n’a ni prévu ni voulu de maux inséparables de sa nature même. Ainsi Boehme met en Dieu la multiplicité et l’opposition, tout à la fois pour expliquer qu’il veut, qu’il agit, qu’il produit, et pour rendre raison du problème du mal. Hôffding, op. cit., p. 77-81. Cf. Boutroux, Études d’histoire de la pliilosopliie, Jacob Bôlmie, Paris, 1901. Voir t. ii col. 925 ; t. iv, col. 736.

2° Descartes, disciples et adversaires. — Descartes (1596-1650). La théodicée cartésienne présente une triple notion de Dieu. Elle le définit du point de vue logique, du point de vue métaphysique et du point de vue moral. Le premier, du reste, précède et domine les deux autres.

C’est bien de l’idée, et non de l’expérience sensible, que part la philosophie religieuse de Descarfes. lui vfin, dit-il, nous remontons d’antécédents en antécédents. Cette voie ne nous conduit pas à Dieu. De ce que notre esprit se lasse à poursuivre indéfiniment la cause initiale du monde, et de ce qu’il s’arrête dans les régressions, il ne saurait conclure qu’il a touché le but. Sa faiblesse ne limite pas la nature. Cependant il poss..b la notion d’un Être infini et parfait (loin de s’exclure, les deux attributs s’impliquent mutuellement). Cette notion porte sa preuve et sa justification en elle-même. L’Infini que nous concevons, ne nous apparaît tel que parce qu’il existe : comment le néant serait-il infini ? Ainsi l’analyse de l’idée même de Dieu découvre l’existence, comme un élément essentiel. La déduction confirme l’analyse. A celle idée, en effet, qui occupe notre esprit, il faut une cause proportionnée, laquelle ne peut être que l’Infini lui-même. Il semble jusqu’ici que ce soit la logique qui porte la théodicée.

Mais il faut bien plutôt dire que la théodicée fonde la logique, et que l’existence de Dieu garantit la vérité de nos idées claires. Pourquoi ? Descartes a répondu : Dieu, cause suprême de mis actes d’intelligence, ne saurait nous tromper ei ge jouer de nous. M. Hôffding voit dans cette formule une expression populaire qui ne rend pas la pensée profonde île Descartes. Philosophiquement, il convient d’entendre par Dieu l’enchaînement Continu de la réalité infinie. Plusieurs motifs justifiaient cette interprétation. D’abord, dans la 17 méditation, Descartes a écril que, par la nature considérée en général, il voulait signifier Dieu ou l’ordre que Dieu a établi dans le momie, la même expre sion employée pour désigner, soit l’ordre impersonnel, soit l’auteur impersonnel de l’ordre, p donner raison à M. Hôffding. Son Interprétation aurait ne. ne l’avant’ppri r le cercle vicieux qui

compromet si visiblement la théodicée de l>

Ique, b"— fondant loin— a tour l’une |UT l’autre.

Du moment que l idée de Dieu représente l’ensemble, l’ordre universi elle vaut par elle même. D’embli ns affirmer la réalité de

asemble, non moins è [dente qui pro