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DIEU (SA NATURE D’APRÈS LA PHILOSOPHIE MODERNE’1258

buer la perfection qu’ils la considéraient comme un élément chaotique par lui-même.

Peut-on, du moins, concevoir et admettre Dieu, à titre de premier moteur ? Contre cette thèse de la théodicée classique, Bayle élève deux objections. D’à bord, la thèse n’est admissible que si, avec les occasionnalistes, on supprime toute activité créée. En effet, du moment qu’on attribue aux mobiles un principe interne de déplacement, etaux objets créés une causalité véritable, il est inutile d’invoquer le secours d’En-Haut et d’instituer une sorte de doublure divine, qui vienne suppléer ou aider dans leur rôle les personnages naturels. En second lieu, l’existence d’un premier moteur n’implique pas l’existence de Dieu, ce premier moteur pouvant être, suivant l’interprétation de Zabarella, périssable comme le principe vital des végétaux ou comme l’âme des bêles.

Au nom des idées péripatéticiennes de forme, de facultés actives, de cause interne, Bayle déclare inutile la notion d’un Dieu qui dirigerait tous les êtres vers des fins de lui connues. Nous retrouvons le prétendu dilemme où il voulait emprisonner et étouffer la théorie du premier moteur : ou un monde inerte, ou un monde animé de forces immanentes qui se suffisent à elles-mêmes. Bayle s’insurge contre l’idée d’une activité réelle mais dépendante, telle que la conçoivent les philosophes qui, sans être occasionnalistes, admettent une cause première.

La raison humaine ne saurait établir le principe de la doctrine créationiste : à savoir que rien d’imparfait, comme est l’univers, ne peut exister par soi-même. Libre à vous de prétendre que l’esprit humain est assez fort pour s’élever à ce principe, et que seule une impiété volontaire peut l’en détourner ; mais « vous serez obligé de le prouver. » Laissée à ses propres ressources, la raison voit plutôt des objections contre la doctrine traditionnelle. Elle se trouve arrêtée par une antinomie, ne pouvant concevoir la création ni comme éternelle, ni comme temporelle. Et nous découvrons ici une nouvelle preuve de l’intention qui animait Bayle dans sa critique du panthéisme. Il conclut, en effet, son examen du créationisme, par ces lignes : « Le pade l’L’n, de llnfini, de l’Eternel, au multiple, au fini, au successif, n’est pas miens expliqué dans le système chrétien que dans le spinoziste : ni l’un ni l’autre n’a pu faire avancer d’un pas la métaphysique du vieux Parménide. » Deholve, Bayle, Paris, 1906. p. 279.

Bayle attaque, contre de multiples défenseurs, et, en particulier, contre lurieu, Jaquelot, Leibniz, la doctrine chrétienne de la providence. Dans sa discussion du problème du mal, il n’admet ni leur méthode qui ne pari pas de l’expérience, ni leurs conclusions qui affirment la coexistence d’un Dieu infiniment sage, bon el puissant, avec le mal physique et moral. Il proteste vivacité contre l’inconséquence dis apologistes, qui invoquent la raison pour établir l’existence de Dieu, et qui la récusent, comme incompétente en de telles matières, dés qu’elle formule d’invincibles objections. Il pose |e dilemme que reprendra Stuarl Mill. Ou bien nous argumentons en concepts humains, et nous connaissons la valeur des attributs que non— décernons à Dieu : alors, il Paul avouer que l’existence du mal est inconciliable avec la toute puissance d un Etre infini ment bon. Ou bien, sous prétexte que l’Être suprême

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contre la bonté ou la puissance de Dieu. Si le principe de l’univers échappe à nos critiques, parce qu’elles procèdent d’esprits bornés, il ne donne pas plus de prise à nos louanges, car nos louanges aussi s’inspirent de considérations humaines.

A l’adresse des théologiens, Bayle exprime le dilemme sous une forme un peu différente. Vous admettez, leur dit-il, comme règle suprême de vos jugements, ou bien la raison, ou bien la révélation. Dans le premier cas, vous êtes tenus de discuter le problème du mal suivant les lois et les idées de la moralité humaine, et vous ne pouvez, sans contradiction, vous retrancher derrière des principes d’action supérieurs et incompréhensibles. Dans le second cas, vous supposez les jugements de la raison humaine réformables, et dès lors vous vous interdisez de faire fond sur eux pour conclure avec certitude à l’existence d’une cause nécessaire et d’une intelligence ordonnatrice.

La doctrine positive de Bayle se ramène à une sorte d’animisme naturaliste et de providence immauente. Il accepte et confirme la théorie de Fontenelle, d’après laquelle les passions mauvaises produiraient le bien général, comme de la tourbe jaillit la flamme. Deholve, op. cit., p. 103.

Leibniz (1646-1716) a surtout étudié, dans sa théodicée, la valeur a priori de l’idée de Dieu, la transcendance de l’Etre infini, sa personnalité, sa causalité, son acte créateur, sa providence. Telles sont les six questions au sujet desquelles nous allons rappeler la doctrine de Leibniz.

D’abord, la notion de Dieu est possible. Voilà ce qui assure l’efficacité de l’argument de saint Anselme et de Descartes. Si l’Etre parfait et nécessaire ne représente pas un objet contradictoire et fictif, il existe réellement, car l’existence fait partie de ses attributs. Comment Leibniz prouve-t-il la possibilité d’une telle notion ? Il déclare, en premier lieu, que c’est aux adversaires d’en prouver l’impossibilité, les idées que nous appréhendons jouissant du droit de premier occupant, et devant être admises comme possibles, jusqu’à preuve du contraire. Ensuite, qu’adviendrait-il, si l’on déclarait illusoire ou incertaine la notion d’Etre nécessaire et parfait ? Aucune réalité ne pourrait exister, les êtres contingents et finis supposant l’action d’une cause qui se suffit à elle-même. Donc, si nous concevons un instant Dieu comme impossible, au même instant tout s’évanouit. Il faut déclarer que la notion de Dieu est cohérente et logique. On reprendra plus tard la discussion de l’argument de saint Anselme complété’par Leibniz, et l’on poursuivra l’attaque en distinguant la possibilité positive et la possibilité négative. Mais, en la critiquant, on reconnaîtra la modification originale apportée par Leibniz au célèbre argument. Voir t. I, col. 1354-1355.

Dieu est distinct de l’univers : telle est la seconde thèse que nous signalons dans la Ihéodicée leibni/icnne. Voulant simplement caractériser l’attitude de Leibniz à l’égard du panthéisme, il nous suffira de rappeler qu’il discute principalement la théorie de l’Esprit universel, tandis que Bayle, par exemple, combat surtout la théorie de la substance unique

Ce Dieu, distinct du monde, ne nous n étran ger. Leibniz n’est pas de ces philosophes qui, sous prétexte que la divinité nous est Infiniment supérieure, lui refusent tout attribut précis dont puissions trouver l analogue dans la nature lune

i perfecl ions de Dieu sont relies de nos Imes, mais il les possède sans bornes ; il est un océan, donl

nOUS n’aVOnS reÇU que lb s —ouïtes. || a en nonquelque puissance, quelque connais-, une, quelque bonté. mais elles j nt tout entier, i i n Dli ii L’ordn li proportions, l’harmonie nous enchantent, la peinture ei la musique en sont des échantilli d Dieu eal