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DANSE

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pour attirer plus facilement, et maintenir davantage la faveur d’un public blasé par les jouissances malsaines, mais toujours avide de voluptés. Dans le but de faire aflluer les spectateurs et d’augmenter ainsi leurs recettes, des imprésarios peu scrupuleux mettent en pratique le conseil donne 1 au temps de la Régence par un amateur de scandales : « Afin de réussir dans votre entreprise, allongez les ballets et raccourcissez les jupes. » Pour être vieux de deux siècles, cet infâme conseil n’a rien perdu de son écœurante actualité. Beaucoup de tbéàtres modernes avaient recours à ce moyen, malgré les timides et rares protestations de la censure officielle, qui s’alarmait parfois pour la pudeur publique. Comme tout périt sous le ridicule, surtout dans un certain monde, la censure officielle, de fait, a succombé sous les coups de ceux qu’elle visait, et qui, pour se moquer d’elle et la désarmer, l’appelaient plaisamment l’Académie de morale.

î. Itans la plupart des bals de société, dans les salons .iristocratiques, comme dans les réunions mondaines d’un rang moins élevé, le décolletage des femmes est de mise, et souvent même de rigueur. C’est la toilette de soirée, exigée par le caprice de la mode ou la tyrannie des habitudes. Que cette coutume soit déplorable, il n’y a pas à en douter. On doit souhaiter qu’elle disparaisse, et, si l’on a quelque autorité dans de tels milieux, faire tousses efforts pour que le remède soit apporté au mal. Mais, la coutume existant, coutume à laquelle pour certaines personnes du monde, du monde officiel surtout, il est si difficile de se soustraire, doit-on condamner bs dames qui, dans cette toilette, vont au bal ? Plusieurs auteurs n’hésitent pas à les condamner avec sévérité. Leur sentiment leur parait, si justifié qu’ils croient dénuée de tout fondement l’opinion contraire. Parmi ces moralistes rigides, il nous suffira de citer ici Roncaglia, Universa moralis theologia, tr. VI, De primo decalogi prsecepto, q. ni, De charilale, c. vi, De scandalo, q. v, resp. 3, 2 in-fol., Venise, 1753, t. r, p. 184 ; Concina, Theologia christiana dogmaticomoralis, l. I, lu decalogum, diss. IX, De scandalo, c. ix, § 12, n. -2-9, 10 in-4°, Home, 1755, t. ii, p. 154157. D’après eux. ni les exigences de la mode, ni l’existence de la coutume n’excusent ; et ils déclarent coupables de péché mortel les femmes quis’yconforment, à cause des tentations graves dont elles sont volontairement l’occasion pour ceux qui les voient ainsi décolletées. La coutume, disent-ils. ne s. nirait rendre licite ce qui est Intrinsèquement mauvais.

Cependant, la plupart des auteurs sont d’avis que la

coutume est une raison suffisante pour excuser ces

femmi s de péché mortel, à moins que le décolletage

ne iii, ii excessif et réellement provocateur. Cf. Navarre,

lianuale confessariorum et ptenitentium, c. xxxiii.

iperbia, a. 19, in i. Venise, 1616, p. 388 ; Lessius,

De juêlitia et jure, I. l. i iv, dub. xiv. n. 106-112,

in-fol.. Brescia, 1696, p. 654 ; Caji tan, In II" II.

q. i i.xix, a. 2, Sylvius, In II II*, q, CLXIX, a. 2,

i in-fol.. Anvers, Hif17, I. iii, p. SUS ; S dmanticenses,

ai theologi. tr. X.XI, De primo decalogi

epto, c. viii, Dr viliis charilati oppositis, p. v,

61 ; tr. XXVI, De s< cto et nono decalogi p

. c. iii, p. i, ii. 16, i. n. 18, t. v. p. 171 ; l. vi, p. 107.

iciius de matrimonio, q. ix, p. i.,

imta, 3 in-fol., Venise. 1716, t. i. p. 322 ;

Diana, tr. Y. De scandalo, r< sol. m. n. 3, "/"’"' ""inia,

8 in-fol., Lyon, HM17, t. vii, p, 333. Sanchez, De tant to

mali menlo, I. IX. disp. MAI. n. j."p,

toi., Lyon, 1687, t. iii, p. 315 ; Tamburini, Expli cutm decalogi, l. Vil, c. un. R8, d, : . Opéra omnia,

2 in-fol., Veni e, 1 TOT t. i, p, 906 ; s. Alphonse,

Theologia mmuim, I. Ill.tr. NI. Déprmeepto charitatiê,

c. ii, dub. v, a. j. n 55, t. i, p. 343 sq. ; Marc, trutitu Honei morale* alph part. II. sect. i, tr. III,

De charitale, c. ii, a. 3, § 2, De scandalo, n. 513, t. i, p. 363 ; Ballerini, Compendium theologise moralis, tr. De virtutibus, c. ni, De charilate, a. 2, § 3, p. i, sect. ii, n. 239, t. i, p. 209 ; Berardi, De recidivis et occasionariis, tr. II, part. II, De occasionibus particularibus quæ ut plurimum sunt voluntariæ, a. 2, q. i, sect. iii, n. 180-188, 2 in-8°, Rome, 1897, t. ii, p. 218224 ; Lehmkuhl, Theologia moralis, part. I, l. II, divis. I, c. iii, a. 2, g 1, n. 643, 2 in-8°, Fribourg-enllrisgau, 1902, t. I, p. 384. Aux raisons invoquées par les auteurs du sentiment opposé, ils répondent que la coutume assurément ne rend pas licite ce qui est intrinsèquement mauvais : par exemple, ce qui est contre le droit naturel ; mais la question est précisément da savoir si un pareil décolletage est mauvais intrinsèquement. Partes illas, dit Lessius, loc. cit., n. 112, p. 611, nec natura, aut pudor humanus postulat absolule tegi ; et les Salmanticenses en donnent la raison : quia non sunt partes ad lasciviam vehementer provocantes, tr.XXVI, c. iii, p. i, n.16, t.vi, p. 107. Ce décolletage n’est coupable qu’en raison du danger qu’il peut entraîner pour la chasteté. Or, comme le fait remarquer saint Alphonse, loc. cit., il est d’expérience que l’habitude de voir certains objets diminue de beaucoup la force de la concupiscence. Ainsi, ajoute le saint docteur, une femme donnera beaucoup plus de scandale, simplement en découvrant ses bras, là où ce n’est pas la coutume, qu’en montrant la partie supérieure de sa poitrine, si on y est habitué, quia, dit-il, assuefaclio efficil ut viri exlali visu minus moveantur ad concupiscentiam, proul constat ex e.rperientia. Les auteurs récents s’appuient sur le même motif : quum assueta minus pltantasiam excitent, Ballerini, loc. cit., n. 239, t. i, p. 209 ; ex consuetis non fit libido, nec passio. Berardi, loc. cit., n. 184, t. ii, p. 220. Il arrive donc, par le fait de l’habitude, que les hommes et même les jeunes gens fréquentant ces réunions, sont peu ou point choqués, ni excités, par ces toilettes légères et tapageuses.

Que faut-il entendre par moderatam vel immoderalam pectoris dénudai ionem, la première étant jusqu’à un certain point excusable, tandis que la seconde ne l’est pas ? Nul auteur ne s’est avisé de tracer une ligne de démarcation bien tranchée, par la raison bien simple que le degré de décolletage, que la coutume excuse de faute grave, dépend précisément de la coutume elle-même, qui varie considérablement suivant les contrées et les milieux. Sous ce rapport, il y a plus de liberté en Italie et dans les pays chauds qu’en Angleterre et dans les pays froids. Avec un corsage moins décolleté, une personne du nord peut bien plus scandaliser, qu’une Femme du midi dont la poitrine serait plus, i découvert. Quamquam conimunissima sit docloram sententia, non esse damnandam de peccalo mortali moderatam in mulieribus pectoris ilenudationem, ubi talis vigrat consuetudo, plerumque tamen cujusuiodi sii nioderala aut immoderata denudatio, ideo fartasse non dicuni quod varia pro variis loris consuetudo essepossit. Ballerini, loc. cit., n. 239, iM nota,

t. I, p. 209. Lehmkuhl s’exprime de même ; qttœnam

denudatio graviter peccaminosa dicidebeat, aconsuetuditie multum pendet, loc. cit., n. "’’. t. i. p. 334.

Kn certains endroits la coutume est si invétérée, si foi t.- el ^i impérieuse, qu’elle excuse non seulement de faute grave, m. us aussi de péché véniel. Il en serait

ainsi, par exemple, pour une femme ilu monde officiel

et qui ne pourrait, sans de grands inconvénients, se i i.i Berardi, » r recidivis et occasionariis, v. n. 188, t. ii. p. 223. En pratique cependant, il semble presque toujours possible.i une Femme, par des ajustement. des dentelles, des rubans, ou ornements de ce genre, de diminuer le décolletage, de manière â le > amener aux limites de i. i.